Les Sénégalais ne se sont pas encore remis de la mort mystérieuse de Nogaye Thiam, retrouvée sans vie après des jours passés dans sa chambre avec un bébé, et voilà qu’un autre drame secoue le pays. Un homme de 67 ans a été ébouillanté par son épouse sous le prétexte qu’il a pris une deuxième femme. Encore un crime passionnel. Les faits remontent au 18 novembre dernier.
Profitant du sommeil de ce dernier, elle est entrée dans la chambre, vers une heure du matin, armée d’une casserole remplie d’eau bouillante qu’elle a versée sur le corps de son mari. Une atrocité sans commune mesure. Évacuée à l’hôpital, la victime a rendu l’âme après une longue et douloureuse agonie. Une vraie barbarie conjugale ! Pour beaucoup de couples, le mariage, souvent perçu comme l’apothéose de l’amour, est sans nul doute le plus beau jour de leur vie. Au Sénégal, comme partout ailleurs, il est perçu comme un événement familial de grande envergure, un moment de partage, de symboles. Un moment fêté joyeusement. Souvent, il arrive que ces événements joyeux, célébrant l’amour d’un couple, basculent dans l’horreur. Oui, une romance tant chantée peut bien virer au drame. La vie nous montre chaque jour qu’un mariage peut mal tourner de bien des façons, que le vernis de félicité peut parfois cacher une réalité funeste, cauchemardesque. Au Sénégal, comme partout ailleurs, la vie conjugale de beaucoup de couples offre des épisodes macabres.
Chaque jour, on découvre, avec une banalité déconcertante, des meurtres de femmes du fait de leurs époux (et vice-versa) ; ceux-là mêmes qui leur ont juré fidélité, respect, amour, de les aimer pour le meilleur et pour le pire. Impossible de ne pas frémir face à cette sinistre situation quand on épluche la presse nationale. Les meurtres conjugaux ou les féminicides, parfois traités comme de simples faits divers par nos médias, défraient de plus en plus la chronique. Il n’est pas besoin d’avoir des données statistiques officielles pour mesurer l’ampleur de la situation. Mais, le fléau est toujours là et prend des proportions très alarmantes. Régulièrement, des femmes meurent sous les coups de leurs conjoints qui considèrent qu’ils ont droit de vie et de mort sur elles. Il est difficile de le nier, le féminicide, l’un des crimes les plus vieux du monde, est omniprésent dans notre société au point même de devenir un véritable problème de société.
Face à cette spirale de violence et la permanence de l’horreur qui provoquent une indignation croissante, la colère gronde chaque fois qu’une femme est tuée pour dénoncer ces violences machistes. Les associations et autres Ong se débrouillent avec les moyens du bord pour provoquer une prise de conscience à même de changer les mentalités et pour porter le plaidoyer afin de mettre un frein à la progression de ce fléau. Cependant, les femmes ne sont pas les seules victimes. C’est triste à dire, mais les violences conjugales ne se résument pas toujours à une relation dans laquelle la femme est la victime et l’homme l’agresseur. Les hommes aussi paient des fois un lourd tribut de la jalousie de leurs femmes qui n’hésitent pas à les envoyer ad patres. Les violences conjugales s’infiltrent partout, surtout là où l’on ne veut pas les voir. Et l’histoire de cet homme ébouillanté à mort par sa femme, et tant d’autres encore, nous rappelle que derrière les projecteurs d’un mariage, il peut y avoir des ombres qu’il est difficile de contrôler.
Depuis longtemps, l’horreur est en marche dans nos foyers. Elle progresse à grands pas. Une série de meurtres abominables fleurissent de plus en plus, fréquemment. Femmes et hommes en sont les cibles. Malheureusement, ces violences conjugales, qui virent souvent au drame, demeurent un phénomène de grande ampleur qui ne disparaîtra pas d’un coup de baguette magique. L’État devrait davantage amplifier la lutte en faisant voter des législations réprimant sévèrement ces crimes odieux. Et même faire de ce combat une grande cause nationale. Parfois, ces forfaits suscitent même des appels au rétablissement de la peine de mort. Mais, il y aura toujours des gens qui crieront sur tous les toits que la vie est sacrée. Comme si celle des criminels l’est beaucoup plus que celle des victimes.
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