Enfin ! pourra-t-on dire. La France vient de reconnaître qu’il y a bien eu un massacre à Thiaroye. Certes, ce processus de reconnaissance a démarré sous l’ancien président François Hollande en 2014. Lui qui, le 30 novembre 2014, a salué «la mémoire d’hommes qui portaient l’uniforme français et sur lesquels les Français avaient retourné leurs fusils ». Et voici son successeur, le président Emmanuel Macron, lui emboîter le pas, la semaine dernière, dans une correspondance envoyée à son homologue sénégalais. C’est un courage à la fois moral et politique, un grand pas, mais surtout «une avancée appréciable dans le processus de réhabilitation de l’honneur et de la dignité des tirail», pour reprendre les propos du président Bassirou Diomaye Faye. Tant les massacres coloniaux ont marqué l’histoire de la France. Le président Faye d’en énumérer quelques-unes de ces histoires tragiques: Thiaroye 1944; Sétif et Guelma, en Algérie en 1945; Hanoi et Haiphong,au Vietnam en 1946; Madagascar en 1947; Douala, au Cameroun, ou Dimbokro, en Côte d’Ivoire, 1948-1949, et bien d’autres lieux. Dimbokro qui rappelle le poème du grand poète sénégalais David Diop (L’agonie des chaînes. Extrait de «Coups de pilon»). C’est à s’imaginer que le massacre fait partie de l’Adn de la France. Orgueilleuse, fière de son histoire, mais encore si condescendante vis-à-vis de ses colonisés, la France a mis du temps pour reconnaître ses actes ignobles qui ne tirent leur origine que dans l’idéologie coloniale. «Empire colonial, la France estvictime de son complexe de supériorité», aimait rappeler le célèbre écrivain franco-sénégalais Fatou Diome. Pourtant, ces soldats massacrés n’étaient point concernés, du moins directement, par les guerres men. Ils ne furent encore moins des «mercenaires»(dixit le président Diomaye Faye). Ces guerres, faudrait-il le rappeler, n’étaient pas les leurs;ils ont voulu être des «défenseurs d’une dignité humaine universelle» et ont cru à la devise de la France: Liberté, Égalité et Fraternité. Si certains ont, en effet, été contraints à participer à la guerre de libération de la «mère-patrie», d’autres l’ont fait volontiers. Malgré la puissance de feu de l’armée allemande, les tirailleurs sénégalais ont incontestablement participé à la victoire des Alliés. Le Tata de Chasselay, dans le Rhône, est làpour rappeler leur sacrifice. Dans cette nécropolees 196 personnes (188 tirailleurs originaires de différents pays d’Afrique de l’Ouest, 6 soldats d’Aftes massacrées par l’armée allemande en juin 1940 (cf.: https://fr.wikipedia.org.Tata sénégalais de Chasselay).En reconnaissant tous ces massacres et en acceptant de mettre à disposition des archives, la France vient donc de franchir un «pas important dans la restauration de la vérité». Pas qu’une partie, mais toutes les archives, afin que toute la vérité soit sue. Comme le soutient le chef de l’État sénégalais, «les archives réclamées permettront, d’après les chercheurs, de savoir comment on en est véritablemen, d’avoir une lecture plus fidèle de l’état d’esprit des tirailleurs rapatriés, de leur nombre exact,ils sont enterrés, des épreuves endurées, des frus». En cela, sa collaboration est plus que nécessaire. C’est la seule issue qui s’impose à elle pour que ses relations avec l’Afrique et le reste du monde empruntent un nouveau chemin empreint de respect mutuel, de fraternité et lui éviter tous les déboires qu’elle connaît actuellement en Afrique.
Par Daouda MANÉ