Comme chaque année depuis cinq ans, Saint-Louis vibre au rythme du festival « Au tour des cordes ». Ce rendez-vous culturel, initié par le koriste Ablaye Cissoko, a vécu, du 31 octobre au 2 novembre, sa cinquième édition. Avec des musiciens venus d’une vingtaine de pays qui tissent des liens humains et musicaux et dialoguent avec le public, cette manifestation est devenue un espace de création, de partage et de transmission du savoir et une véritable fête populaire ouverte à tous.
Un rendez-vous entièrement dédié aux instruments à cordes traditionnels et contemporains. C’est l’Adn du festival « Au tour des cordes », un espace de création, de partage et de transmission initié par Ablaye Cissoko, le virtuose de la kora. Du 31 octobre au 2 novembre dernier, Saint-Louis, ville culturelle par excellence, a vibré aux rythmes d’une belle fusion entre kora, instrument de prédilection d’Ablaye Cissoko, « xalam », « n’goni », « riti » et violon, viole de gambe, qanun, oud et guitare classique. Pendant ces trois jours, de grands noms de la musique comme Nomfusi Gotyana, Mina Agossi, Mehdi Qamoum, Carlou Di, le quatuor Telli Turnalar, Raul Rodriguez, Naissam Jala, Ganapati, Joyeeta Sanyal, Awa Ly, Nomfusi, les Enfants de la Kora, Constantinople et Ablaye Cissoko entre autres ont investi les lieux emblématiques de Saint-Louis pour des moments de pure délice musicale, riches en émotions. Les mélomanes avertis et le public qui venait pour la première fois ont été bien servis. Un espace de rencontres entre les cordes « Avec des musiciens venus d’une vingtaine de pays, qui tissent les liens humains et musicaux et dialoguent entre eux et le public, je crois que nous pourrions parler d’un espace extrêmement riche qui s’est construit à Saint-Louis. Déjà en cinq ans, l’orientation artistique de ce festival est claire et son Adn bien palpable », se réjouit Ablaye Cissoko. Le koriste qui a fait de ce festival une rencontre musicale riche, portée par une programmation éclectique et exigeante ne cache pas sa satisfaction.
En effet, depuis son lancement, en 2021, « Au tour des cordes » a réuni plus de 8000 festivaliers et a accueilli près de 200 artistes venus des quatre coins du globe pour célébrer la musique et la diversité, renseigne Cissoko. Ce rendez-vous s’est imposé comme un espace de dialogue interculturel à travers la musique ; même si pour Ablaye Cissoko, fondateur et directeur artistique du festival, il est difficile de faire un bilan exhaustif. Cependant, soutient-il, « il est clair que l’impact du festival et des concerts est très important ». Car, fait-il remarquer, « tous les concerts ont été suivis par un public venu nombreux et reparti heureux et rempli de belles musiques ». Pour le koriste, le festival a encore poursuivi son orientation cette année. « Comme son nom l’indique, c’est un festival qui met en avant les cordes et crée ainsi un espace de rencontres entre les cordes, les musiciens et le public. Il ne pouvait être que pluriel à cause de la diversité des instruments à corde mais aussi par la diversité des origines de ceux qui les manient », fait-il savoir.
« C’est une rencontre des différences avec l’objectif d’enrichir chaque musicien mais aussi chaque participant qu’il soit du public ou des autorités des différents pays qui nous avaient fait l’amitié de répondre à notre invitation. C’est l’occasion de remercier très chaleureusement les ambassadeurs de France, des Pays-Bas et du Rwanda de leur présence ainsi que tous les partenaires », ajoute Ablaye Cissoko. Le festival « Au tour des cordes », c’est aussi des sessions de formations. Car l’un de ses objectifs, c’est aussi d’aider les jeunes musiciens à élever leur niveau de connaissances et les accompagner dans la perfection de leurs performances.
« Au-delà des concerts tenus dans plusieurs sites caractéristiques de l’architecture de Saint-Louis, nous mettons systématiquement en place des master-classes et autres formations parce que les grandes scènes ont leurs exigences. C’est pour cette raison que nous nous efforçons d’outiller ces musiciens à répondre aux rigueurs des standards internationaux, dans l’objectif de s’y produire un jour », renseigne Ablaye Cissoko. C’est ce qui justifie d’ailleurs la création inédite en résidence dénommée « Polyphonies du fleuve et de la mer » qui était au menu de cette cinquième édition. Ainsi, pendant cinq jours, Mina Agossi a animé une session au profit des femmes vocalistes du fanal de Saint-Louis. « Ce festival est un lieu de rencontres, de découvertes et d’enrichissements mutuels.
