Révélée par son thriller fantastique L’Empire des Sylla, la jeune auteure camerounaise Siliki Mbappé Esther, alias MalikaReineVI, raconte comment l’écriture l’a sauvée, lui a offert une voix, et l’a conduite à rêver d’un avenir littéraire au Sénégal, pays qu’elle chérit profondément.
Siliki Mbappé Esther, connue sous le nom de plume MalikaReineVI, se décrit comme une introvertie casanière qui préfère les livres au brouhaha du monde. « C’est dans l’intimité de ma chambre, mon téléphone en main, que je m’ouvre à l’ailleurs », confie-t-elle. Au fil de ses lectures, elle découvre virtuellement le Sénégal, un pays qui devient peu à peu un coup de cœur profond, presque viscéral, au point de rêver de s’y installer pour y poursuivre ses études et bâtir sa carrière littéraire.
Mais avant ce rêve sénégalais, il y a eu un déclic : le roman Piège pour un marquis de Barbara Cartland, un des ouvrages préférés de son défunt père. « C’est grâce à lui que j’ai développé cette passion pour les mots. La lecture m’a donné une voix, l’écriture m’a offert ma liberté », explique-t-elle. Entamée en 2021 comme une simple distraction, l’écriture est rapidement devenue une vocation, une véritable raison d’être.
L’Empire des Sylla : une saga familiale entre thriller, malédiction et vérité
En 2025, MalikaReineVI publie L’Empire des Sylla, un premier roman ambitieux qui mêle thriller psychologique, fantastique et drame familial. Le récit plonge dans les coulisses d’une puissante famille sénégalaise à la tête d’un empire événementiel, les Sylla, dont l’image parfaite cache une malédiction héritée du passé. « Ce livre, c’est mon hommage à la complexité des liens familiaux, à la vérité derrière les apparences », confie-t-elle.
Au centre du roman, Achir Ben Sylla, fils aîné de la lignée, voit sa vie basculer à la suite de la mort brutale de sa bien-aimée, un drame qui l’oblige à affronter les non-dits, les secrets et les fantômes familiaux. « J’ai voulu explorer ces moments de tumulte intérieur, ce combat entre le passé et le présent », explique-t-elle.
À travers ce personnage tourmenté, l’auteure aborde des thèmes profonds : le deuil, la culpabilité, les traumatismes hérités, la quête de vérité, la corruption morale. Elle affirme : « Écrire, c’est comme creuser dans la profondeur des âmes, comprendre ce qui se cache sous la surface. » Ce roman, inscrit dans une Afrique moderne mais hantée par ses passés, est écrit avec une sensibilité rare et une sincérité désarmante. « J’espère que mon ouvrage pourra faire résonner la voix de ceux qui sont souvent oubliés ou invisibles », confie-t-elle.
Le Sénégal, un rêve d’ancrage et d’avenir
Si l’histoire se déroule au Sénégal, ce n’est pas un hasard. La passion pour ce pays occupe une place particulière dans son cœur. « Je l’aime peut-être plus que mon propre pays », confie MalikaReineVI. Elle l’a découvert à travers des reportages, des récits et des échanges en ligne, et depuis, elle rêve de s’y installer : « Mon ambition est de poursuivre mes études en psychologie et en lettres, pour mieux comprendre et défendre les voix qui méritent d’être entendues. » Une militante émotionnelle, elle se donne pour mission de faire entendre les voix oubliées. « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, » cite-t-elle, en évoquant Aimé Césaire, qu’elle considère comme une source d’inspiration.
Avec L’Empire des Sylla, MalikaReineVI s’inscrit dans une nouvelle génération d’écrivains africains : engagés, sensibles, audacieux. Pour elle, l’écriture est plus qu’un art, c’est une mission. « La littérature, c’est ma façon de résister, de témoigner, de guérir. Elle permet de porter la voix de ceux que le monde ignore souvent », affirme-t-elle.
Elle travaille déjà sur un nouveau projet dans le registre du suspense psychologique et envisage de poursuivre ses études au Sénégal pour approfondir ses connaissances en psychologie et en littérature. « Mon ambition est de bâtir une œuvre qui compte, une œuvre qui parle, une œuvre qui soigne », insiste-t-elle. Et peut-être, un jour, pourra-t-elle poser ses valises à Dakar ou Saint-Louis, et y faire rayonner sa plume, libre et engagée. « Écrire, c’est un acte de liberté, une façon de laisser une empreinte dans le monde », conclut-elle avec émotion.
Cheikh Tidiane Ndiaye