Les Cultur’Elles, agence pour la promotion des arts et cultures au féminin, a organisé, du 05 au 11 mai une résidence de création et d’écriture de nouvelles sur l’île de Ngor en prélude à la quatrième édition du livre féminin de Dakar. Cette retraite littéraire sous le signe de la sororité va porter à terme la production d’un recueil de nouvelles collectif des dix participantes.
L’île de Ngor s’aperçoit déjà depuis la côte. A la traversée pour emprunter la destination de l’hôtel-restaurant Yadikoone, on admire la beauté du paysage en cette douce après-midi. C’est un petit paradis qui semble coupé du monde. Les bruits urbains se taisent, la nature devient berçante. Après une traversée en trois minutes de pirogue, cette petite enclave de tranquillité se dévoile sans pudeur. Une fois débarqué, le visiteur est directement accueilli par une mer aux reflets turquoises.
Le charme de cette île réside dans sa tranquillité, ses belles maisons fleuries, ses ruelles colorées. Mais c’est surtout un nid d’artiste. Dès l’entrée, c’est le premier constat que l’on fait. Les murs sont habités par des graffitis et peintures qui capturent et captivent l’attention. Plus on avance et plus on découvre au hasard d’une rue, une des galeries d’arts ou bien une des expositions de sculptures disséminées aux quatre coins de l’île. On s’égare dans des petites ruelles colorées, ombragées décorées de faïences et des maisons en pierres sèches où les peintures murales et les fleurs jalonnent le chemin vers la résidence. Elle vaut également le détour. Elle s’apparente à un lieu d’exposition artistique.
L’esprit de l’art y est. Il susurre sa présence dans tous les lieux. Des tableaux, des objets d’art, des affiches d’exposition d’artistique. L’on comprend donc que le choix du lieu est bien guidé. Cette prégnance de l’art ne manquera d’influer sur l’inspiration des participantes. Ces dernières ont posé leurs bagages sur cet îlot pittoresque depuis quatre jours. Au sortir des sept jours, elles devront produire un ouvrage collectif en marge de la quatrième édition du salon du livre féminin de Dakar.
Parler des maux des femmes
L’exercice du jour porte sur les éléments descriptifs de la nouvelle. Ici, les participantes sont bien loin d’une classe classique. L’ambiance est animée et bon enfant. « L’idée est d’échanger sur l’importance de la description dans la narration », a expliqué Sarah Assidi en s’adressant aux apprenantes. A travers les échanges, elles ont discuté sur les procédés stylistiques. Les résidentes ont tour à tour sélectionné des passages de leurs nouvelles. « Cet exercice permet de les aider collectivement à donner plus de manière à leurs textes respectifs », a relevé la formatrice.
« Mon but est de donner aux résidentes les outils stylistiques pour mettre en mots leurs textes qui sont déjà rédigés. Chaque jour, j’aborde un aspect stylistique narratif de l’écriture tout en leur expliquant qu’il n’y a pas une façon d’écrire qui soit bonne », a expliqué Sarah Assidi. La formatrice a d’ailleurs magnifié cette résidence. Elle estime qu’il est essentiel d’aménager des espaces exclusivement réservés aux femmes pour leur permettre de parler, de se livrer et d’écrire en toute liberté dans un environnement bienveillant.
La résidence d’écriture est avant tout une occasion pour les femmes de parler des maux que subissent leurs sœurs dans la société. Pour Marième Faye, cette retraite littéraire lui permet d’aborder un sujet qui lui tient à cœur : le poids des ainés. A travers sa nouvelle, la participante revient sur les pesanteurs sociales. « Mon personnage principal est le point central d’une famille où beaucoup de choses reposent sur elle », a expliqué la participante. Marième Faye veut susciter une prise de conscience de ce qu’on peut demander à l’autre, du poids qu’on pose sur l’autre. « La résidence m’offre un cadre d’expression propice à la créativité. Et je trouve ça magnifique. C’est vraiment une initiative à porter et à mettre en valeur », a-t-elle magnifié.
Une résidence riche en diversité
L’édition de cette année tient sa particularité de la diversité des participantes. « Nous avons reçu 54 candidatures de plusieurs pays. Nous en avons sélection dix qui nous viennent de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Congo et du Sénégal », a relevé Amina Seck, fondatrice de Les Cultur’elles. A en croire l’organisatrice du Salon du livre féminin de Dakar, cette résidence n’est pas seulement une résidence pour écrire, c’est une sorte de retraite féminine, un moyen de s’exprimer peu importent les nationalités. « L’objectif, c’est de faire écrire et faire lire les femmes et de démocratiser la littérature pour donner à toutes l’occasion de (se) raconter ou de raconter une histoire », renseigne l’initiatrice.
Emma Onekekou est de de nationalité ivoirienne. La militante féministe a quitté son pays natal pour venir partager son histoire. « C’était important de me retrouver dans un espace avec d’autres femmes, pour pouvoir entendre ces voix », a-t-elle souligné. Cette dernière a apporté dans ses valises une histoire sur la ‘‘marentalité’’. « J’aborde l’histoire de deux mamans qui élèvent un enfant dans un système qui ne tient pas compte de cette singularité. C’est une question qui est inconnue du public et dont on ne parle pas », a-t-elle expliqué. Cette résidence est donc pour la jeune femme une occasion de mettre cette question sur la place publique. « Nous venons pour parler des réalités de femmes. Et ce ne sont pas seulement nos réalités. Ce sont les réalités de plusieurs femmes qui n’ont pas l’occasion de les mettre sur papier », a relevé la militante féministe.
Valérie Renard a posé ses valises au Sénégal depuis huit ans. Pour elle, cette résidence est une occasion de présenter au monde son histoire qui porte sur les relations toxiques. « Cette résidence me donne envie de continuer à écrire, et d’aller plus loin avec la nouvelle », dit-elle sourire aux lèvres. Cette dernière a également magnifié les différentes femmes rencontrées. « Je suis pleine de gratitude de pouvoir faire partie des personnes sélectionnées. Et j’encourage toutes les femmes qui ont envie d’écrire à participer à cette résidence », lance-t-elle. Un appel pour pousser les femmes à mettre la plume dans la plaie.
Arame NDIAYE