La Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien a été commémorée le 29 novembre, à l’Ucad de Dakar, à l’initiative du Cercle des étudiants humanitaires au service de la cause palestinienne. Invitée d’honneur, la députée européenne Rimah Hassan, une Franco-Palestinienne, a livré un plaidoyer contre le colonialisme et le «génocide colonial» en Palestine, saluant le rôle historique du Sénégal.
En visite à Dakar dans le cadre de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, la Franco-Palestinienne Rimah Hassan, députée européenne, a rappelé, le 29 novembre, à l’Ucad, l’urgence de «défendre sans compromis les droits fondamentaux du peuple palestinien» et de faire de la Palestine «une cause centrale des combats pour la justice dans le monde». Aux côtés de responsables politiques, d’anciens ministres et des défenseurs des droits humains, elle a salué la constance de la position sénégalaise sur ce dossier.
Dans son allocution, Mme Hassan est revenue sur son parcours et ses origines, estimant que «le colonialisme nous a collectivement défigurés». La juriste en droit international a dénoncé ce qu’elle appelle un «racisme anti-palestinien» adossé à l’islamophobie globale. «L’animalisation répétée du sujet palestinien n’est pas un dérapage, c’est un rouage de la mécanique coloniale. Déshumaniser, exclure de l’humanité, c’est toujours le préalable au consentement au génocide», a-t-elle expliqué. Pour la députée européenne, ce qui se déroule à Gaza et en Cisjordanie n’est pas un simple conflit ponctuel. «Ce ne sont pas des séquences séparées, mais un processus continu qui a commencé en 1948 et ne s’est jamais arrêté», a-t-elle soutenu tout en rappelant les massacres de la Nakba.
À ses yeux, la Palestine est devenue «une fenêtre sur l’état moral et politique du monde». Rimah Hassan a également pointé la responsabilité des États européens. «L’Europe demeure le premier partenaire commercial d’un État colonial qui commet un génocide et est difficilement défendable», a-t-elle déclaré. Elle a toutefois insisté sur la force des mobilisations citoyennes : «La Palestine est une leçon en plus d’être une cause. C’est elle qui libère le monde qui prétend la libérer». Mme Hassan a, par ailleurs, souligné le rôle et la contribution majeure des étudiants du monde en faveur de la cause palestinienne.
Le Sénégal, un soutien historique
Pour elle, la priorité reste claire : «L’impératif du cessez-le-feu demeure, mais il ne suffit pas. La lutte palestinienne n’est pas une lutte humanitaire, elle est une lutte politique d’émancipation et de libération du joug colonial. Chaque fois que l’avenir de la Palestine sera dessiné sans les Palestiniens, le monde ajoutera une arête dans sa gorge».
Outre l’intervention de Rimah Hassan, le panel a mis en lumière la longue tradition d’engagement du Sénégal au côté de la Palestine. Le vice-président de l’Assemblée nationale, Samba Dang, a rappelé que la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, instituée en 1977, «prend un relief particulier dans le contexte actuel d’escalade dramatique à Gaza». Il a soutenu aussi que «le peuple palestinien continue de subir de graves violations de ses droits fondamentaux et du droit international humanitaire». Le parlementaire a rappelé que «l’État du Sénégal continuera à défendre le droit du peuple palestinien par tous les moyens juridique, politique et diplomatique à sa disposition, notamment au sein du système des Nations unies».
L’ancien ministre des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio a déroulé la chronologie de cet engagement. Il a rappelé que le Sénégal a reconnu l’État de Palestine le 22 novembre 1988, «une semaine seulement après la proclamation de Yasser Arafat». «Dakar a été l’une des premières capitales au monde à élever la représentation de l’Olp au rang d’ambassade», a-t-il indiqué, ajoutant que Yasser Arafat a reçu un passeport diplomatique sénégalais pour faciliter ses déplacements. M. Gadio a aussi souligné le rôle central du pays à l’Onu : «Depuis 1975, le Sénégal préside le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien. C’est à ce comité que l’on doit, entre autres, la Journée internationale de solidarité, la commémoration de la Nakba et de nombreuses démarches qui ont conduit plusieurs États à reconnaître la Palestine». Pour lui, cette constance traduit une orientation de fond.
«Le Sénégal et la Palestine, ce sont plus que des relations d’États. C’est une fraternité politique et humaine. Tous les présidents sénégalais, de Senghor à aujourd’hui, ont maintenu une ligne de soutien sans faille», soutient-il. Le directeur exécutif d’Amnesty International Sénégal, Seydi Gassama, a, pour sa part, rappelé que l’Ong a qualifié, en 2022, le système israélien de régime d’apartheid. «Ce régime discriminatoire touche non seulement les Palestiniens des territoires occupés, mais aussi les Arabes citoyens d’Israël. C’est ce que nous avons documenté sur le terrain», a-t-il expliqué. Évoquant sa rencontre avec les nouvelles autorités sénégalaises, M. Gassama a insisté : «Dès le début du mandat de l’actuel président, nous l’avons interpellé sur la Palestine. Il nous a répondu : «Je ne ferai pas moins que mes prédécesseurs». Il l’a confirmé lors du Sommet de l’Oci, à Banjul, par un discours très clair».
L’ancienne ministre malienne et écrivaine Aminata Dramane Traoré a, de son côté, établi un lien entre la cause palestinienne et les combats africains contemporains. Selon elle, Gaza est devenue «un symbole des systèmes d’oppression globaux où s’entremêlent domination politique, exploitation des ressources et guerres par procuration». Elle a exhorté la jeunesse africaine à «se sentir directement concernée». Mme Traoré estime que «la Palestine n’est pas un ailleurs lointain». «Ce qui s’y joue renvoie à nos propres histoires de colonisation, de spoliation et de résistance», dit-elle.
Daouda DIOUF

