Après les médias britanniques « The Times » et la Bbc, il y a quelques semaines, le Directeur général de la Société sénégalaise de presse et de publication (Sspp), éditrice du quotidien national « Le Soleil », a visité mercredi 16 octobre la rédaction de « La Presse », un journal canadien historique qui a réussi sa transformation numérique, en 2017. Lors de son séjour, Lamine Niang s’est aussi rendu à la Direction de la conservation et de la numérisation de la Bibliothèque nationale du Québec et a rencontré les responsables de la firme Glm Conseil, en marge de la semaine numérique qui se clôture, aujourd’hui, à Montréal.
Par Salla GUEYE
« S’adapter au nouveau contexte des affaires » ! Dans un éditorial incisif, publié fin septembre 2015, Guy Crevier, éditeur de « La Presse », sonnait l’alarme, annonçant que son journal achèverait son virage numérique dès le 1er janvier 2016, avec le remplacement de l’édition papier en semaine par « La Presse+ » sur tablette. Deux ans plus tard, séduit par le succès de son application pour tablette, le média canadien franchissait une nouvelle étape en devenant entièrement numérique. La dernière édition papier a été publiée le 30 décembre 2017.
Recevant le directeur général du quotidien « Le Soleil », mercredi 16 octobre Yann Pineau, directeur principal à « La Presse », a expliqué dans un document reçu que la transition a débuté dans les années 2000 avec un modeste site web. Cependant, le véritable tournant numérique s’est opéré autour de 2010-2011 avec l’introduction d’une version tablette. « Cela nous a permis de supprimer l’édition papier en 2017 », a-t-il précisé, ajoutant qu’aujourd’hui, « La Presse » propose trois produits : le site web, « Presse+ » pour les tablettes et une version mobile pour les smartphones.
Selon le responsable de l’organisation de la salle de rédaction et de la production de « La Presse », cette transition n’a pas été facile. Le processus a été long. Qu’est-ce qui les a poussés à faire ce choix ? M. Pineau rappelle qu’en 2002, le journal papier tirait jusqu’à 255.000 exemplaires par jour, tandis que le site web recevait environ 30.000 visiteurs quotidiens. Dix ans plus tard, en 2012, la diffusion du journal papier avait chuté à 230.000 exemplaires, tandis que le trafic en ligne explosait. En 2022, 80 % des revenus publicitaires provenaient de « La Presse+ ». Cette réussite s’explique par le fait que les visiteurs passent en moyenne 40 minutes par jour sur le site, et jusqu’à 50 minutes le week-end.
« C’était un pari calculé. Notre modèle d’affaires n’était pas centré sur le papier, mais sur la diffusion d’informations fiables. Nous avons cherché un nouveau moyen pour continuer à remplir notre mission d’informer un plus grand nombre de personnes », a confié Yann Pineau à M. Niang. « À un moment donné, nous nous sommes dit : s’adapter ou mourir », a-t-il affirmé, ajoutant que l’accent a été mis sur l’attractivité pour attirer plus d’annonceurs.
« Nous avons décidé de conserver le modèle d’abonnement pour la version tablette, tout en ajustant les contenus pour offrir une gratuité aux jeunes, afin d’atteindre un plus large public », a ajouté ce responsable de « La Presse », en expliquant que le journal a su transposer l’Adn du papier vers le numérique.
DÉNICHER DES PISTES DE COLLABORATION
M. Pineau a qualifié cette « aventure unique » d’effort collectif, qui a mobilisé l’entreprise de 2011 à 2013 pour parvenir à ce résultat. « Ceux qui n’y croyaient pas ont quitté l’entreprise. Mais il y avait une vision claire de là où nous voulions aller », a-t-il encore expliqué au directeur général du « Soleil ». C’est dans ce cadre qu’en décembre 2015, les éditions en semaine ont été supprimées, suivies en décembre 2017 par l’édition du samedi.
« Pendant les quatre à cinq années où nous avons continué à imprimer le journal, nous avions deux équipes, ce qui coûtait très cher. Nous avons démarré avec un petit groupe d’employés et produit des prototypes que nous avons ensuite présentés aux autres pour leur montrer que cela fonctionnait. C’est ainsi que les autres ont rejoint progressivement le projet », a-t-il ajouté.
Aujourd’hui, « La Presse », nouvelle version, c’est 120 à 140 articles publiés chaque jour, avec plus de 250.000 visiteurs en moyenne. De plus, chaque jour, plus de 500.000 fichiers sont envoyés à travers le monde via des serveurs dédiés. Les débuts n’ont pas été faciles, mais avec le temps, le processus est devenu plus fluide. Des sessions de formation ont été organisées pendant un an pour les journalistes avant le lancement, et ceux-ci participent également à la conception des éditions de « Presse+.
En termes de partenariat avec le quotidien sénégalais, Yann Pineau a évoqué des possibilités de collaboration, affirmant que son entreprise est prête à accueillir des journalistes du « Soleil ». « Nous envisageons tout avec ouverture d’esprit. Si cela signifie accueillir des collaborateurs et partager nos connaissances, nous le ferons avec plaisir », a assuré le directeur principal, amélioration continue, à la rédaction de « La Presse ». Il n’a pas non plus exclu la possibilité de formations en ligne et d’échanges de stagiaires.
…GLM CONSEIL ET LA BANQ, DE POTENTIELS PARTENAIRES STRATÉGIQUES
Au cours de son séjour au Canada, le Directeur général du « Soleil » a participé à la 6e édition de la Semaine numérique de Montréal (du 15 au 18 octobre 2024) sur le thème central « Métamorphose », invitant les acteurs et décideurs du monde entier à « comprendre et tirer parti de la révolution numérique ». Lors de cette rencontre de haut niveau, des thématiques actuelles telles que l’intelligence artificielle, la culture et la créativité, la cyber-sécurité, l’éducation et l’inclusion numérique ont été abordées.
En marge de ces activités, M. Niang a eu une rencontre d’échanges avec des responsables de Glm Conseil, dans leur « salon bleu ». Cette firme, spécialisée dans la transformation numérique, est reconnue au Québec, notamment dans le secteur des petites et moyennes entreprises (Pme), pour ses projets de digitalisation et de transformation numérique. Elle s’est d’ailleurs montrée disposée à accompagner le quotidien national sénégalais dans son ambitieux projet de digitalisation de ses contenus et de numérisation de ses archives, lesquelles constituent un pan essentiel de « la mémoire du Sénégal », selon le Directeur général du « Soleil ».
Ce n’est pas tout. Lamine Niang a enfin visité la Direction de la conservation et de la numérisation de la Bibliothèque nationale du Québec. La structure dispose d’une équipe exceptionnelle de 14 experts, avec pas moins de 6 stations pour le papier, 4 stations pour les transparents, un studio de photographie, un atelier pour les documents audiovisuels et un autre pour les enregistrements sonores.
Grâce à un matériel de dernière génération, de bons résultats ont été obtenus. Pour preuve, entre 2022 et 2023, environ 2,2 millions de fichiers ont été produits et 3 millions mis en ligne.
Actuellement, 32 millions de fichiers sont accessibles, tandis qu’un total de 36 millions de documents patrimoniaux a déjà été consulté sur place.
Avec la Directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (Banq), Marie Grégoire, il a présenté le chantier qu’il a entrepris depuis sa nomination à la tête du « Soleil ». Une initiative que Mme Grégoire, qui a récemment visité le Sénégal, a accueillie à bras ouverts, assurant de sa disponibilité à l’accompagner dans la réussite de ce projet.
Salla GUEYE