Au quartier Gadaga, celui des « Naar » de Dagana, l’Orchestre Jaguar de Nouakchott a offert un spectacle de haute volée, exposant les beautés du folklore maure.
La culture et les arts ont enseigné comment la diversité affermit et soigne l’unité, à Dagana, vendredi 8 août 2025, au même moment où la bêtise humaine occupe le pupitre à l’autre berge du fleuve, en pays maure, rappelant au pénible souvenir des peuples, les évènements d’avril 1989. Au gré du Dialawaly Festival, l’Orchestre Jaguar de Nouakchott a, par-delà une performance musicale, montré le panier folklorique très séduisant des « Naar » (maures). Pour ces derniers, qui se considèrent à la fois Mauritaniens et « Waalo-waalo », c’était l’occasion d’affirmer leur part dans cette mosaïque de communautés qu’est traditionnellement le Waalo. Avec les riffs félins de la guitare, qui répète une rythmique et un blues véhément, une batterie de percussions anime la fête. Éblouissantes dans leurs « meulfeus » (tissu) d’une multitude de tons, les mauresques créent un joli contraste avec les lampions contre la noirceur de la nuit. Ces femmes forment deux cohortes. La première s’est installée sur l’une des deux rangées de chaises.
L’autre loge de mauresques est placée à côté de l’orchestre, lui aussi installé à même le sol. Les applaudissements de ces dames sont en harmonie avec les percussions, prononçant la beauté du geste. Les invités et les badauds alternaient leurs regards entre l’orchestre et l’assemblée de femmes mauresques, tous deux spectacles électriques. L’orchestre est un ensemble vibrant. Deux percussionnistes font parler des mini-tabalas avec une impressionnante précision, tandis qu’un autre utilise avec tonitruance un plat en métal comme percu-cimbale. Le rythme est enveloppé par les phrases d’une guitare bluesy, conférant du romantisme au show. L’ensemble est complété par les attractions de la soirée : les danseurs. Vêtus de grands boubous bleus « maylouss » et de pantalons bouffants, avec un harnachement aux couleurs du Sénégal et de la Mauritanie, les quatre danseurs virevoltants ont fait grande sensation. Tantôt en ballet, tantôt tournoyant comme des derviches, leurs chorégraphies ont emporté l’adhésion de tous les spectateurs. Certains, joyeusement plaisantins, ont formé de petits comités derrière les rangées pour mimer les pas. Trois jeunes danseurs de la troupe Dunya, s’invitant sur la piste en tenue de Peul, ont donné l’image d’une belle cohésion des communautés. Doués et espiègles, c’est après le spectacle que les gens ont découvert que ce ne sont même pas des Peuls. Juste des malins qui ont été, comme tout ce monde, enflammés par la belle euphorie du spectacle.
Abou Diouba Deh a chanté et enchanté
Communauté à l’honneur de la 6e édition de Dialawaly Festival, les Hal Pulaar ont été doublement choyés. Samedi 9 août, à leur grand bonheur, Abou Diouba Deh n’était pas venu pour montrer des restes, mais dire son talent.
Il a suffi de voir les gradins de la salle de spectacle du Centre culturel Oumar Sarr pour savoir que c’est un jour de fête. Tandis que certains bergers arboraient des tenues propres à leur activité, d’autres avaient fait l’effort d’une belle toilette, aux côtés de femmes apprêtées, tous pour accueillir la star de toute une communauté : Abou Diouba Deh. Du haut de plus de 40 années de carrière, le lead vocal du « Jaayre Ngendi », qui vient de souffler 60 bougies, a fait valoir son expérience. Malgré l’orchestre moderne qui l’a accompagné, Abou Diouba Deh est resté sur les thèmes peuls bien traditionnels. Il a ainsi satisfait tout le public, lui l’ancien pasteur. Il a gardé ses gammes, meublé les phases avec des comptines, fait danser les plus jeunes comme les vieux, et est resté ancré dans ses sources. Abou Diouba Deh a encore toute la splendeur et le lyrisme de sa voix. « Da maa mën woy, MaashaAllah (Je suis un bon chanteur, par la grâce de Dieu) », s’est-il même permis de s’écrier entre deux couplets, quand un fan hystérique l’encensait depuis le gradin. Avec le même entrain, beaucoup de spectateurs, de tous âges et de toutes conditions, se sont succédé au pied de la scène pour distribuer des billets de banque au chanteur. On dit que, bien que ce soit sa première grande scène à Dagana, Abou Diouba a l’habitude de faire des séjours dans des domiciles de la zone pour animer des veillées festives.
C’est bien pour cette démarche séculaire, en plus de son répertoire authentique et intemporel, que l’artiste a sauvé sa notoriété malgré plusieurs absences sur la scène nationale. Ce public est aussi content parce que Abou Diouba Deh prononce la fierté hal pulaar. C’est presque à 4h du matin que le spectacle est terminé avec son tube le plus populaire, « Thiemedel Kessel ». Un moment d’apothéose et d’un comique déridant, où le public s’est levé spontanément avec des pas de danse qu’aucune littérature ne peut décrire. En première partie, il y a eu le jeune Jules Poulo et Maestro Thioune. Le premier est la coqueluche de la scène locale et du jeune public, et le deuxième est un baroudeur salsero qui a servi de plaisantes reprises de l’Orquesta Aragòn, de l’Orquestra Baobab et de Star Number One.
Par Mamadou Oumar KAMARA (envoyé spécial)