Groupe emblématique des années 1990, Lemzo Diamono ne s’est pas contenté de faire danser le Sénégal, il a aussi fait émerger certains des plus grands chanteurs de leur génération. De Nder à Pape Diouf, retour sur une aventure musicale où chaque voix a trouvé sa voie.
Dans l’histoire de la musique sénégalaise, rares sont les groupes qui peuvent se targuer d’avoir été à la fois un creuset d’innovation musicale et une véritable pépinière de talents. Fondé en 1991 par le guitariste Lamine Faye, Lemzo Diamono s’inscrit précisément dans cette double dynamique. Au-delà de ses tubes mémorables et de son rôle central dans le renouveau du mbalax dans les années 1990, Lemzo Diamono s’est surtout imposé comme un véritable incubateur de futurs leaders vocaux, qui allaient par la suite marquer la scène musicale sénégalaise de leur empreinte.
Dès ses débuts, le groupe se distingue par une politique artistique audacieuse : miser sur des jeunes voix encore peu connues mais prometteuses. Lamine Faye, en véritable dénicheur de talents, leur offre un cadre musical exigeant et un tremplin vers la notoriété. Ce pari s’avérera payant. Alioune Mbaye Nder, l’un des tout premiers à occuper le poste de lead vocal au sein de Lemzo Diamono, deviendra une star incontestée du mbalax. Avec sa voix chaude et son charisme scénique, il incarnera rapidement l’avenir du genre, avant de fonder son propre ensemble, le Setsima Group.
À ses côtés, un autre futur poids lourd de la scène sénégalaise fait ses armes : Fallou Dieng. Lui aussi lancera sa propre carrière solo avec succès, imposant un style mélodique et raffiné qui séduira un large public. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Après le départ de ces deux figures phares, Lamine Faye ne baisse pas les bras. Au contraire, il renouvelle sa confiance envers la jeunesse et mise sur un autre jeune chanteur alors méconnu : Pape Diouf. Le futur « chef de file de la génération consciente » fait ses débuts dans Lemzo Diamono, où il apprend les rouages du métier, avant de s’émanciper et de fonder la Génération Consciente, devenant à son tour une référence incontournable du mbalax.
La liste des talents révélés par Lemzo Diamono ne s’arrête pas à ces noms prestigieux. Mada Ba, chanteur sensible et précis, y a aussi trouvé sa voix. Le groupe a su également donner leur chance à des choristes qui deviendront de solides interprètes, comme Ami Mbengue ou Cécile Niang, intégrées lors d’une seconde phase de structuration du groupe. Ce qui frappe, c’est la capacité du Lemzo à former non seulement des voix, mais des personnalités artistiques fortes, capables de porter un groupe ou une carrière solo. La rigueur musicale imposée par Lamine Faye, l’intelligence des arrangements, l’exigence des prestations live : autant d’éléments qui ont forgé ces artistes et les ont préparés à voler de leurs propres ailes.
Aujourd’hui, avec le recul, on peut dire que Lemzo Diamono a été une véritable école, un passage quasi obligé pour toute une génération d’artistes désireux de s’imposer dans le mbalax. Plus qu’un groupe, il fut un laboratoire de leadership vocal, un espace où les voix apprennent à s’affirmer, à dialoguer avec les instruments, à tenir une scène. Et si la musique sénégalaise contemporaine peut se targuer d’avoir autant de chanteurs de qualité, c’est en grande partie grâce à ce travail souterrain, patient et passionné, conduit par un homme, Lamine Faye, et porté par un rêve collectif : faire émerger une nouvelle génération d’artistes à la hauteur de leur temps.
Amadou KÉBÉ