Avec son film « Timpi Tampa », la jeune réalisatrice sénégalaise Adama Bineta Sow a été récompensée du prix du jury dans la section « Perspectives » de la 29e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco). Une belle consécration pour cette talentueuse scénariste, éprise du septième art depuis son plus jeune âge.
Dans la jungle qu’est l’industrie du septième art, Adama Bineta Sow est une belle promesse de cinéma. Celle qui évolue actuellement sous l’ombre tutélaire du talentueux producteur Oumar Sall de Cinékap a emprunté une trajectoire prometteuse, qui peut apporter beaucoup de satisfactions au cinéma sénégalais dans les prochaines années. De taille moyenne et au teint clair, Adama Bineta Sow a choisi d’évoluer dans l’ombre, à l’image de son métier. La jeune femme ne vit que pour le cinéma, un amour inconditionnel qu’elle a développé depuis l’enfance. Après un diplôme en Mba Gestion de Projet à l’Institut africain de management (Iam) de Dakar, elle a très tôt choisi de poursuivre sa passion et de faire carrière dans le secteur de la cinématographie, un monde qu’elle juge « très difficile, surtout en Afrique noire, notamment au Sénégal ».
Dans sa jeune carrière, Adama Bineta Sow a déjà réalisé deux courts métrages de fiction sélectionnés dans des festivals. Son premier long métrage, « Timpi Tampa », a valu au Sénégal son deuxième prix (mention spéciale du jury, catégorie « Perspectives») à la 29e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), ainsi qu’une sélection officielle au festival Vues d’Afrique de Montréal. Après une première expérience en 2017 dans la section junior avec son court métrage « Aveuglé par une aveugle », la réalisatrice signe un retour couronné de succès à cette biennale dédiée au cinéma africain.
Cette distinction, au-delà de célébrer la beauté de l’œuvre avec un magnifique jeu d’acteurs, dont le principal, Pape Aly Diop (Khalil), consacre également une cinéaste jeune et dévouée. « J’ai accueilli ce prix avec beaucoup d’enthousiasme et de fierté car j’ai représenté mon pays au Fespaco. De plus, me retrouver avec quelques-uns des acteurs, dont le principal, et les producteurs a été une immense joie. Nous avons tout fait ensemble durant le festival. Le prix reçu a été une énorme surprise car je ne m’y attendais pas du tout. Entendre le jury féliciter la performance de mon acteur principal a été la plus grande récompense selon moi », souligne-t-elle. Persévérer malgré la difficulté Pourtant, pour la réalisatrice, tout n’a pas été un long fleuve tranquille.
« Je dois avouer que cela n’a pas du tout été facile, mais voir que les spectateurs, les professionnels du cinéma, bref, ceux qui visionnent le film, l’apprécient à sa juste valeur, me conforte énormément. Le film a globalement reçu un accueil très chaleureux au Fespaco lors des projections. Les réactions du public et les commentaires positifs après visionnage nous ont tous encouragés à persévérer malgré la difficulté de faire un long métrage au Sénégal », soutient Adama Bineta Sow.
Le film « Timpi Tampa », dans un humour sarcastique, met l’accent sur un phénomène de société : la dépigmentation. Dans ce long métrage, le personnage principal, Khalilou, lutte contre les normes de beauté toxiques depuis que sa mère a développé un cancer de la peau suite à l’utilisation de produits de dépigmentation. C’est ainsi qu’il se déguise en Leila pour participer au concours « Miss Students », où la peau claire règne, afin de donner aux filles à la peau foncée une chance de briller. Tout au long de la fiction, la thématique de l’identité culturelle se mêle au divertissement pour mettre en relief le message du film. La réalisatrice a choisi de traiter un sujet sérieux de manière humoristique afin de mieux capter l’attention de son public. Un personnage discret « Timpi Tampa » est aussi le fruit d’une inspiration tirée des références d’Adama Bineta Sow, dont la plupart sont asiatiques, à l’image de « Hana Yori Dango », une série emblématique du Japon. La scénariste a écrit la première version de la thématique de son long métrage de fiction en 2012, alors qu’elle venait de décrocher son baccalauréat.
Après avoir constaté le phénomène de la dépigmentation autour d’elle, elle a voulu s’exprimer autour de cette thématique qui continue de prendre de l’ampleur, en usant principalement de l’humour. Toutefois, la réalisatrice tient à rappeler que son opus, qui est une comédie dramatique, ne juge ni ne critique les femmes qui pratiquent la dépigmentation. Elle aurait seulement aimé que les gens puissent s’accepter tels qu’ils sont. Le film a été produit grâce à l’appui du Fonds de développement cinématographique et audiovisuel (Fopica). « Je suis fière parce que le Fopica a contribué au financement du film. Et je rêve du jour où nos films seront entièrement financés uniquement par les fonds du continent africain. Mais pour moi, c’est déjà un grand pas », avance-t-elle. Adama Bineta Sow se félicite également du nombre important de films sénégalais sélectionnés pour cette édition du Fespaco.
« Il y en a eu beaucoup et c’était une grande fierté. Nous ne devons pas baisser les bras. Nous devons continuer à faire des films et à nous amuser en les faisant, tout en visant la qualité et l’excellence», relève-t-elle. Passeuse d’émotions, Adama Bineta Sow est un personnage discret qui donne l’air d’une introvertie. Parfois, dans la solitude, elle s’inspire et écrit des histoires fantaisistes plongeant dans un monde de rêverie enchantée. « J’aime être seule à imaginer, à créer mon propre monde. J’aime faire ressentir aux autres des émotions », confie-t-elle. C’est en 2009 qu’elle a commencé à écrire des récits. « J’étais un peu seule dans mon travail », souligne-t-elle. Inspirée par la magie de la cinématographie, elle se rapproche en 2013 de feu Abdoul Aziz Boye, alors professeur et formateur au métier de réalisateur à Ciné-Ucad-Ciné Banlieue. « Il m’a appris quelques notions techniques. D’ailleurs, c’est grâce à lui que j’ai eu des bases en réalisation de film », soutient-elle. À la fin de cette formation, Adama Bineta Sow et ses camarades ont réalisé un court métrage collectif intitulé « À la mémoire de Sina ».
Le film raconte l’histoire d’amour entre Mabel et Sina, deux jeunes qui se sont rencontrés à travers les amphis et les bibliothèques des facultés de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). La scénariste travaille actuellement sur la promotion et la diffusion de son long métrage « Timpi Tampa », produit par Cinékap d’Oumar Sall et Europacorp avec Virginie Besson Silla. Projeté en première au Fespaco, Adama Bineta Sow informe que le film sortira très prochainement dans les salles de Dakar.