La petite taille du bélier a fini par faire sa réputation. Plus qu’un animal, « Abou Kane » est devenu une icône populaire, à la fois mascotte locale et phénomène viral.
Le point de vente de moutons de Birane Narr n’a rien de particulier aux premiers abords. Ce lieu, situé à la Sicap Karack, près du Cem Adama Diallo, peut presque passer inaperçu en cette période où les moutons font partie du décor de la capitale. Mais l’engouement que le stand suscite à l’heure de la pause des élèves attire bien des regards.
Il est midi, et les chérubins sont loin de penser au goûter. Ils convergent tous vers un seul endroit : la bergerie de Birane. Debout devant la barre qui les sépare de l’enclos, les yeux grands ouverts, ces collégiens admirent les moutons – ou plutôt un mouton – avec des sourires moqueurs au coin des lèvres. « Abou Kane » sort facilement du lot. Non, ce n’est pas un éleveur, encore moins un individu qui se serait retrouvé au milieu de ces bêtes. C’est un mouton immaculé qui a fière allure.
« Le nom d’Abou Kane vient de mon frère Cire Diakité, qui est le propriétaire de la bergerie Alhamdoulilah. Il rend hommage à un de nos oncles, Abou Kane, propriétaire des bergeries Galoya », explique Birane Narr.
(NDLR : Figure emblématique de l’élevage de moutons Ladoum – une race prisée issue de croisements spécifiques – Abou Kane est le président de la Fédération nationale des acteurs de la filière ovine (Fenafo). Il a consacré plus de 25 ans à améliorer cette race, contribuant à l’autosuffisance en moutons du Sénégal).
Mouton noir de la bergerie
L’animal est le mouton star de la toile, devant les ladoums et autres béliers de race. Il fait également frémir les apprenants du Cem Adama Diallo.
« Il m’arrive de m’arrêter juste pour voir le mouton de plus près. Je suis vraiment fan de lui. Il est très impressionnant », avoue Adama Guèye, élève en classe de 4e, les yeux rivés sur Abou Kane, tel un enfant dans une confiserie.
Le mouton semble indifférent face à tout cet engouement autour de lui. Le regard fier, cette foule laisse de marbre l’animal de petite taille. Une taille qui a fini de faire sa réputation. « « Abou Kane » appartient à la race des ‘Ndama’ (petite taille) et vient de la Casamance », confie Birane Narr, l’un des éleveurs de la bergerie Alhamdoulilah.
« Gatt bëri solo » (« Petit avec plein de ressorts »), selon un proverbe wolof. Cet adage sied parfaitement pour décrire le caractère d’Abou Kane. L’animal est loin d’être un mouton de Panurge, à en croire Birane Narr.
« Il est très têtu. Il n’en fait qu’à sa tête et est difficile à dompter », souligne l’éleveur. En dépit de sa taille, poursuit Birane, l’animal n’hésite pas à se frotter aux autres bêtes plus grandes que lui.
« « Abou Kane » a beaucoup de caractère et ne se laisse surtout pas faire. Il montre qu’il a bien des cornes et sait les utiliser pour se défendre comme un gros bélier », révèle-t-il.
Star des réseaux sociaux
Le caractère bien trempé d’ »Abou Kane » a fait son succès sur les réseaux sociaux.
« C’est justement cela que nous filmons et partageons », explique l’éleveur. Une démarche qui a rapidement propulsé la notoriété de l’animal.
En effet, les vidéos mettant en scène le bélier cumulent des milliers de vues et de réactions. L’une d’elles, où il apparaît avec le chanteur Wally Ballago Seck, bat tous les records. Elle a obtenu, sur le réseau social TikTok, 400 000 mentions « j’aime » et 8 000 commentaires.
« Il est vraiment apprécié par les Sénégalais », reconnaît Birane. Et d’ajouter : « Nous avons commencé à partager ses aventures entre 2018 et 2019. Mais c’est en 2022 qu’il a vraiment commencé à avoir du succès sur la toile, jusqu’à aujourd’hui. »
« Abou Kane », qui va bientôt avoir dix ans, est devenu la mascotte de la bergerie Alhamdoulilah. « À chaque opération Tabaski, c’est vraiment le mouton que nous mettons en avant. Nous avons beaucoup d’affection pour lui », souligne Birane Narr en jetant un bref coup d’œil à l’animal.
Pour ce passionné d’élevage, la relation qu’il entretient avec le mouton transcende toute raison. « Je me suis vraiment attaché à lui. Il est comme un membre de la famille », confie-t-il, visiblement ému. Ce dernier avoue qu’ « Abou Kane » a une valeur inestimable pour la bergerie.
« Il n’est pas à vendre, et notre souhait est vraiment d’élever d’autres races portant le même nom », ambitionne-t-il. Un défi de taille pour ce féru d’élevage.
Arame NDIAYE