Quelle place occupait Laye Mboup dans la cartographie musicale du Sénégal des années 1960-70 ?
Abdoulaye Mboup se distinguait à cette période par une enviable polyvalence. Il avait la particularité de se mouvoir dans plusieurs courants musicaux. Selon les contextes, il pouvait se produire avec sa troupe folklorique, avec l’Ensemble lyrique traditionnel du Théâtre national Daniel Sorano ou avec l’orchestre Baobab. Cette présence plurielle fait de Laye Mboup l’une des voix les plus populaires de la musique sénégalaise.
Peut-on dire qu’il articulait tradition et modernité dans sa manière de chanter ?
Abdoulaye Mboup a été un précieux pont entre deux univers qui étaient séparés. Les orchestres jouaient le plus souvent de la musique venue d’ailleurs, et les ensembles traditionnels reprenaient des airs anciens. Laye Mboup jouera le rôle de trait d’union en évoluant en même temps dans les deux univers. Il faisait par exemple réarranger par l’orchestre Baobab les chansons qu’il avait auparavant interprétées à Sorano ou dans les troupes folkloriques. Avec lui, l’orchestre moderne n’est plus l’opposé des traditions musicales ; au contraire, il en devient le prolongement, et en enrichissant le patrimoine musical local. Son chant, qui conjugue parfaitement histoire et actualité, devient ainsi un reflet saisissant de l’identité sénégalaise et ouest-africaine.
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Son nom est-il resté dans les marges du récit national parce que sa mort a interrompu une ascension discursive ?
La belle carrière de Laye Mboup a été brutalement interrompue par un décès qui a profondément endeuillé la communauté artistique et le public. Mais la voix du chanteur a continué à résonner. Ses célèbres compositions, dont « Sénégal Sunugal », ont été quotidiennement diffusées par la radio nationale jusqu’à la fin des années 1980. Des artistes comme son ami Ndiaga Mbaye et son poulain Thione Seck ont contribué à entretenir sa mémoire en l’évoquant dans leurs propres œuvres ou en réinterprétant ses chansons. L’orchestre Baobab, dans sa version des années 2000, a recruté Assane Mboup, dont la voix rappelle Abdoulaye Mboup, pour l’interprétation du répertoire de ce dernier aussi bien sur les disques que sur la scène. Ces dernières années, c’est Alpha Dieng, un autre chanteur de la nouvelle génération, qui a été chargé de la reprise des œuvres de Laye Mboup qui reste ainsi présent sur la scène un demi-siècle après sa disparition physique.
A. KÉBÉ