Grâce à sa plume hors du commun, Amadou Hampâté Bâ a laissé une large gamme de livres, que ce soient des romans, une autobiographie, des contes, des récits historiques… autant de genres et d’écrits qui ont fasciné et continuent de marquer ses lecteurs, le plaçant parmi les auteurs les plus importants du 20ème siècle.
Dans l’histoire de la littérature négro-africaine, très peu d’auteurs ont pu, et peuvent se targuer, d’une si grande diversité dans leurs écrits. Amadou Hampâté Bâ lui, peut le faire, et ses productions peuvent en attester. De L’Empire peul du Macina (1955 nouvelle édition en 1984) à Il n’y a pas de petite querelle (2000), en passant par Vie et enseignement de Tierno Bokar, le sage de Bandiagara (1957, réécrit en 1980), Jésus vu par un musulman (1976), ou encore L’Étrange Destin de Wangrin (1973), Grand prix littéraire d’Afrique noire 1974, il a une large gamme d’œuvres qui peuvent s’inscrire dans une diversité de genres littéraires.
Pour Abdoulaye Racine Senghor, Professeur de Lettres, écrivain et critique littéraire, il est tout simplement impossible de parler de littérature africaine sans évoquer Amadou Hampâté Bâ de par son engagement et sa rigueur dans sa pensée et son écriture. « Ce que je retiens de l’œuvre immense de Amadou Hampâte Bâ, c’est son ancrage dans l’histoire et le patrimoine africain, dans les valeurs que portent les cultures et civilisations africaines. Lui-même, il en est une sorte de symbole, il en est l’éloquent reflet. Il est remarquable de noter que ses écrits, en langue française, gardent la saveur du Peul et d’un Mandingue, les langues de chez lui, celles de son environnement et de son éducation traditionnelle », démarre-t-il d’emblée, avant de revenir plus en détails sur l’héritage littéraire du natif de Bandiagara.
« D’abord, l’intérêt qu’il accorde au patrimoine culturel sans quoi l’on est perdu, voguant à l’aventure, sans repères. Il a, pour cela, puisé dans les traditions orales et rendu aux griots et aux vieillards, le respect et l’hommage qui leur sont dus. Il y a ensuite sa capacité extraordinaire à nous dire notre Afrique avec des arguments scientifiques à travers des essais et à passer à une fiction fortement assise sur le réel », argumente-t-il.
Un conteur hors pair
Assane Ka, professeur de lycée (Lettres Modernes) à Colobane (Gossas), est actuellement doctorant en Littérature orale africaine sous la direction du Professeur Ibrahima Wane à l’école doctorale ARCIV (Département de Lettres Modernes – UCAD). Sa thèse s’intitule La culture pastorale peule dans l’œuvre initiatique d’Amadou Hampaté BA. Elle s’inscrit dans une dynamique évolutive puisqu’il avait déjà écrit un mémoire de maitrise en 2009 : Le symbolisme du bovidé dans Kaidara et Koumen, puis un mémoire de D.E.A 2011 : Le symbolisme du bovidé dans Kaidara, Koumen et Ndjeddo Déwal, mère de la calamité. Selon lui, la richesse de l’œuvre d’Amadou Hampâté Bâ tire sa quintessence dans la transmission.
« L’œuvre d’Amadou H. BA (1901-1991) à l’instar de son auteur, traverse tout le XXe siècle et même au-delà. C’est donc une œuvre qui a une valeur à la fois testamentaire et testimoniale tant elle aura marqué le siècle et pour cause. Il faut rappeler que cette œuvre n’est pas qu’écrite, elle a été orale d’abord et ce, depuis la tribune de l’UNESCO où le Sage Amadou H. BA a prononcé sa célèbre maxime proverbiale galvaudée depuis : « En Afrique, un ancien qui meurt, est une bibliothèque qui brûle » Par cette posture, le disciple de Tierno Bokar Salif Tall a participé à la réécriture de l’histoire générale de l’Afrique que les colons avaient délibérément tronquée et déviée. Son apport se mesure aussi à sa capacité à créer la symbiose entre l’oralité et l’écriture dans un équilibre presque surhumain à travers ses talents de narrateur-conteur et ce, à juste titre, car il évoluait sous le sobriquet d’Amkoullel du nom du meilleur conteur du Mali d’alors dont il s’est fait l’héritier légitime. D’ailleurs, ses œuvres romanesques Amkoullel, l’Enfant peul (1991) et L’Etrange destin de Wangrin (1973) sont le fruit de son talent de conteur et de narrateur », soutient M. Ka en préambule.
Monsieur Ka considère également que l’écrivain a su s’inscrire dans la postérité à travers une formidable variété. « Amadou H. BA aura été la pierre angulaire de la littérature nègre du XXe siècle à en juger l’impact et la variété de sa production littéraire. C’est lui-même qui disait que la beauté d’un tapis réside dans la variété de ses couleurs, pour se gausser de tout chauvinisme de mauvais aloi et souligner que l’homme noir est capable de transcender les pires crimes de l’humanité pour chercher à conserver le meilleur dans la civilisation de l’autre», rappelle-t-il.
La diversité du travail d’Amadou Hampâté Bâ est telle que, même des Professeurs ont du mal à choisir leur livre préféré parmi sa bibliographie. « Il est difficile, pour moi de choisir parmi les livres du Très sage Amadou Hampâté Ba. Amkoullel, Wangrin, Thierno Bocar, et tous les autres personnages de ses livres nous sont familiers et nous illuminent du savoir qu’ils nous transmettent. Mais je retiendrais deux textes plutôt qu’un. Le premier, « Jésus vu par un musulman », qui dit la puissance de la foi et le bien que procure l’œcuménisme. Le deuxième est un message que Hampâte Ba adressé à la jeunesse ! En 1985, à l’occasion de la Journée internationale de la Jeunesse. Une véritable leçon de vie, pour un futur de progrès humain », avoue le Professeur Senghor.
Oumar Boubacar NDONGO