Trois mots, et soudain un souffle d’éternité. Trois mots, et un souvenir qui résiste au temps. Trois mots, comme une porte qui s’ouvre sur une légende née dans le fracas de l’histoire. Trois mots : Pape Bouba Diop. Il est venu, il a vu, il a vaincu.
La maladie, qui l’a arraché à notre affection le 29 novembre 2020, à 42 ans, n’a emporté que la chair. Le héros, lui, demeure, debout comme toujours, crinière haute, dansant sous les lumières d’un soir du 31 mai 2002. Ce jour-là, Pape Bouba Diop et ses frères d’armes ont défié les dieux du football, les Français, champions du monde et d’Europe en titre. On ne donnait pas cher de la peau de ces Sénégalais qui jouaient leur premier match de Mondial. Et pourtant, épaule contre épaule, ces frères d’âme ont combattu avec une bravoure rare, inscrivant le Sénégal sur la carte du football mondial. Cette empreinte porte la marque indélébile d’un homme devenu géant : Pape Bouba Diop, buteur unique d’un succès éternel.
Puis, lors de la 3ᵉ journée face à l’Uruguay, le géant a encore rugi : un doublé, qui ouvrit la voie à une qualification historique en 1/8ᵉ de finale pour une première Coupe du monde. Les Lions atteignirent ensuite les quarts, trébuchant sur la Turquie, terrassés par un but en or lors des prolongations. On l’oublie souvent, mais Pape Bouba Diop demeure le meilleur buteur sénégalais en une édition de Coupe du monde, et, plus encore, le meilleur buteur de l’histoire du Sénégal au Mondial avec 3 réalisations — toutes en 2002. Ni 2018, ni 2022 n’ont effacé ce record. L’exploit est immense, à la mesure de l’homme, surtout lorsqu’on se souvient qu’il était milieu de terrain. Car pour un milieu, Pape Bouba Diop fut un pionnier. Dans le football moderne, les milieux défensifs doivent être box to box, récupérateurs infatigables et projectiles offensifs, capables de surgir, balle au pied ou dans le vide, pour menacer l’adversaire.
Bouba Diop incarna cela à la perfection : 11 buts en 62 sélections, et dans ses clubs, de Fulham à Portsmouth, de Lens à l’AEK Athènes, de Grasshopper Zurich à Neuchâtel Xamax, puis West Ham et Birmingham — 32 buts et 7 passes décisives, sous ces différentes couleurs. Pape Bouba Diop n’était pas qu’un grand footballeur par la taille (1m94) et par le talent. Tous ceux qui l’ont approché le disent : l’homme dépassait l’athlète. Et c’est sans doute là l’essentiel : laisser une empreinte dans le cœur des hommes, là où les souvenirs veillent, dans la nuit silencieuse comme dans le tumulte des foules. « En Pape Bouba, le sportif se confondait aussi avec l’homme. Malgré la gloire, il est resté un homme simple. Modeste et discret. Ses parents, voisins et amis l’ont dit », déclara Macky Sall, ancien Président du Sénégal, lors de son hommage.
El Hadj Diouf, son ancien coéquipier en sélection, a abondé dans le même sens. : « Il mérite le repos du guerrier, mais il mérite tous les égards de notre nation et de ses dirigeants. (…) Le Sénégal a perdu l’un de ses illustres fils, le plus vaillant. Il a rendu à tous les Sénégalais et Africains leur dignité et leur fierté de champions. » D’ailleurs, au stade Abdoulaye Wade de Diamniadio, nouvelle demeure des Lions, un musée porte désormais son nom. Car il est des souvenirs que rien n’efface. Des hommes qui ne meurent jamais. Des instants qui défient les saisons, et des exploits qui résonnent jusqu’aux confins de l’éternité. Pape Bouba Diop ne disparaîtra jamais. Il marchera toujours dans nos mémoires. Et chaque fois qu’un Lion, crinière offerte au vent, défiera le monde, une larme, un souffle, un frisson feront renaître son ombre, guidant les pas vers la lumière éternelle. Que son âme repose en paix.

