Le Parti démocratique sénégalais (Pds) est parti aux élections législatives anticipées du 17 novembre dernier en queue de poisson. Il peut se prévaloir de deux députés issus de la coalition « Takku Wallu Senegaal » et un de « Sopi Senegaal », soit largement en deçà de ses 25 députés de la 14e législature. Pour le politiste Mamadou Sy Albert, cette formation politique qui a raté les deux dernières présidentielles souffre d’un problème de succession.
Dans l’ouvrage « En attendant Godot », le dramaturge irlandais Samuel Beckett met en scène Vladimir et Estragon qui attendaient, à la tombée de la nuit, quelque part dans la campagne, le personnage principal, Godot, pour les sauver. Hélas, cette figure transcendante ne viendra jamais. Cette pièce, jouée en deux actes, rappelle de plus en plus l’histoire du Parti démocratique sénégalais (Pds) de nos jours. Cette formation politique historique, premier parti d’opposition à avoir provoqué la première alternance démocratique au Sénégal, perd chaque jour un peu plus de son lustre. En effet, après la perte du pouvoir par le Pds, en 2012, l’héritier naturel du pape du Sopi, Karim Meïssa Wade, dirige le parti à partir du Qatar où il réside depuis lors. Le Pds, fondé, en 1974, par son père, Me Abdoulaye Wade, qui fut d’ailleurs son leader charismatique, n’a pas pu présenter un candidat aux deux dernières élections présidentielles, à savoir les scrutins de 2019 et 2024. En outre, après 2012, plusieurs partis politiques sont nés des flancs du Pds. On peut citer, entre autres, Les démocrates réformateurs (Ldr/Yessal) de Modou Diagne Fada, le Mouvement des patriotes pour le développement (Mpd/Liguey) d’Aliou Sow, le Parti des libéraux et démocrates (Pld/Suqali) d’Oumar Sarr et l’Union pour une nouvelle République (Unr) de Mamadou Lamine Mansaly. Bien avant 2012, Macky Sall a mis sur orbite l’Alliance pour la République (Apr), Idrissa Seck, le Rewmi, Ousmane Ngom, le Parti libéral sénégalais (Pls), Jean Paul Dias, le Bloc des centristes Gaïndé (Bcg)… L’on se souvient encore du débat qui a miné le Pds à la veille des dernières élections législatives anticipées du 17 novembre dernier, suite à la décision de Doudou Wade, Tafsir Thioye et compagnie de se présenter à ce scrutin.
Il s’en est suivi une querelle de légitimité. Finalement, les responsables du Pds sont parties aux urnes sous deux listes : « Sopi Senegaal » et « Takku Wallu Senegaal ». Cette dernière liste est formée principalement par l’Alliance pour la République (Apr) de l’ancien président Macky Sall et le Pds. Ainsi, de 25 députés lors de la 14e législature, le Parti démocratique sénégalais aura deux élus à l’Hémicycle pour la 15e législature. Il s’agit de Mamadou Lamine Thiam, ancien questeur et maire de Kébémer, et Fatou Sow, la nouvelle responsable des femmes du parti. Ils ont été investis par la coalition « Takku Wallu Senegaal ». Tafsir Thioye, tête de liste nationale de « Sopi Senegaal », a aussi été élu député pour cette 15e législature. Leadership Les membres de cette dernière coalition vont-ils réintégrer la formation libérale, y seront-ils exclus ou bien mettront-ils sur pied une nouvelle formation politique d’obédience libérale ? L’avenir nous le dira. Mais, dans tous les cas, pour l’analyste politique Mamadou Sy Albert, le problème du Pds est lié à la succession de Me Abdoulaye Wade à la tête du parti. « La difficulté du Pds vient du fait qu’ils veulent coûte que coûte que Karim Wade soit le candidat du parti et personne d’autre. Ceci fait qu’il cristallise toutes les contradictions du Pds et il n’a pas de solutions à part le renouvellement des instances », soutient-il. « Si on en mesure la réaction des frustrés, on peut dire qu’il y a une mainmise de Karim Wade sur la réorganisation du Pds », soutient M. Sy qui estime que cette étape a généré un malaise au sein du Pds.
Mieux, il pense que c’est difficile de parler de « management» du Pds par Karim Wade puisqu’il est, depuis lors, à l’étranger. « Un leader, c’est quelqu’un qui impulse une organisation et des orientations, qui encadre, qui est sur le terrain… », fait-il remarquer. Et de poursuivre : « Je pense qu’il n’a pas été un leader légitime. Et le management sans légitimité, sans présence physique, sans l’influence qu’il faut, est problématique ». De l’avis de l’analyste politique, le Pds fonctionne, mais ce n’est plus un parti. Il estime que cette situation résulte du choix de Karim Wade comme patron de cette formation libérale. Il explique : « Ils ont imposé Karim Wade, mais lui a du mal à s’intégrer au sein du parti encore moins à préserver son statut de leader. En 12 ans, le Pds a subi la pression du pouvoir en place et enregistré des départs. Il s’affaiblit et c’est difficile d’envisager son retour dans l’arène politique sans un leader ». De son point de vue, c’est plutôt Wade père qui manage le parti et son choix porté sur Karim n’est pas pertinent. « Depuis 2012, le Pds n’arrive pas à exister en tant que parti encore moins à préserver son statut. Il faudrait qu’il ait le courage d’évaluer l’empreinte de Karim Wade qui n’a pas la légitimité de l’héritier politique puisqu’il a du mal à l’incarner », soutient Mamadou Sy Albert selon qui il faut au Pds un fédérateur.
Aly DIOUF