Elle est actrice, réalisatrice, productrice, technicienne audiovisuelle, coach certifiée et ambassadrice des Nations unies. Créatrice de la série Key & Za, elle a fait d’une série, un miroir brûlant où les femmes se reconnaissent, s’élèvent et s’émancipent. Voici le visage d’une combattante douce, une femme qui ne joue pas, mais vit.
Debout, femme ! Elle s’appelle Zahra Fall dans la série. Fatou Jupiter Touré, dans la vraie vie. Et dans les deux cas, elle avance, courageuse. Actrice, réalisatrice, productrice, technicienne de l’image, ambassadrice des Nations unies, elle ne joue pas : elle incarne. Elle n’imite pas : elle raconte.
À travers Key & Za, série coup de poing en cours, gagnant déjà les cœurs, qu’elle a écrite et portée à l’écran, Fatou signe un plaidoyer lumineux pour les femmes libres. Libres de rêver. De tomber. De recommencer. Et surtout, d’exister.
La série explore les multiples facettes de la vie des femmes, qu’elles soient mères, sœurs, amies, célibataires, épouses ou divorcées, mettant en lumière leurs luttes, leurs ambitions et leurs désespoirs.
Sa voix est calme, mais sa parole claque. Ses gestes sont mesurés, mais son impact est immense. Chaque rôle qu’elle joue est un message. Fatou n’est pas une actrice de passage. Elle est une présence. Une empreinte.
Key & Za, ou le miroir des femmes
C’est dans l’ombre d’un atelier universitaire que la lumière est née. À l’université, elle rejoint l’atelier de recherches théâtrales Isseu Niang. Le théâtre entre en elle comme une seconde peau. Puis le Théâtre national Daniel Sorano, la troupe Bou Saana, des expériences au Brésil, en France. Elle joue, elle apprend, elle affine.
La suite est fulgurante. Des publicités, des courts-métrages, puis des séries devenues cultes : C’est la vie, Yello Peppe (Ghana), You Taxi, Jiggen, Golden, La dernière danse, Que le père soit, et une apparition dans Une si longue lettre d’Angèle Diabang. Mais l’élan le plus décisif, c’est Key & Za. Une série née de l’observation, de l’intime, de l’expérience. « J’ai grandi entourée de femmes fortes, discrètes ou éclatantes, toujours dignes. Leurs vies m’ont inspirée. Devenir femme à mon tour, c’était comme porter un héritage que je voulais projeter à l’écran », explique-t-elle.
Zahra, le personnage principal, en est l’émanation : libre, ambitieuse, entière. Elle refuse les chaînes invisibles. Elle avance, même blessée. Elle rêve, même brisée :
« Zahra, c’est moi, c’est mes proches, c’est tant de femmes que j’ai rencontrées ou imaginées. Elle ressemble à toutes celles qui, un jour, ont dit non au silence ». Et ce « non » résonne. Chaque épisode provoque. Fait réagir. Interpelle. On s’y retrouve. On s’y blesse. On y respire. Pour beaucoup de femmes, Zahra devient un modèle : celle qui ose, tombe, se relève. Celle qui apprend à se choisir.
Une héroïne qui fait grandir
En créant Key & Za, Fatou Jupiter s’est confrontée à elle-même. « Ce rôle m’a transformée. Il m’a poussée à me redéfinir. À comprendre que chaque parcours est unique, mais que nos douleurs sont souvent collectives », confie-t-elle. Elle ne cherche pas à être applaudie. Elle cherche à faire réfléchir. Les retours du public l’émeuvent. « Souvent, certaines femmes m’écrivent pour dire qu’un épisode leur a donné la force de quitter une situation toxique. D’autres y trouvent du réconfort. C’est cela, le vrai succès », se réjouit Mme Touré. On attendrait d’elle une posture militante. Elle préfère la nuance : « Je n’aime pas parler de combat. Je vis dans une société que j’aime profondément. Mais quand ses normes empêchent l’épanouissement, alors oui, j’élève la voix ». Pas contre, mais pour. Pas dans la colère, mais dans la conviction.
Son féminisme est ancré, sensible, enraciné dans la réalité sénégalaise. Il ne cherche pas à casser, mais à réparer. À bâtir une société où la femme n’est plus l’ombre du monde, mais sa lumière.
Une actrice aux mille visages
Derrière Zahra, il y a une femme aux mille vies. Une formation solide : licence en anglais, master en communication d’entreprise, certification de coach, technicienne audiovisuelle. Elle connaît l’image, la fabrique. Elle sait ce que raconter veut dire. Et elle choisit ses histoires avec exigence. Ambassadrice des Nations unies, elle œuvre pour l’éducation, pour les droits des jeunes, pour les causes féminines. Elle voyage, prend la parole, écoute. Elle pense que l’art peut être moteur de changement.
Cependant, dans un monde où les injonctions pleuvent, Fatou Jupiter Touré trace sa route. Sans arrogance. Sans reniement. Pour elle, rester soi, ce n’est pas faire la guerre aux autres. C’est juste refuser de s’éteindre. C’est se poser les bonnes questions : Qui suis-je ? Qui ai-je envie de devenir ? Et avoir le courage de ne pas trahir cette réponse. Elle appelle à l’équilibre, à la bienveillance. Refuse la course à l’image. Préfère l’authenticité : « On peut ne pas plaire, mais rester vrai ».
Une vocation enracinée dans la scène
Ce qu’elle veut que l’on retienne ? Que l’on peut chuter sans être disqualifiée. Que les erreurs sont des leçons, pas des défaites. Et surtout, que les femmes doivent être « la main de l’autre, un miroir bienveillant ». Un chœur solidaire face aux tempêtes.
Son œuvre parle d’elle : lucide, sincère, exigeante, profondément humaine. Une femme qui regarde le monde sans trembler, et qui, dans le tumulte, garde cette certitude tranquille : toute vie a un but. Il suffit d’oser l’embrasser.
Fatou Jupiter Touré. Une force. Et quand elle entre en scène, c’est toute une génération qui relève la tête.
Adama NDIAYE