Professeur de lycée (Lettres Modernes) à Colobane (Gossas), Assane Ka écrit actuellement une thèse de Doctorat en Littérature orale africaine : La culture pastorale peule dans l’œuvre initiatique d’Amadou Hampaté BA. De plus, il a aussi écrit un mémoire de maitrise et un mémoire de D.E.A sur l’œuvre d’A. H. Bâ. Dans cet entretien, il revient sur la quintessence de l’œuvre du Malien.
Quelle importance accordez-vous à l’œuvre d’Amadou Hampaté Ba dans la littérature négro-africaine du 20ème siècle ?
L’œuvre d’Amadou H. BA (1901-1991) à l’instar de son auteur traverse tout le XXe siècle et même au-delà. C’est donc une œuvre qui a une valeur à la fois testamentaire et testimoniale tant elle aura marqué le siècle et pour cause. Il faut rappeler que cette œuvre n’est pas qu’écrite, elle a été orale d’abord et ce, depuis la tribune de l’UNESCO où le Sage Amadou H. BA a prononcé sa célèbre maxime proverbiale galvaudée depuis : « En Afrique, un ancien qui meurt, est une bibliothèque qui brûle. » Par cette posture, le disciple de Tierno Bokar Salif Tall a participé à la réécriture de l’histoire générale de l’Afrique que les colons avaient délibérément tronquée et déviée. Son apport se mesure aussi à sa capacité à créer la symbiose entre l’oralité et l’écriture dans un équilibre presque surhumain à travers ses talents de narrateur-conteur et ce, à juste titre, car il évoluait sous le sobriquet d’Amkoullel du nom du meilleur conteur du Mali d’alors dont il s’est fait l’héritier légitime. D’ailleurs, ses œuvres romanesques Amkoullel, l’Enfant peul (1991) et L’Etrange destin de Wangrin (1973) sont le fruit de son talent de conteur et de narrateur. Bref Amadou H. BA aura été la pierre angulaire de la littérature nègre du XXe siècle à en juger l’impact et la variété de sa production littéraire. C’est lui-même qui disait que la beauté d’un tapis réside dans la variété de ses couleurs pour se gausser de tout chauvinisme de mauvais aloi et souligner que l’homme noir est capable de transcender les pires crimes de l’humanité pour chercher à conserver le meilleur dans la civilisation de l’autre.
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Quel héritage littéraire gardez-vous chez Amadou Hampaté Bâ ?
L’œuvre d’Amadou H. BA est, pour ainsi dire une volonté de sauvegarder les traditions « en ce qu’elles sont conservables » pour reprendre l’expression de notre auteur qui marque son adhésion pour un métissage culturel. Par ailleurs, l’œuvre littéraire de Bâ se veut une transmission de la culture et la tradition à partir des récits initiatiques traditionnels pour éventuellement leur conservation dans un monde en perpétuel mutation. L’auteur se pose la question de savoir s’il faille promouvoir des thèmes hautement importants tels que l’éducation, l’apprentissage, l’identité négro-africaine, les religions entre autres. Par conséquent, cette production littéraire truculente, stylée et audacieuse est, dans le même temps classique et syntaxiquement singulière.
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Parmi ses œuvres, est-ce que vous décelez un fil conducteur ?
On peut dire, au demeurant, que cette immense œuvre est une célébration voire une révélation pour certains, du rapport fluide entre l’oralité et l’écriture pour sauvegarder la mémoire collective. Que dire de la grande ouverture d’esprit de Tierno Bokar qui lui a permis de vivre en ascète mais d’avoir une vision profonde des choses surtout de l’islam dont il est l’un des plus valeureux représentants dans l’ancien Soudan français ?
Si on prend l’exemple de Vie et enseignement de Tierno Bokar, comment expliquer que ce livre ait autant d’impact chez les gens ?
Ce lettré musulman allait mourir dans l’anonymat sans l’apport de BA à travers une excellente œuvre : Vie et enseignements de Tierno Bokar : le sage de Bandiagara (1982) et l’Etrange destin de Wangrin (1973). Ces deux ouvrages constituent des gages de fidélité à l’histoire et de loyauté envers des gens à qui il doit beaucoup.
Propos recueillis par Oumar Boubacar NDONGO
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