Elle n’avait jamais envisagé de faire du cinéma et moins encore du théâtre à l’origine. Elle rêvait de devenir médecin militaire ou journaliste. Le destin lui a réservé une autre voie dans le monde de l’art et de la culture. Depuis sa première apparition à l’écran dans la Collégienne de Marouba Fall, Joséphine Mboup s’est battue pour se faire un nom. Comédienne, actrice, camerawoman, réalisatrice et productrice, elle capitalise trois décennies d’expérience. Récemment portée à la tête du Collectif des acteurs et actrices sénégalais de l’audiovisuel et du cinéma (Caasac). Son ambition est de contribuer, grâce à ses compétences, son expérience et son savoir-faire, à la redynamisation et à l’essor du cinéma sénégalais.
En deuxième année à l’École nationale des arts (Ena), elle a fait sa première apparition au petit écran. Elle interprétait le rôle de Oulimata Thiam dans La Collégienne, une adaptation du roman de Marouba Fall, réalisée par Boubacar Ba. Joséphine Mboup ne pouvait, dès lors, imaginer que ce serait un tournant pour sa future carrière de comédienne, d’actrice ; même si elle n’a jamais envisagé d’avoir cette trajectoire artistique. Elle se voyait plutôt médecin militaire. Ou journaliste. Le destin a, malheureusement, chamboulé tous ses plans. Sa mère y a également beaucoup contribué. Cette dernière, qui était amie et collègue de Moussa Sène Absa, l’a beaucoup encouragée sur cette voie. « En ce moment, Moussa Sène Absa mettait en scène la pièce Rouba aux côtés de grands comédiens comme feu Thierno Ndiaye Doss, ainsi que des élèves du conservatoire tels que Yacine Diouf, Marème et Aïta Ndiaye.
Ce sont justement ces dernières qui m’ont parlé du Conservatoire d’art dramatique. L’année suivante, en 1993, je me suis inscrite à l’Ena. C’est ainsi que mon parcours artistique a véritablement commencé », raconte la diplômée du Conservatoire d’art dramatique de Dakar. Plus tard, en 2005, elle a intégré le Forut Média Centre de Dakar, où elle obtient un diplôme de technicienne en audiovisuel. « Après un stage d’un an à la Rts comme cadreuse, je me suis orientée vers la réalisation en 2007 », renseigne-t-elle. La carrière de Joséphine Mboup dans le cinéma a véritablement démarré en 1997, à sa sortie du conservatoire. Elle s’est distinguée en jouant dans le court-métrage « David » de Moussa Thiam et aussi le long-métrage, Tgv de Moussa Touré. Une étape décisive dans son parcours. Par la suite, Joséphine Mboup a collaboré avec plusieurs réalisateurs africains et internationaux dont Cheikh Oumar Sissoko du Mali, Ahmet Fall Diagne dans les films « Scénario du Sahel », Serigne Mbodj dans « Vieux Samba », Alain Gomis dans « La France », Mamadou Ndiaye (Rts) dans « Main-tenant… virtuellement familiale ».
Son expérience s’est aussi étendue à des productions d’envergure internationale, comme « Kirikou et la Sorcière » de Michel Ocelot, et à des œuvres intimistes comme « Des étoiles » de Diana Gaye, « La Malette » de Matar Badiane. Sans oublier une brève apparition récente dans « Xalé » de Moussa Sène Absa. Sa capacité inouïe à se fondre dans différents personnages témoignent d’un vrai talent de comédienne et d’actrice. Sa première expérience devant une caméra l’a beaucoup marquée. « La Collégienne a été ma toute première expérience et pour être honnête, c’était à la fois excitant et complètement inattendu ! C’est Paco Traoré, l’un des acteurs du film, qui nous a proposées, Diariétou Keïta et moi, pour jouer respectivement les rôles de Oulimata Thiam et Magoumsou Ba.
Passion dévorante et engagement inébranlable
C’était comme entrer dans un monde nouveau, découvrir la magie du cinéma pour la toute première fois », renseigne-t-elle. Le personnage de Salambaré qu’elle a interprété dans « Tgv » de Moussa Touré a aussi été une étape marquante, estime-t-elle. « Ce film m’a offert l’opportunité incroyable de jouer aux côtés de grands acteurs tels que feue Isseu Niang, feus Ismaïla Cissé, Abou Camara, Abdou Mama Diop, Oumar Seck, Makena Diop, mais aussi Joséphine Zambo, et Mbaye Lo Guèye, qui était également mon professeur de diction et de vocalise au conservatoire », rappelle-t-elle. Au théâtre, Joséphine Mboup retient plusieurs expériences marquantes parmi ses multiples représentations, tant en Afrique qu’en Europe… Que ce soit dans « Les Indépendants-Tristes » de William Sassine, mis en scène par Jean-Claude Idée et joué pour la première fois au festival de Limoges, ou encore « Les Serpents » de Marie Ndiaye, lauréate du Prix Goncourt 2009, mise en scène par Marcel Delval et présentée en grande première à Bruxelles, mais aussi « La fabuleuse histoire de Ndogal, Beugue et Geume », adaptée de la fable de Seydi Sow et mise en scène par Philippe Laurent, qui avait également dirigé la compagnie des « 7 Kouss ».
