Le Dialawaly Festival de Dagana (8-10 août), qui se veut un événement musical, a fini par avoir comme plus populaire attraction son carnaval. C’est un défilé sur les principales artères de la ville avec pour costumes la diversité de communautés et les récits épiques du Walo.
DAGANA – Au terme d’une cérémonie officielle d’ouverture brève et simplement protocolaire, le Dialawaly Festival (8-10 août) a démarré avec le Carnaval de Dagana. C’est toute la littérature du Walo glorieux qui est en mouvement avec ce rendez-vous. C’est un conte vivant, un chant de cohésion historique animé par les comédiens et les ballets des troupes Dunya et Diaflé, ainsi que les festivaliers. Comme une mise en train, des faux lions débarquent en trombe pour donner le ton du spectacle et susciter les premiers fiévreux coups de tam-tams. Ce, pendant qu’Amadou Ady Aïdara, artiste-plasticien et mémoire de Dagana, entretenait de sa science quelques invités.
Au sortir du musée, alors que l’animation croît, on contemple les premiers costumes. Des femmes font le premier rang, enveloppées de « meulfeus ». C’est un clin d’œil à la communauté mauresque. Ensuite viennent les Halpulaar admirables dans leurs grands boubous Palmane de différentes teintes. Ils sont à l’honneur pour cette 6e édition du festival. On reconnaît leurs femmes surtout grâce à leur maquillage raffiné, leurs bijoux jaune or et rouge sang et les calebasses qu’elles tiennent nonchalamment sur le côté.
Deux jeunes filles se distinguent également dans cette foire des communautés. Couvertes de pagnes aux motifs bleus et blancs, un sous-vêtement blanc en haut, la poitrine et les hanches sont traversées par des rivières de perles multicolores. L’une est coiffée d’une calebasse avec des mèches de cauris et de perles, l’autre porte un diadème aux mêmes tons. Le duo représente la communauté diola qu’on ne pensait pas de la fête. Même les Mandingues étaient là, au travers de la danse du Fambondi. Chez les Wolofs, on trouve les femmes emmitouflées dans des boubous amples avec plusieurs couches de pagnes, babouches au pied, longues pipes calées entre les dents, le pas altier, le « libidor » (pièce de Louis d’or) qui pend sur le front depuis le foulard de tête, le menton tatoué au noir, éventail à la main. Le tableau est beau, gracieux.
À l’ouverture de la marche, un homme d’un attirail singulier se positionne en maître. Sa longue chéchia rouge, décorée de cauris, tombe sur un visage grave. Une cape rouge couvre le dos de son grand boubou palmane qui doit avoir perdu sa première vigueur depuis bien longtemps. Mais, la majesté de sa démarche et les nombreux talismans, ainsi que sa canne mystique confèrent à cet homme une lumière royale. Une aura accentuée par la dame qui l’accompagne, dont la longue pipe en métal et la coiffure conique rappellent Ndatté Yalla et Ndjeumbeutt Mbodji (reines du Walo). On suppose que l’homme est le Brack (roi), encore qu’un jeune homme aux allures de ceddo-guerrier chevauche non loin de lui.
Gloire et récit épique
« Kor ndaama », « Waalo ñaawul », « Waalo des na Ndeer », « Dialawaly fay na Ndeer », «Waalo bañ na ku ko tooñ, ku ko saaga dee »… Des phrases que l’on retrouve dans les hymnes déclamés par le duo Alassane Sy et Alioune Ndiaye pour exalter et haranguer le mouvement. Le rythme est soutenu par une batterie de percussions et des tamas (un des symboles du Walo), tous prononçant la gloire et le récit épique de l’ancien royaume. Les percussionnistes sont installés à l’arrière ouvert d’un pick-up et la voiture roule au milieu de la procession, les comédiens et ballets, les festivaliers et les badauds. Plus que de la fascination, il y a également la population sur laquelle le défilé exerce une réelle attraction et une fierté.
Certains parmi elle, trouvés sur le bas-côté de la route, rejoignent la procession en hantant, dansant et exultant. D’autres, plus timorés ou moins toniques, restent sur le flanc en applaudissant le spectacle et en commentant la fresque. Le convoi est mené par des calèches dont les cochers prient que « le festival s’organise tous les mois ». Cette ambiance festive et bourrée de symboles a prévalu durant près de deux heures. Les seuls intermèdes ont été aux moments de passage devant les mosquées, à la prière de la Qadratul jumu’ah, et les appels du muezzin. La procession a connu son terminus au pied de (la statue de) Ndatté Yalla avant qu’un « tannebeer » ne clôture la fête. C’est là, au rythme des pas de danse et des coups de tambour, qu’une rafale de vent va précéder une fine pluie, comme à l’édition précédente. De quoi faire disserter sur les bonheurs du carnaval qui unit les cœurs et les communautés dans une région qui rêve de retrouver ses lumières.
Au-delà d’une tribune de la diversité d’une région, le carnaval est un hommage au Sénégal en soi. C’est, en effet, le Walo qui est admis comme le berceau de la culture wolof, dans ce delta du fleuve Sénégal, avant de se diffuser dans tout le pays (Djolof, Cayor, Baol, Sine-Saloum, Casamance). Il est, aujourd’hui, un des girons qui concentrent le plus de communautés ethniques.
Par Mamadou Oumar KAMARA (Envoyé spécial)