La Hoop Gallery (Paris) met en lumière le travail de l’artiste visuelle Kiné Aw. Ses œuvres sont à voir – du 18 septembre au 13 novembre 2025 – dans le cadre d’une exposition individuelle titrée « Imagine ».
Une ode à la paix, à l’universalité. C’est dans cet esprit que la légende John Lennon a interprété le single à succès « Imagine » sorti le 11 octobre 1971. Le titre traverse les époques avec une résonnance contemporaine. Pour son premier solo show à Paris, à la Hoop Gallery, l’artiste visuelle Kiné Aw présente un univers inédit, vibrant de couleurs et d’émotions. Loin de la monochromie qui avait marqué ses précédentes expositions, « Imagine » – à voir du 18 septembre au 13 novembre 2025 – s’embrase d’un dégradé chatoyant, rappelant les lumières changeantes d’un coucher de soleil. Roses tendres, jaunes solaires et oranges profonds se fondent dans un halo de douceur, comme un horizon qui s’éteint lentement dans la quiétude d’une fin de journée parfaite – celle où l’on se sent à la fois apaisé et porté par l’amour. Les toiles bruissent de gestes tendres et de corps enlacés, porteurs d’un amour universel, protecteur, presque sacré. Les personnages, détaille un document de présentation, évoluent au milieu d’immenses fleurs extraordinaires, comme échappées d’un rêve d’Alice au pays des merveilles. Ici, tout est démesuré, plus beau, plus possible. Ces fleurs ne sont jamais de simples ornements : certaines abritent un œil grand ouvert en leur cœur, d’autres prennent elles-mêmes la forme d’un regard au bout de leur tige. Elles semblent veiller, observer, protéger. Ces fleurs-yeux, à la fois énigmatiques et familières, deviennent des symboles de vigilance, d’intuition, de vérité – comme une invitation à percevoir l’invisible – à lire au-delà des apparences.
À travers cette immersion, explique Yasmine Yazback, fondatrice et directrice de la Hoop Gallery, Kiné Aw nous convie dans un monde onirique où le réel et l’imaginaire se mêlent, où il suffit d’oser imaginer pour voir éclore de nouvelles réalités.
Dialogue entre tradition et modernité
Figure majeure de la scène contemporaine sénégalaise, souligne la galeriste, Kiné Aw déploie ici toute la richesse de son univers : un dialogue subtil entre tradition et modernité, une fusion de symboles mythologiques africains et universels, une écriture plastique faite de lignes courbes, de graphismes inventés et de compositions enveloppantes. « Nourrie par la mythologie, le surréalisme, le cubisme et une réflexion profonde sur la place des femmes, elle façonne un art à la fois intime et universel, profondément humain », analyse Mme Yazback.
Selon elle, avec « Imagine », Kiné Aw nous offre un voyage au cœur d’une Afrique poétique et lumineuse, traversée par des récits d’amour, de résilience et de beauté. Elle nous rappelle qu’il suffit parfois de fermer les yeux, d’ouvrir grand son cœur… et d’imaginer.
Native de Dakar, Kiné Aw – de son nom complet Fatou Marie Françoise Aw – a passé une partie de son enfance à Kinshasa, en République démocratique du Congo. C’est cette enfance marquée par l’effervescence artistique et culturelle de la capitale congolaise qui a éveillé chez elle une passion durable pour l’art. Diplômée de l’École nationale des Arts de Dakar en 2006, Kiné Aw s’installe au Village des Arts de Dakar, où elle travaille dans son atelier, qu’elle décrit comme son « laboratoire », un lieu de création et d’expérimentation. Le travail de Kiné Aw est présenté sous le prisme d’un subtil dialogue entre tradition et modernité. Ses œuvres interrogent les valeurs ancestrales africaines tout en engageant une réflexion sur les interactions et transformations du monde contemporain. Inspirée par le surréalisme et le cubisme, elle développe un style singulier marqué par l’importance des lignes courbes. Kiné Aw puise son inspiration dans la mythologie africaine et les symboles de l’Égypte antique, tels que l’œil d’Horus, ainsi que par des pratiques spirituelles locales comme le Ndeup et le Leuk Daour. Ces influences confèrent à son travail une dimension onirique et mystique, peuplée de figures mythologiques, de symboles énigmatiques. Elle tisse également des liens avec d’autres mythologies universelles, comme celle de la Grèce antique, en explorant par exemple la figure complexe de Méduse. La femme, dans toute sa complexité et ses multiples facettes, reste au centre de sa démarche artistique. À travers son art, Kiné Aw explore les luttes, les droits, les désirs et les aspirations des femmes, confrontées aux défis d’une société en mutation où se croisent modernité et héritage ancestral. Son travail met en lumière les tensions entre enracinement et émancipation, et invite à une réflexion sur la place des femmes africaines dans un monde en perpétuelle transformation. Sur le plan technique, Kiné Aw privilégie l’utilisation de matériaux variés, tels que le goudron, la peinture acrylique et les pigments. À travers ces médiums, elle cherche à transformer le désordre du monde en un « ordre » singulier, qui exprime une vision personnelle de l’Afrique en quête d’une modernité à la fois enrichie et parfois contrariée par des traditions séculaires. Son parcours exceptionnel, jalonné d’expositions au Sénégal, en Europe, aux États-Unis et en Chine, reflète un rayonnement international et une reconnaissance institutionnelle remarquable.
E. Massiga FAYE