Entrepreneur et pédagogue, l’artiste Kalidou Kassé fait rayonner les cultures africaines dans toute leur richesse, en particulier celles du Sahel. Le peintre est reconnu pour une esthétique engagée, au service de l’humanité et de l’identité du continent.
L’artiste visuel Kalidou Kassé a définitivement inscrit son nom sur la liste restreinte des « immortels » de l’art, grâce au caractère profondément authentique et personnel de son œuvre. Sa peinture, marquée par une signature singulière, s’impose par ses couleurs vives et chatoyantes, capables de nous transporter dans un cocon de sérénité. À travers chaque toile, il offre un univers apaisant où l’esthétique rencontre le sensible. Pendant de nombreuses années, il a sublimé les paysages sahéliens et le quotidien enchanteur de nos sociétés. Le peintre ne s’est jamais lassé de traduire sur la toile les problématiques de son époque, dans une approche à la fois lumineuse et critique.
Avec ses personnages filiformes qui nous transportent dans une authenticité singulière, Kalidou Kassé peint pour capturer des instants d’intimité et révéler l’humain dans toute sa complexité. Son œuvre est une véritable synthèse de la vie fortement marquée par le courant de l’émotion, un miroir des désirs quotidiens d’un mortel plus que jamais résolu à nourrir son esprit et à éclairer le monde. Pour la nouvelle génération, le patron des « Ateliers du Sahel » est comme un patriarche de la peinture sénégalaise, dont la curiosité pousse à explorer tous les registres de la création.
En septembre 2020, le plasticien a célébré ses quarante ans de création à travers l’exposition « Gis Gis Bu Bees » au Musée des civilisations noires de Dakar. Un moment exceptionnel qui a permis à l’artiste Kalidou Kassé de revenir sur son parcours artistique, lequel l’a poussé à percer tous les mystères de la création ou presque. Cela, en peignant les joies et misères, les espoirs et échecs existentiels de son époque… Bref, toutes les thématiques de la vie, mais toujours avec une élégance raffinée, une démarche assumée, un talent millimétré ainsi qu’une constance assurée : Orientation plastique.
L’exposition, pour marquer ses quatre décennies de présence artistique, était aussi une manière d’explorer une nouvelle démarche. Celle-ci semble donner du sang neuf à une époque sombrant dans l’incertitude et l’affliction. Une démarche esthétique et une orientation plastique entamée tout au début de la crise de Covid-19. Mais aussi un nouveau paradigme pour éviter de se répéter après autant d’années de création prolifique. Pour ce faire, celui qu’on appelle le « Pinceau du Sahel » avait fait appel à de nouveaux matériaux dont le papier canson et la toile jute, avec un champ d’exploration faisant l’échographie et la radioscopie de la société, de l’environnement et du monde. Kalidou s’était alors inspiré de la crise sanitaire planétaire, la Covid-19.
Son objectif : attirer l’attention sur la nécessité de créer une nouvelle vision pour bâtir un futur radieux, à travers une création qui sert davantage l’humanité, quittant ainsi le concept de l’art pour l’art de Théophile Gautier. Né à Diourbel et ayant grandi à Thiès, Kalidou Kassé a marqué de manière indélébile l’art sénégalais. « L’artiste plasticien Kalidou Kassé occupe une place centrale dans l’histoire de l’art du Sénégal, de l’Afrique et du monde », rappelait le professeur Abdoulaye Racine Senghor en 2020, à l’occasion de la célébration des quarante ans de carrière de l’artiste. Pour arriver au somment, il a fallu une grande dose d’opiniâtreté à Kalidou Kassé afin d’honorer la promesse faite à son père : devenir artiste. Ce pater, pourtant, le destinait au métier de cheminot. Mais lui, fidèle à sa passion, avait déjà choisi l’art.
Depuis lors, il n’a cessé de se forger, détermination en bandoulière, pour accomplir pleinement cette ambition. Kalidou Kassé a passé toute son enfance à dessiner, à gribouiller, à capturer l’inspiration qui jaillissait de son cocon familial et des scènes de vie, notamment celles des ateliers de tisserands. Plus tard, il rejoindra les Manufactures sénégalaises des arts décoratifs (Msad) de Thiès, un lieu d’excellence où il côtoiera de grands maîtres de l’art tels que Daouda Diouf, Mademba Guèye, Badara Camara ou encore Jacob Yacouba.
À cette époque, sous l’impulsion de Léopold Sédar Senghor, premier président de la République du Sénégal, les Msad représentaient le sommet de l’art plastique sénégalais. Engagement social Après son passage aux Manufactures sénégalaises des arts décoratifs de Thiès, le « Pinceau du Sahel » débarque à Dakar pour entamer une nouvelle étape dans sa carrière artistique. Il y rencontre André Seck qui le pousse à approfondir sa maîtrise des textures et des matières.
En 1981, Kalidou Kassé participe à sa première exposition collective au Centre culturel régional Blaise Senghor, aux côtés d’artistes tels qu’Ousmane Sy et Meïssa Tounkara. Quelques mois plus tard, il signe sa première exposition personnelle à la galerie Bruno, en plein centre-ville. Avec son complice Paulane, il s’impose comme un véritable rayon de soleil sur la scène des arts plastiques sénégalais. L’engagement de Kalidou ne se limite pas simplement à nourrir et à sublimer l’esthétique sénégalaise, voire africaine.
L’artiste est réputé pour son altruisme. Un volontarisme pour faire une véritable entreprise sociale ; s’occuper de sa communauté, surtout des couches vulnérables notamment les enfants. Et parmi ces brillants projets, l’on retrouve « Un talibé, un métier », ou « Thiès en couleurs » pour apporter sa contribution à la problématique alarmante des enfants talibés à travers l’insertion et la formation professionnelle. Avec le Bureau du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), il a aussi travaillé à initier les enfants à la peinture.
Ibrahima BA