Durant toute sa carrière, Joséphine a travaillé extrêmement dur pour prouver qu’elle avait sa place dans ce milieu qu’elle a embrassé. En 2010, elle a réalisé et produit son premier film documentaire : « Des insectes et des hommes ». Et depuis 2011, elle a piloté une grande partie des productions de la Télévision futurs médias (Tfm) en tant que Chef de Division de la Production de Gfm ; ce qui lui a permis de travailler sur des projets très variés et de collaborer avec de nombreux talents. « Je peux dire que mes productions sont plus télévisuelles que cinématographiques. Évidemment, mon rêve est de me mettre carrément à la production d’œuvres cinématographiques », assure-t-elle. Sa passion dévorante et son engagement inébranlable lui ont permis de repousser ses limites et de se distinguer comme un acteur engagé pour le développement du cinéma sénégalais.
En février dernier, Joséphine Mboup a été porté à la tête du Collectif des acteurs et actrices sénégalais de l’audiovisuel et du cinéma (Caasac) qui a pour but d’unifier les acteurs du secteur autour d’un cadre professionnel solide.
Faire entendre la voix des acteurs sénégalais
Et de lutter pour une meilleure reconnaissance du métier d’acteur, à travers un statut juridique clair et la protection des droits sociaux. Cette élection constitue, selon elle, une nouvelle étape dans sa carrière. « Être à la tête de cette association constitue à la fois un défi et une responsabilité, avec des enjeux importants pour le développement du cinéma et de l’audiovisuel au Sénégal. C’est aussi une occasion de mettre en pratique toute l’expérience que j’ai accumulée au fil des années », affirme-t-elle. Aujourd’hui, être à la tête de la première association d’acteurs et d’actrices sénégalais de l’audiovisuel et du cinéma offre à Joséphine Mboup l’opportunité de contribuer, grâce à ses compétences, son expérience et son savoir-faire, à la redynamisation et à l’essor du cinéma sénégalais. « Être à la tête du Caasac donne la possibilité de faire entendre nos voix et de défendre nos intérêts.
J’en profite pour remercier les membres fondateurs ainsi que l’ensemble des acteurs qui m’ont élue à ce poste », indique la présidente du Caasac. Selon elle, le 7e art sénégalais vit à son propre rythme, et cela depuis des décennies, avec une production très faible due au manque de budgets conséquents qui permettrait à cette industrie de prendre son essor.
Entre passions et vie familiale
« L’État gagnerait beaucoup à augmenter l’enveloppe actuelle de 2 milliards de FCfa allouée au Fopica afin de soutenir et d’accroître considérablement la production d’œuvres cinématographiques », indique Joséphine Mboup qui est d’avis que la culture doit être remise à sa juste place, c’est-à-dire être considérée comme le début et la fin de toute chose. « Le gouvernement actuel gagnerait beaucoup à injecter des fonds conséquents dans la culture, à l’image des autres secteurs, car elle constitue un véritable levier de développement économique, attire les investisseurs et pourrait même freiner l’émigration clandestine », soutient-elle. Et avec les jeunes qui investissent de plus en plus dans ce secteur avec passion, Joséphine est convaincue de l’urgence de mettre en place des infrastructures adéquates, de les former pour les professionnaliser et de subventionner leurs initiatives.
« Cela leur permettrait de développer leurs propres start-ups et de concrétiser ainsi les industries culturelles et créatives au Sénégal », assure-t-elle. Après 32 ans de carrière, le cinéma, comme le théâtre et la télévision, lui a permis de se découvrir elle-même. « Jouer différents personnages m’a poussé à m’autocritiquer constamment, à me remettre en question, à ne jamais être totalement satisfaite de moi-même et à toujours chercher à mieux faire. Au-delà de cela, le cinéma m’a permis de voyager dans le monde, de découvrir d’autres cultures et de rencontrer des personnes d’horizons diverses. Il m’a aussi permis de devenir une artiste engagée, capable, grâce à mon art, de contribuer au développement culturel et économique de mon pays, en portant des messages forts et en prenant position à travers mes réalisations », relève Joséphine qui parvient à concilier, avec aisance, son travail professionnel et ses passions. Aujourd’hui, Joséphine Mboup voit grand. Outre son combat pour le rayonnement du cinéma sénégalais, son rêve c’est de s’investir davantage dans la production et la réalisation d’œuvres cinématographiques, afin de créer des projets qui reflètent sa vision artistique.
Par Samba Oumar FALL