Figure montante du reggae sénégalais, Anaké fait parler de lui avec « MaramKairé », un single vibrant dédié à l’astronome sénégalais. Dans ce morceau à la croisée des genres et des consciences, l’artiste rend hommage à la science, à la jeunesse et à l’Afrique qui croit en elle-même. Un manifeste musical et citoyen.
Dans la constellation grandissante des voix engagées du reggae africain, celle de Diama Amadou Badji, plus connu de son nom d’artiste Anaké, résonne avec une sincérité rare. Il conjugue son héritage culturel à une vision panafricaine du monde. Sa musique, alliance inédite de reggae, drill, afrobeat et rythmes traditionnels sénégalais, est un cri du cœur pour la jeunesse. Son dernier titre, « MaramKairé », sorti le 2 avril 2025, en est l’illustration la plus achevée : une ode vibrante à la réussite scientifique incarnée par l’astronome Dr MaramKairé, dont le nom brille désormais dans le ciel avec l’astéroïde (35462).
« Le reggae, un esprit positif… »
Plus qu’un hommage, le single « MaramKairé » est un appel à l’action. Dans un style limpide et une mélodie envoûtante façonnée par le beatmaker sénégalais Ziggy Beatz, Anaké délivre un message puissant : la réussite n’est pas l’apanage de l’Occident. « C’est une lutte contre la fuite des cerveaux », explique-t-il. Pour lui, il est intolérable que les meilleurs fils de l’Afrique servent toujours les autres continents. Ainsi, avec ce morceau, il invite les jeunes à prendre exemple sur MaramKairé, à se rêver bâtisseurs d’avenir et à investir les domaines cruciaux de la science, de la technologie et de l’innovation, encore trop peu valorisés dans les politiques publiques africaines. Anaké ne s’adresse pas seulement à l’intellect, il touche aussi la fibre identitaire et patriotique. Loin des clichés qui collent au reggae, il incarne un art de la conscience. Il revendique une musique d’éveil, loin de tout folklore ou misérabilisme. « Beaucoup pensent que pour faire du reggae, il faut prendre de la drogue. Mais le reggae, c’est surtout un esprit positif, une voie pour rassembler les populations et délivrer des messages d’amour et de paix », souligne l’artiste. Fidèle à cette philosophie, Anaké a su bâtir une œuvre marquée par un engagement constant. Ses titres, « un monde meilleur », « Burn dem all », « Casa Moussol » ou encore « Beautiful women », dénoncent la corruption, appellent à la préservation des traditions, à l’unité, à l’égalité des genres et au respect des droits fondamentaux. Anaké a déjà à son actif une trentaine de singles, plusieurs collaborations internationales avec Ombre Zion ou le duo suédois Papa Sound et une mixtape de 24 titres. Son premier véritable album est en préparation, mais l’artiste prend son temps. « Ce n’est pas juste faire de la musique, c’est porter un message. Il faut que ce soit fort, sincère, juste », explique-t-il.
Dans un Sénégal où le reggae reste encore marginalisé malgré une communauté d’artistes foisonnante, l’artiste milite aussi pour une meilleure reconnaissance du genre. Il rêve d’émissions dédiées, de scènes ouvertes, d’un espace où cette musique de conscience pourra pleinement jouer son rôle. À l’en croire, le reggae peut faire énormément pour le Sénégal et pour l’Afrique. Il faut lui donner les moyens de rayonner. En quête de repères, il chante l’Afrique avec fierté. Il veut qu’on se souvienne que, bien avant d’être colonisée, elle fut berceau de savoirs, d’universités, de civilisations rayonnantes. L’artiste veut que la jeunesse regarde à nouveau les étoiles, non pas comme des rêves lointains, mais comme des sommets atteignables. En effet, avec « MaramKairé », Anaké rappelle que la réussite est possible ici, maintenant, et que chaque enfant du continent peut, un jour, donner son nom à un astre. Il chante alors pour éveiller, compose pour élever.
Polyglotte
Originaire de Casamance, Anaké commence sa carrière dans le hip-hop en 2015 avant de s’orienter vers le reggae, un genre dans lequel il puise des ressources spirituelles, culturelles et politiques. Polyglotte, il navigue entre wolof, diola, mandingue, français et anglais, traduisant ainsi la diversité linguistique de son pays et l’universalité de ses messages. « MaramKairé », chanté en wolof et en français, est à l’image de son art, accessible, ancré et porté par une ambition continentale. « C’est un appel à l’action, une exhortation à chaque Sénégalais à contribuer au pays par le savoir, l’innovation et l’engagement », confie-t-il. Anaké, en sus de louer l’excellence de MaramKairé, veut en faire une source d’inspiration. Il veut que les jeunes prennent conscience que, dès l’école primaire, on peut cultiver l’amour de la science, qu’il faut plus que la mémorisation des cours. Pour lui, il faut expérimenter, créer, rêver. Et surtout rester.
Son discours dénonce sans détour la fuite des cerveaux. « C’est intolérable que les meilleurs d’Afrique servent toujours les autres continents », affirme-t-il, appelant à une refondation de la politique éducative. « MaramKairé » est ainsi un hymne contre l’exil contraint, un plaidoyer pour un continent qui croit en ses fils et en ses filles. Il rappelle que l’Afrique a jadis éclairé le monde, des universités du Mali médiéval à l’Égypte antique.
Dosage entre modernité et tradition
Musicalement, le morceau est le fruit d’une alchimie. D’abord pensé comme un reggae pur, il a été sublimé par la collaboration avec le beatmaker sénégalais Ziggy Beatz, qui y injecte une dose de drill et de mbalax. « Le mélange s’est fait naturellement, et j’ai adoré le résultat », confie Anaké. Ce savant dosage entre modernité et tradition confère au morceau une identité à la fois audacieuse et profondément sénégalaise. Anaké reste fidèle à sa vision panafricaine. « Je ne chante pas pour fuir la réalité, mais pour la transformer », renchérit-il. Son engagement est total, contre la corruption, pour l’égalité, pour le respect des femmes, pour la mémoire des traditions africaines. « Le reggae est porteur de paix et de lumière », rappelle-t-il. Et d’ajouter : « C’est une musique d’amour et de conscience. Pour les jeunes tentés par ce genre musical, il livre un conseil puissant de garder l’esprit positif et viser l’impact. Faire du reggae, pour lui, c’est assumer une responsabilité sociale.
Anaké n’a pas encore sorti d’album, mais il a déjà à son actif une trentaine de singles et une mixtape de 24 titres. Son premier album en attente, « MaramKairé » s’impose déjà comme une œuvre phare, un jalon dans son parcours et un signal fort : une jeunesse consciente s’élève, portée par des artistes qui chantent pour bâtir.
Par Adama NDIAYE