Ingénieur polytechnicien (X- Paris), spécialisé dans les technologies de l’IA (intelligence artificielle) et leurs algorithmes, Ndiaye Dia est le coordonnateur du Salon des algorithmes et de l’intelligence artificielle (Saltis) dont la troisième édition s’ouvre ce 10 décembre. Il est aussi fondateur de l’Institut des algorithmes du Sénégal. Pendant deux jours, ce forum va réunir un éventail diversifié d’intervenants, comprenant des institutions, des innovateurs, des entrepreneurs, des investisseurs, des chercheurs et des passionnés de technologies. Le thème est : « Recherche et développement en IA : les projets en cours, et réalités des collaborations universités et entreprises ». En matière d’IA le Sénégal dispose d’atouts dont son infrastructure numérique, le super calculateur « Taouey », et surtout son capital humain.
Le Saltis en est à sa troisième édition. Comment jugez-vous l’’état d’exécution de la stratégie nationale de l’IA ?
Vous savez que le Sénégal a officiellement présenté sa stratégie nationale sur l’intelligence artificielle en septembre 2023, marquant une étape significative dans l’adoption de cette technologie révolutionnaire. La stratégie s’articule autour de quatre objectifs fondamentaux : on veut faire de l’IA un catalyseur du développement socio-économique, l’utiliser pour stimuler l’économie, créer des emplois pour les jeunes et renforcer la souveraineté numérique du Sénégal. Nous voulons que cette technologie soit orientée vers l’amélioration des conditions de vie et pour l’atteinte des Objectifs de développement durable.
On entend aussi appliquer cette technologie pour résoudre des problèmes sociaux et environnementaux, contribuant ainsi au bien-être général. Le Sénégal peut se positionner comme un leader régional en la matière d’IA en promouvant la coopération technologique régionale et établir notre pays comme un exemple en Afrique de l’Ouest.
Toutefois, nous devons nous assurer que l’IA est responsable, éthique et digne de confiance. Dans cette perspective, l’idéal est de mettre en place des cadres juridiques et éthiques pour encadrer son utilisation de l’IA.
On doit souligner que le Saltis a joué un rôle fondamental dans l’adoption de cette stratégie en réunissant l’écosystème des acteurs de l’intelligence artificielle pour discuter de la nécessité pour le Sénégal de se doter d’une véritable stratégie et d’en définir les tenants et aboutissants. Cet événement avait servi de plateforme pour des échanges entre les parties prenantes, facilitant ainsi la formulation d’une vision nationale cohérente. Au cours de la conférence en marge du salon, il est prévu de faire le lien entre recherche et innovation.
Quelles collaborations envisager entre universités et entreprises dans le domaine de l’IA ?
Lors de cette troisième édition, les discussions autour du thème « recherche et développement en IA : les projets en cours, et réalités des collaborations universités et entreprises » offriront une occasion précieuse d’explorer les synergies potentielles entre le monde académique et le secteur privé dans le domaine de l’intelligence artificielle.
Les collaborations entre universités et entreprises dans ce domaine offrent une opportunité unique pour allier recherche académique et innovation industrielle. Les projets de recherche appliquée permettent aux universités de travailler en partenariat avec des entreprises pour développer des solutions innovantes répondant à des besoins concrets, favorisant ainsi l’impact social et économique des résultats de recherche. Je pense que les institutions académiques jouent aussi un rôle clé dans le renforcement des compétences en proposant des programmes de formation et de certification adaptés aux exigences du marché, formant des professionnels qualifiés capables de relever les défis technologiques contemporains. L’incubation et le soutien aux startups constituent un autre axe de collaboration, où les universités peuvent fournir des espaces de travail, du mentorat et un soutien financier pour encourager la création de nouvelles entreprises technologiques dans le domaine de l’IA.
Ces initiatives favorisent l’émergence de solutions locales et l’innovation entrepreneuriale. Par ailleurs, l’organisation d’événements, tel que le Saltis, permet de réunir chercheurs, entrepreneurs, ingénieurs et investisseurs pour échanger des idées, créer des synergies et explorer de nouvelles approches collaboratives.
Ces rencontres renforcent les liens entre les différents acteurs de l’écosystème. Enfin, les partenariats entre entreprises locales et internationales ouvrent la voie à l’adaptation de solutions d’intelligence artificielle aux spécificités culturelles, sociales et économiques du Sénégal. Cela contribue à positionner le pays comme un hub technologique régional et à stimuler son développement économique et social.
Comment appréhendez-vous les défis et réalités de l’accès au financement des entreprises investies dans l’IA ? Comment capter une partie des investissements privés alloués à la branche ?
L’accès au financement pour les entreprises investies dans l’intelligence artificielle en Afrique, et particulièrement au Sénégal, représente un défi majeur, mais également une opportunité pour transformer le paysage technologique et économique.
Pour répondre à ces enjeux, il est essentiel de renforcer la visibilité des initiatives locales. Les entreprises doivent être perçues comme des acteurs capables d’apporter des solutions concrètes aux problématiques spécifiques du continent.
En valorisant leurs innovations et leurs impacts, elles peuvent attirer l’attention des investisseurs, tant locaux qu’internationaux. Le développement d’instruments financiers adaptés, comme des fonds dédiés à l’intelligence artificielle, est une piste importante. Ces fonds pourraient bénéficier de financements croisés entre les secteurs public et privé, et inclure des mécanismes d’incitation pour réduire les risques encourus par les investisseurs.
L’implication des institutions publiques, par le biais d’incitations fiscales ou de co-investissements, renforcerait la confiance et dynamiserait les flux financiers vers ce secteur. Les partenariats public-privé constituent également un levier stratégique pour encourager le financement des projets d’IA.
En mettant en commun les ressources technologiques, financières et humaines, ces collaborations peuvent favoriser le développement de solutions innovantes dans des secteurs prioritaires comme la santé, l’agriculture et l’éducation. Une telle approche assure une mutualisation des bénéfices et des risques tout en apportant une réponse directe aux besoins de la population. Enfin, il est crucial d’établir un cadre juridique et institutionnel solide pour créer un environnement de confiance. Un système qui protège les droits des investisseurs, garantit la transparence des transactions et encourage l’innovation par des politiques claires favorise la mobilisation des ressources nécessaires…
Propos recueillis par Samboudian KAMARA