Mina Agossi et les chanteuses de fanal ont produit, après plusieurs jours de résidence, une prestation de qualité qui a beaucoup plu au public », apprécie Ablaye Cissoko. Et d’ajouter : « Nos voix traditionnelles se mêleront à celles des stars du monde entier et nos instruments traditionnels d’où qu’ils viennent iront à la rencontre des instruments dits modernes avec le seul objectif d’écrire de nouvelles partitions qui enrichiront le patrimoine musical de notre pays ». Depuis quelques années, Saint-Louis s’est érigée en destination culturelle de choix, avec des événements phares qui ont eu pour effet de favoriser l’essor économique de la ville, voire la région. Le festival « Au tour des cordes » est ainsi venu renforcer l’offre culturelle déjà bien étoffée avec moult événements dont le Festival international de Jazz de Saint-Louis qui attire chaque année des amateurs de jazz venus de partout dans le monde.
En créant le festival « Au tour des cordes » à Saint-Louis, Ablaye Cissoko a voulu rendre hommage à cette ville qui l’a inspiré tout au long de sa carrière. Et offrir également un espace où les instruments à cordes du monde entier se rencontrent et s’unissent dans une même vibration, à la fois humaine et artistique. Investir dans la pluralité des expressions culturelles « Comme jeune artiste, j’ai eu la chance et l’opportunité de fréquenter la scène du festival de jazz de Saint-Louis et cela a déterminé mon orientation musicale. Avec ma carrière internationale bien établie, j’ai voulu créer, chez moi, une nouvelle scène qui s’impose dans les standards internationaux en offrant davantage de possibilités aux jeunes artistes et en proposant de nouvelles opportunités à ceux qui aspirent à progresser », explique Cissoko.
Pour le koriste, une ville comme Saint-Louis, ayant une vocation culturelle, doit investir dans la pluralité des expressions culturelles. Surtout que, note-t-il, l’événementiel occupe une place centrale dans la construction et la promotion du tourisme moderne. « C’est pour cette raison que nous avons cherché, dès la première édition, à asseoir une identité forte à notre festival, avec des résidences et des concerts animés pour des musiciens de très haut niveau d’ici et d’ailleurs avec une volonté commune d’échanger, de s’inspirer mutuellement et de s’enrichir les uns les autres ».
Cependant, précise-t-il, « l’identité et l’apport des deux festivals sont très différents et distincts ». Selon lui, le festival « Au tour des cordes » a son Adn qui lui est propre ; c’est-à-dire créer à Saint-Louis un espace pluriel de rencontres et de découvertes. Aujourd’hui, l’ambition du festival, selon son fondateur et directeur artistique, c’est de s’imposer comme un événement culturel majeur dans le continent et « d’afficher davantage la diversité dans notre programmation artistique, de faire découvrir davantage nos instruments traditionnels aux jeunes écoliers, par le biais de diverses activités de médiation dans les milieux scolaires ».
Ablaye Cissoko veut également faire de cette scène un dispositif de promotion de notre culture et d’enrichissement de nos musiciens. « Un tel festival est toujours un moment privilégié pour une bonne médiatisation de sa ville d’implantation, Saint-Louis du Sénégal », estime-t-il. Par ailleurs, Ablaye Cissoko souhaite que les jeunes qui fréquentent actuellement son école de Kora puissent voyager, aller à la rencontre des autres avec le bagage hérité de cette école trait d’union entre lui et ses pères qui ont entretenu ce patrimoine afin de le lui transmettre.
« Mon ambition est de transmettre fidèlement et sans altération ce patrimoine de cette partie de l’Afrique à mes élèves », indique le koriste. Et le festival « Au tour des cordes » fait partie de ces outils qu’il a mis en place pour contribuer fièrement au rendez-vous du « donner et du recevoir ». Après cinq éditions réussies, ce rendez-vous de transmission et de création a pris date pour l’année prochaine. Le sixième acte est prévu les 5, 6 et 7 novembre 2026.
Samba Oumar FALL

