Cyberharcèlement, intimidations, exposition à des contenus inappropriés et inadaptés, ainsi qu’à la prédation sexuelle en ligne : telles sont les principales menaces auxquelles sont exposés les enfants présents sur les réseaux sociaux. Selon l’étude intitulée « Safe Online » portant sur des enfants âgés de 9 à 17 ans, 60 % d’entre eux ont accès à Internet au moins une fois par jour. Un pourcentage jugé exorbitant.
Menée dans quelques régions du pays, dont Dakar, Kolda, Kédougou, Tambacounda et Ziguinchor, l’étude «Safe Online» révèle qu’au Sénégal, 60 % des enfants de 9 à 17 ans se connectent quotidiennement. «C’est énorme !», lance Aïcha Awa Ba, directrice de Bantare Impact Group, un cabinet spécialisé dans le genre et la protection de l’enfance. Elle ajoute : «plus l’exposition à Internet est grande, plus l’exposition à des violences, des abus et des contenus préjudiciables l’est également». La preuve : la première menace identifiée est le cyberharcèlement et les intimidations, avec 45,6 %, illustre l’étude «Safe Online», présentée lors de l’atelier sur «l’écriture sensible au genre et la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles», tenu à Dakar les 26 et 27 novembre 2025.
L’atelier était destiné aux professionnels des médias, blogueurs, influenceurs et producteurs de contenus, dans le cadre de la campagne des 16 jours d’activisme, organisée du 25 novembre au 10 décembre. Le thème de l’édition 2025 est «tous unis pour mettre fin à la violence numérique à l’égard des femmes et des filles». Selon Mme Ba, la deuxième menace concerne «l’exposition à des contenus inappropriés et inadaptés». «Quand on dit contenus inappropriés, il s’agit soit de contenus à caractère violent, soit de contenus à caractère sexuel», précise-t-elle. Elle souligne que la troisième menace est l’exposition à la prédation sexuelle en ligne. Parmi les plateformes numériques utilisées par les enfants, l’enquête démontre que les réseaux sociaux, avec 46 %, demeurent l’espace où «le harcèlement et l’intimidation se produisent le plus souvent». Vient ensuite WhatsApp avec 40 %.
La directrice de Bantare Impact Group, Aïcha Awa Ba, informe que les principales formes d’intimidation et de harcèlement rapportées par les enfants se réfèrent à « des messages méchants ou menaçants » (29 %), «des commentaires blessants ou embarrassants» à la suite de leurs publications (13 %), ou encore des situations où «quelqu’un demande à un enfant d’exhiber son sexe» (11 %). L’enquête «Safe Online» révèle également que 69 % des enfants publient en ligne des contenus contenant des données personnelles. Et ils «ne savent ni comment leur image ou leur identité est diffusée, ni comment elle est utilisée dans l’espace numérique», regrette Mme Ba. Elle partage une autre statistique préoccupante : «plus de 30 % des parents au Sénégal publient des photos de leurs enfants dans l’espace numérique». Dans ce cas de figure, «ce sont les parents eux-mêmes qui exposent leurs enfants à toutes sortes de manipulations d’images et d’expositions», dénonce-t-elle, rappelant qu’il s’agit d’une «violation du droit de l’enfant, qui n’est pas en mesure de consentir».
Cette attitude est d’autant plus problématique que, «une fois qu’une image est publiée sur Internet, elle y reste à vie», alerte Mme Ba, qui invite les parents à mesurer leur responsabilité dans la protection des droits numériques de leurs enfants. «Par exemple, quand cet enfant devient adulte, et qu’il voit son image publiée sur Internet en train de danser, dans une position compromettante ou dans une scène pas reluisante, qu’est-ce qu’on fait ?», s’interroge Aicha Awa Ba. Elle se réjouit toutefois qu’au Sénégal, il existe «un arsenal juridique, national et international, sur la protection de l’enfant». Mais, elle relève qu’il «n’est pas encore suffisamment avancé pour intégrer spécifiquement la question de la protection en ligne». Elle précise que, même si le pays en est encore aux premières étapes, «des efforts sont en train d’être déployés, aussi bien au niveau institutionnel qu’au niveau des organisations de la société civile».
Quand le manque de dénonciation limite la prise en charge
Concernant la prise en charge des enfants victimes de cyberharcèlement ou d’autres formes de violences en ligne, Aïcha Awa Ba fait savoir que «les mécanismes sont, pour l’instant, très limités» au Sénégal. À cela s’ajoute un contexte socio-culturel marqué par le manque de dénonciation. «Nous n’avons pas la culture de la dénonciation au Sénégal. Nous préférons les arrangements à l’amiable plutôt qu’un processus pouvant pénaliser ou sanctionner», déplore-t-elle. Sur le plaidoyer et la sensibilisation pour une meilleure protection des enfants présents sur les réseaux sociaux, Mme Ba plaide pour que les initiatives de certaines organisations – notamment celles liées à la protection, à l’éducation au numérique ou à la digitalisation – soient davantage visibles et mises à l’échelle. «On n’a pas besoin de réinventer de nouvelles pratiques ou de nouvelles politiques, sachant que dans les organisations de la société civile, il existe déjà des choses très bien faites», soutient-elle.
Maïmouna GUEYE


