L’une des particularités de la musique de Kiné Lam réside dans le silence, la pause éloquente qui donne à ses œuvres une dose de mélancolie.
La technique vocale de Kiné Lam est une danse, une chorégraphie du souffle, de l’intonation et de la profondeur. Sa maîtrise du phrasé vocal s’apparente à celle d’un peintre qui joue avec les nuances. Elle utilise une respiration diaphragmatique profonde, d’une rare précision, pour donner à sa voix une ampleur et une fluidité exceptionnelles. Cette maîtrise lui permet de jouer avec le contrôle du souffle, modulant son timbre avec une grande finesse. En ce sens, le docteur Dame Ndaw, linguiste et chercheur à l’Ucad, explique dans son article intitulé « Analyse de la prosodie dans les chansons de Kiné Lam » que, « Dans la musique de Kiné, la durée est un élément très structurant et que les hiérarchies rythmiques sont essentielles au niveau de la forme et du sens ». Le spécialiste ajoute aussi que du point de vue structurel, l’image sonore et le fond organique qui interagissent dans les chansons de Kiné Lam à travers des paramètres musicaux et des modalités d’organisation (syntaxe) créent une cohésion entre la structure formelle et les techniques vocales (la hauteur, les intervalles mélodiques, l’articulation rythmique, la durée, l’intensité, le timbre, etc.).
Ainsi, Kiné Lam demeure une virtuose de la profondeur vocale. Sa capacité à passer d’un registre à l’autre avec une telle fluidité est un véritable tour de force technique, mais ce n’est pas seulement la virtuosité qui émeut. L’art de Kiné Lam ne réside pas uniquement dans les sons qu’elle produit, mais également dans ce qu’elle tait. La prosodie, ce jeu subtil entre les sons et le silence, est l’un des aspects les plus fascinants de son chant. Elle sait jouer des silences avec une telle intensité que ceux-ci deviennent des prolongements de la musique. Le silence devient son allié, un espace où les émotions peuvent se déployer. Dans ses morceaux, il n’est pas rare de l’entendre suspendre une phrase, laisser l’air s’étirer, puis reprendre soudainement le rythme comme une vague qui reprend son élan après un moment de calme. Ces silences sont chargés de sens, remplis d’une tension douce qui donne à chaque mot une profondeur inouïe. Son utilisation de la dynamique vocale est également un élément clé de sa technique. Kiné Lam n’hésite pas à jouer avec des crescendos puissants qui surgissent de l’immobilité la plus totale, ou à déployer des decrescendo sublimes, où la voix se fait presque chuchotée, murmurée, avant de retrouver sa pleine puissance. Cette maîtrise de l’intensité et de la modulation sonore lui permet de faire naître une gamme infinie d’émotions à travers des variations subtiles dans l’attaque des phrases et la manière dont elle relâche les mots. Aussi, le linguiste a noté un redoublement qui est une figure vocale en même temps que verbale, plusieurs fois dans le répertoire de la cantatrice, comme « Adduna- adduna » et « Dimbalima-dimbalima ». Chez Kiné, il existe quelques onomatopées rédupliquées qui apparaissent comme marqueur d’ironie « ngay rabaxu di talaxu di dajaxu », de désespoir avec la superposition de « oooh oooh aah aah » dans la chanson « adduna », renseigne docteur Ndaw.
Amadou KÉBÉ
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