Réagissant à la décision du ministère de la Communication sommant les « médias non conformes » de suspendre leurs activités, Ibrahima Lissa Faye dénonce une méthode « cavalière » et non conforme aux textes. Le Coordonnateur des associations de la presse (Cap) pointe de nombreuses irrégularités dans la procédure et alerte sur les conséquences économiques pour le secteur de la presse.
« C’est une décision lamentable et malheureuse parce qu’elle a été prise sur des bases et sur une procédure entachée beaucoup de vices de forme », tranche d’emblée le coordonnateur de la Coordination des associations de presse (Cap) à propos de la demande du ministère de la Communication aux médias non conformes de cesser leur diffusion ou parution. Même s’il se dit favorable à une régulation du milieu de la presse, Ibrahima Lissa Faye fait savoir qu’il ne s’attendait pas à cette façon de faire de la tutelle. «Nous avons appelé à une meilleure régulation de la presse, mais on ne s’attendait pas à ça du tout. On ne s’attendait pas à ce que le ministère déroule de manière cavalière cette décision qui viole à la fois le Code et la Constitution », lâche le patron du groupe Pressafrik, précisant que l’action de la tutelle n’a rien à voir avec de la régulation. Car, selon M. Faye, «la régulation suppose un recensement rigoureux, une période de mise en conformité et un accompagnement. Ici, certains médias n’ont même pas reçu de notification expliquant leur rejet. Ce n’est pas normal», s’indigne-t-il. Il précise qu’au cœur du processus, une plateforme numérique censée centraliser les dépôts de dossiers a été mise en place mais, selon lui, elle présente «de graves dysfonctionnements».
La justice va trancher
«Des médias ont bien déposé leurs documents, mais ceux-ci n’apparaissent pas. L’erreur ne vient pas d’eux. Le ministère refuse pourtant de reconnaître ces failles», regrette-t-il.
Face à cette situation, Ibrahima Lissa Faye informe que des concertations sont menées en vue de saisir la Cour suprême pour contester la légalité de la décision. Par ailleurs, devant la démarche dite «cavalière» de la tutelle, il se réjouit de voir que tous les acteurs de la presse sont regroupés pour dire non. «Je ne vois pas de voix discordantes ou une organisation de presse qui est d’accord avec ce que fait le ministre actuellement. Toutes les organisations de presse concordent à dire que ce travail fait par le ministère n’est pas bon», renchérit-il.
Interpellé sur le classement de Reporters Sans frontières (Rsf) où notre pays a gagné 20 places, il refuse tout amalgame car, pour lui, le classement montre que la presse recule au plan économique. « La réglementation nous a fait régresser de 6 points sur le plan économique. Là où le Sénégal a gagné 20 places, c’est au niveau des emprisonnements, des arrestations, etc», précise-t-il. C’est pourquoi le coordonnateur de la Cap lance un appel au dialogue. «Le ministère dit agir pour notre bien, mais refuse de rencontrer les acteurs. Depuis les assises de la presse, aucune concertation sérieuse n’a été engagée», déplore-t-il.
Souleymane WANE