Clap de fin pour la huitième édition du Festival international du court métrage de Dakar (« Dakar Court »). Du 4 au 13 décembre, la capitale sénégalaise a vibré au rythme de films venus des quatre coins du globe, avant une clôture solennelle avant-hier au cinéma Pathé. À travers un palmarès exigeant, « Dakar Court 2025 » confirme son statut de carrefour cinématographique majeur, où l’urgence du monde se raconte en formats courts, mais en récits denses, humains et puissamment incarnés.
Pendant dix jours, la huitième édition du Festival international du court métrage de Dakar (« Dakar Court ») a transformé l’écran en miroir des sociétés contemporaines. Dans l’obscurité feutrée des salles, les films se sont succédé comme autant de fragments de vies, de cris étouffés, de silences habités. Cette huitième édition, marquée par une sélection internationale rigoureuse, a exploré avec finesse la diversité culturelle, les fractures sociales, les héritages intimes et les blessures collectives. Dans cette édition, le court métrage n’est pas un exercice mineur mais plutôt il est un art de la condensation, de la précision, du regard juste.
Le Grand Prix de la compétition officielle attribué à Alazar de Beza Hailu Lemma en est la parfaite illustration. Coproduit entre l’Éthiopie, le Canada et la France, ce film de 36 minutes impose une mise en scène maîtrisée, où le souffle narratif épouse la trajectoire intérieure de ses personnages. Lemma filme l’attente, le doute et la dignité avec une rare économie de moyens, privilégiant les silences éloquents aux dialogues appuyés. Le jury ne s’y est pas trompé, lui décernant également le Prix de la mise en scène, confirmant la force cinématographique d’une œuvre qui conjugue exigence formelle et profondeur humaine.
Des films profondément humains
Au plan national, le Grand Prix Annette Mbaye Derneville a couronné « C’était bien » de Linda Lo. Ce court métrage, délicat et pudique, capte la mémoire comme un territoire fragile, où les souvenirs affleurent par touches impressionnistes. La réalisatrice y déploie un regard sensible, attentif aux détails, aux gestes infimes, aux émotions contenues. Un film qui s’inscrit dans une tradition d’un cinéma sénégalo-français de l’intime, sans jamais perdre de vue l’universalité de son propos. Le Prix du scénario est revenu à « L’enfant à la peau blanche » de Simon Panay, une œuvre au récit tendu, qui interroge frontalement l’altérité, l’identité et les regards projetés sur les corps. Par une écriture précise et sans didactisme, le film aborde une thématique délicate avec une intelligence narrative saluée par les professionnels.
Côté interprétation, « Dakar Court » a fait le choix de l’audace et du collectif. Le Prix d’interprétation féminine a été attribué aux trois actrices de Adan Nawn ek ko (« Dans l’âme et dans le corps ») d’Ella Moun Cherley Raveau, Sarah Fromager et Sylviane Eneleda pour une performance chorale, habitée, où les corps et les voix dialoguent dans une grande intensité. À l’inverse, le Prix d’interprétation masculine a distingué la justesse du jeune Tiago Marques dans « Punter » de Jason Adam Maselle, film co-produit par Spike Lee, qui révèle un talent brut, capable de porter à l’écran la complexité de l’adolescence.
Le Prix d’école décerné à « Le serment » de Boukary de Sagou Banou souligne, quant à lui, l’importance de la relève et la vitalité des écoles de cinéma africaines. Enfin, le Prix Grec France Tv attribué à « Le tambour du silence » d’Assane Niang, garantissant un achat par France Télévisions et une aide à la réalisation, ouvre des perspectives concrètes de diffusion et de production. Au-delà des films, Dakar Court a aussi célébré l’écriture critique. Le Grand Prix du Meilleur « Article cinématographique » est revenu à Isabelle Kolkol Loua (Guinée) pour son analyse du film Bord à bord de Sahar El Echi, rappelant que le cinéma se prolonge dans le regard de ceux qui l’écrivent. Ainsi s’achève « Dakar Court 2025 ». Une édition dense, cohérente et engagée, où le court métrage s’affirme comme un langage essentiel pour dire le monde. Un festival qui, loin des effets de mode, continue de parier sur la puissance du cinéma lorsqu’il ose la sincérité. Vivement la neuvième !
Adama NDIAYE

