En clôture de la scène « In » du Saint-Louis Jazz, le groupe de jazz fusion français Sixun a offert un masterclass aux festivaliers. Ce groupe, qui concentre six génies de différentes cultures, sensibilités et sonorités pour une musique du monde, d’où son nom, a merveilleusement coloré le tableau jazz de Saint-Louis.
Pour la der des grandes affiches de la scène « In » de la 33e édition du Festival international de jazz de St-Louis, le groupe Sixun a magistralement tenu son rang de référence. Le sextet français a fait grande sensation sur la Place Baya Ndar, samedi 31 mai dernier. Le groupe de légende, fidèle à sa maestria du jazz fusion, a exploré les sensibilités des festivaliers avec leur répertoire qui s’étale sur 4 décennies. Le spectacle, ou la soirée, en tout cas, a pourtant commencé sur les chapeaux de roue. Une partie du public était debout derrière à tailler bavette, tardant devant la grilladerie et la table de boissons chaudes qui tenaient boutique derrière. Une autre partie était restée derrière le guichet, dans les stands de la foire artisanale du St-Louis Jazz, pour admirer ou acheter les divers articles. C’était le dernier jour, et il fallait au mieux en profiter avant la levée.
La majeure partie des spectateurs qui étaient déjà sur leur siège avaient la tête à la scène « Off » à l’Institut français (avec Wasis Diop et Tex Lbk notamment) ou à d’autres tendresses de Ndar. Les fines perles de pluie qui allaient tomber quelques petites minutes n’arrangeaient guère les choses. Mais, le Sixun est une pléiade de vieux briscards qui maitrisent l’art de conquérir son public. La bruine allait aussitôt être plus rafraîchissante que dérangeante, avec les phrases du saxophoniste Alain Debiossat. Ce dernier, surprenant les festivaliers, décore et fait danser le vent avec ses solos exquis. Quand il tient la clarinette aussi, il est tel un charmeur de cobra devant l’auditoire.
La magie Sixun qui saisit Ndar
Il l’apprivoise avec ses belles ballades mélancoliques, superbement supportées par les perles de l’excellent Louis Winsberg (guitare) et les nappes de l’habile claviste Jean-Pierre Como (pianiste prodigieux et compositeur prolifique). Ensuite vient le trio rythmique qui ne cessera d’être une attraction le reste du show : l’inusable Paco Sery (batterie), le légendaire et excellent Michel Alibo (basse), ainsi que l’émoustillant Stéphane Edouard (percussions). S. Edouard est le dernier à avoir rejoint le Sixun en 2005, alors que le meilleur groupe de jazz fusion français se reformait après une séparation en 1998.
Avant ce Français d’origine indienne à la percussion (le seul instrument à avoir changé de membres en 41 ans dans le groupe), il y a eu les Sénégalais Abdou Mboup et Idrissa Diop, ancien de l’orchestre Sahel et papa de l’animateur feu Dj Nicolas, décédé vendredi dernier. Les pics du concert ont été les interprétations des morceaux tels « Very Sixun Trip », qui évoque tout l’éclectisme cher au groupe, « The Seven Keys », « Peniscola » et « Rapisrap ». « The Seven Keys », composé par Stéphane Edouard, ressemblait à une jam session où chacun des six étalait son talent majeur. Avec l’intro exaltante et les nappes au synthé de Jean-Pierre Como, S. Edouard va agréer le thème avec ses scats et montrer comment il domine son riche set de percussions. Paco Sery prouve aussi qu’il n’a rien perdu de sa verve, sa puissance et sa dextérité. Après un pont traversé par un solo ventilé du saxophoniste, le guitariste Louis Winsberg suit avec un solo qui surfe entre diverses techniques (bend, pull-off, hammer-on).
Il y a aussi ce moment où l’excentrique et inénarrable batteur ivoirien Paco Sery occupe le devant de la scène pendant quelques minutes pour jouer du kalimba, dans une performance bien théâtrale. Le public du Saint-Louis en était charmé et émerveillé, accentuant ses ovations quand l’Ivoirien a commencé son « call & respond» avec le percussionniste. Le sextet touche très facilement l’assistance parce qu’ils sont visiblement les premiers à consommer et savourer leur musique. Ils s’éclatent sur scène, en plus d’être tout à fait rôdés au jeu. Ils se lancent des clins d’œil et des sourires, se relaient au micro et se passent le la avec une touchante complicité.
Tels des larrons en foire. Leurs cheveux et eux ont blanchi sous le harnais des scènes du monde. C’est ainsi sans aucun mal que le groupe de six a soumis le public, qui a demandé et obtenu un rappel à la fin.
Par Mamadou Oumar KAMARA (Envoyé spécial)