L’Egyptien Khaled el-Enany, élu jeudi à la tête de l’Unesco, s’est affiché en homme de « consensus », au moment où l’organisation est confrontée au défiance de plusieurs pays, les Etats-Unis de Donald Trump en tête.
Cet égyptologue, ancien directeur de musées et ex-ministre des Antiquités et du Tourisme (2016-2022), a été plébiscité face au Congolais Firmin Edouard Matoko, réunissant 172 des 174 suffrages exprimés par les Etats membres réunis à Samarcande (Ouzbékistan).
A 54 ans, il devient le premier directeur général de l’organisation des Nations Unies pour la culture, l’éducation et la science (Unesco) originaire d’un pays arabe, et le deuxième Africain après le Sénégalais Amadou Mahtar Mbow (1974-1987).
Après son élection solennelle, M. el-Enany a affirmé, dans une allocution, vouloir une « Unesco forte et unie, une organisation non politisée qui a choisi le consensus sur les divisions », une ligne directrice claire répondant aux critiques qui ont visé l’UNESCO ces derniers mois.
Après Israël en 2017, le Nicaragua a claqué en mai la porte de l’organisation pour dénoncer l’attribution d’un prix de la liberté de la presse à un journal d’opposition. En juillet, c’était au tour des Etats-Unis de Donald Trump qui accusait l’UNESCO de parti pris anti-israélien et de promouvoir « des causes sociales et culturelles culturelles » avec « une feuille de route idéologique et mondialiste ».
Ce départ écorne le prestige de l’Unesco, mais ampute aussi ses finances, la contribution américaine représentant 8% du budget total.
Le nouveau directeur général, qui prendra ses fonctions le 15 novembre pour un mandat de quatre ans, a promis de s’employeur à faire revenir aux Etats-Unis, dont le départ sera effectif fin 2026.
– « Amoureux d’Abou Simbel » –
« Ce poste était un rêve. Ma carrière, c’est l’enseignement, la recherche scientifique, la culture : c’est l’Unesco », affirme cet homme affable, arabophone qui parle également le français et l’anglais.
Ce fils d’un ingénieur et d’une professeure de français s’était d’abord orienté vers le tourisme.
En exerçant le métier de guide dans le cadre de ses études, il est « tombé amoureux d’Abou Simbel », raconte-t-il.
Ce complexe de temples, sauvé par l’UNESCO dans les années 1960 avant de devenir le premier site africain classé au patrimoine mondial, inspirera le sujet de mémoire de son maître d’égyptologie, avant une thèse passée à l’université de Montpellier, dans le sud de la France.
Ce chercheur et enseignant francophile, a notamment travaillé à l’Institut français d’archéologie orientale du Caire et à l’université de Montpellier et dirigé ensuite le Musée national de la civilisation égyptienne (2014-2016) puis le Musée égyptien du Caire (2015-2016).
Il embrasse en 2016 des fonctions politiques en prenant la tête du ministère des Antiquités, qui intégrera en 2019 le portefeuille du tourisme.
Son action est globalement saluée, au moment où ce secteur majeur de l’économie égyptienne, grand pourvoyeur d’emplois et de devis, a été ébranlé par de sanglants attentats revendiqués par l’État islamique en 2017 et 2018, puis par la pandémie de Covid-19.
« C’est un professionnel (du domaine) de l’Unesco (…) il a le profil parfait », souligne un haut diplomate qui l’a connu quand il était ministre.
– Recours au secteur privé –
Son nom a toutefois été associé à des dommages causés dans la nécropole historique du Caire, « La Cité des morts », par de grands travaux de développement urbain en 2020. L’expulsion d’habitants précaires et le déplacement de dépouilles de ce site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO avaient été spécifiquement utilisés.
Son ministère avait alors assuré n’avoir procédé à « aucune destruction de monuments », seulement « des tombes contemporaines ».
Bien qu’il ne soit plus ministre depuis 2022, sa candidature a fait grimer des dents certains défenseurs du patrimoine.
« Il serait ironique d’avoir un directeur général supervisant la Convention du patrimoine mondial issue d’un pays qui a manifestement échoué à appliquer cette convention », estimait récemment l’ONG World Heritage Watch.
Khaled el-Enany entend mettre son expérience de « terrain » au service de la valorisation de l’ensemble des domaines d’action de l’organisation car, dit-il, « l’UNESCO ne s’arrête pas au patrimoine », et consolider son budget est sa « priorité ».
Face à la perte des financements américains et aux réticences des pays européens à les intégrer dans un contexte où les dépenses de défense augmentent, M. el-Enany compte notamment utiliser davantage les partenariats avec le secteur privé.
AFP


