Mariama Bâ est décédée le 17 août 1981. Et pourtant, plus de quatre décennies après sa disparition, sa plume est toujours d’actualité. Et au-delà de cette qualité littéraire, son engagement pour la liberté et l’émancipation des femmes reste actuel. Retour vers le passé, ou plutôt vers le futur pour parler de la condition des femmes dans les deux romans de Mariama Bâ : « Une si longue lettre » et « Un chant écarlate ».
Dans un monde où les voix féminines sont souvent étouffées, Mariama Bâ s’est élevée comme une étoile brillante, illuminant les chemins de la littérature africaine avec sa plume audacieuse et son esprit indomptable. Son œuvre, imprégnée de la richesse culturelle du Sénégal et de la lutte pour l’égalité, résonne encore aujourd’hui, inspirant des générations de lecteurs et de penseurs. Cette icône de la littérature sénégalaise a balisé un chemin dont les mots continuent de défier les conventions et de briser les chaînes de l’injustice.
Dans son écriture, Mariama Bâ s’est très vite fixé une mission : mettre l’accent sur la condition des femmes et dénoncer toutes les contraintes qui les empêchent de prendre leur envol dans une société sénégalaise patriarcale qui, parfois, freine leur essor. Ainsi, dans « Une si longue lettre », les expériences de Ramatoulaye et de Aïssatou révèlent l’immensité des défis liés au seul fait d’être une femme. Et à travers ce cri du cœur doublé d’un appel à l’émancipation, l’auteure a un objectif clair : libérer. « Mon cœur est en fête chaque fois qu’une femme émerge de l’ombre. Je sais mouvant le terrain des acquis, difficile la survie des conquêtes : les contraintes sociales bousculent toujours et l’égoïsme mâle résiste », peut-on notamment lire dans cette œuvre.
Née le 17 avril 1929, à Dakar, Mariama Bâ a très vite compris une chose : le combat des femmes ne peut être mené que par elles-mêmes. Pour exister, il fallait se faire entendre. Et quoi de mieux pour trouver un écho que de remplir les pages blanches. Son premier roman, « Une si longue lettre » (1979), est né de ce désir de toucher, de sensibiliser, de heurter parfois la société sénégalaise dans son entièreté, face aux besoins étouffés des femmes pour accéder à l’émancipation et avoir les mêmes droits que les hommes.
Le savoir est une arme
Pour ce faire, il fallait sortir de ce carcan : être femme, c’est savoir se faire belle, s’occuper des tâches ménagères, sans piper mot. Charles Baudelaire disait : « Sois charmante et tais-toi ». Que nenni ! Mariama Bâ, elle, puisait sa beauté dans son engagement. Pour faire la différence, elle a non seulement bravé les codes, mais aussi bafoué certains « interdits ». Mais après tout, cela a été bénéfique puisque, dit-elle dans sa première œuvre : « Les différences enfantent des chocs qui peuvent être bénéfiques au développement d’un pays si elles émanent de patriotes vrais qui n’ont d’ambition que le bonheur du citoyen ».
Cette dénonciation qui se veut libératrice souhaite donner voix aux femmes marginalisées. Surtout, elle se veut être conscience des générations futures. Ramatoulaye, mère de douze enfants, est un exemple de ce que la société peut infliger aux femmes. Son désespoir est d’autant plus grand lorsque son mari décide de la délaisser pour une femme plus jeune. Dans son échange épistolaire avec Aïssatou, cette dernière dresse un constat sans appel : les femmes sont marginalisées. Et afin de renverser l’ordre établi, un outil est devenu indispensable : l’éducation. « L’éducation est un outil essentiel pour les femmes qui cherchent à s’émanciper. Elle leur permet de développer leur propre identité, de prendre des décisions éclairées et de s’engager dans la vie publique. » Ainsi décide-t-elle d’aller étudier à l’étranger. Ces deux personnages sont, en outre, un modèle pour pousser les femmes à s’unir pour mieux combattre le patriarcat.
Dans « Un chant écarlate », qui a été publié à titre posthume, la voix de Mariama Bâ se fait écho depuis l’au-delà pour dénoncer les conflits culturels et les tensions identitaires qui peuvent parfois parasiter les relations entre hommes et femmes.
Deux œuvres à lire, à relire et à méditer sur les conditions de la femme dans les sociétés africaines, notamment sénégalaise, de l’époque. D’ailleurs, cette prise de parole avait trouvé écho auprès de nombreuses personnes. La preuve : Mariama Bâ avait décroché des prix pour ses deux livres : le Prix Noma de la Foire du livre de Francfort en 1980 pour « Une si longue lettre » et le Grand Prix littéraire d’Afrique noire en 1982 pour « Un chant écarlate », à titre posthume.
Par Oumar Boubacar NDONGO