Le Sénégal ne s’est pas encore préparé à la mise en place d’un cadre normatif pour encadrer l’intelligence artificielle. À ce jour, la question des droits d’auteur dans ce domaine peine encore à voir le jour.
Pour Aly Bathily, directeur gérant de la Sénégalaise du droit d’auteur et des droits voisins (Sodav), c’est au législateur sénégalais qu’il revient de fixer ce cadre. Un cadre, souligne-t-il, capable de prendre en charge toutes les problématiques liées à l’intelligence artificielle. « Cela nécessite une approche holistique, qui dépasse les seules considérations juridiques. Tous les secteurs sont concernés, y compris la presse. Vous-mêmes, en tant que journalistes, êtes confrontés à de nouvelles difficultés. Prenons un exemple : un journaliste à qui l’on demande d’écrire un article et qui utilise une intelligence artificielle pour le faire. Peut-il encore revendiquer la qualité d’auteur ? À partir de là, se pose la question de la titularité des productions », explique M. Bathily.
Et d’ajouter : « Au Sénégal, il faut commencer par des solutions d’urgence. La première étape, c’est d’ouvrir une réflexion nationale sur l’intelligence artificielle. » Selon lui, l’Ia repose sur plusieurs déclinaisons, notamment les Ia génératives, qui s’appuient sur la fouille de données (« data mining»). Problème : ces données, souvent issues d’œuvres protégées, appartiennent à des auteurs. « Leur autorisation n’est pas toujours demandée. Dans certains pays, des mesures d’urgence ont été prises pour obliger les concepteurs d’Ia à obtenir ces autorisations. Les données utilisées sont protégées par le droit de propriété intellectuelle, et les exceptions au droit d’auteur sont strictement encadrées par ce qu’on appelle le triple test. »
Autre enjeu évoqué par M. Bathily : le droit d’opposition (opt-out), qui permet aux ayants droit de refuser l’utilisation non autorisée de leurs données par les systèmes d’Ia. Il rappelle qu’aucune législation actuelle au Sénégal ne prend en compte ces problématiques. Toutefois, un projet de révision de la loi de 2008 sur le droit d’auteur est en cours, et la Sodav a formulé des recommandations pour y intégrer les enjeux numériques et les responsabilités des intermédiaires techniques.
Enfin, pour Aly Bathily, toute régulation doit être précédée d’une compréhension approfondie du phénomène : « Il ne sert à rien de copier les modèles d’ailleurs sans les adapter à nos réalités. Il faut partir d’un diagnostic local, pour bâtir une stratégie claire, inclusive, qui n’exclut aucun secteur. »
Ibrahima BA