La célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse, ce 3 mai, intervient, chez nous, dans un contexte particulier. Inédit. Incontestablement, nous vivons l’un des moments les plus délicats et incertains de la presse sénégalaise : difficulté financière des entreprises, disparition de titres, précarité des salariés et une profession de plus en plus envahie par des corps étrangers, parasitée et infestée par des gens sans formation ni statut rivalisant dans la démesure, la diffusion de fausses nouvelles, la propagande et la diffamation. Et contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, les nouvelles autorités ne sont en rien responsables de la situation actuelle.
C’est un problème structurel. Favorisé par des pratiques mafieuses érigées en règle depuis de nombreuses années et que certains veulent coute que coute faire perdurer.
En fait, c’est tout un système qui a été mis en place pour créer et gérer ce petit groupe de privilégiés, ces intouchables qui dirigent la plupart des « entreprises » de presse au Sénégal, engendrant le regrettable résultat que tout le monde peut aujourd’hui constater, avec des reporters plongés dans une innommable précarité.
Justement, le gouvernement actuel pouvait faire comme les précédents, en laissant pourrir les choses, en instrumentalisant et manipulant avec de juteux contrats de publicité accordés au secteur. Il avait aussi mille moyens de se faire aimer et adouber, toujours par la corruption. Non, il ne l’a pas fait.
Et en lieu et place, le gouvernement conduit par Ousmane Sonko a opté pour la transparence dans ses rapports avec la presse, conformément aux engagements de Pastef/Les Patriotes dans l’opposition. Engagements qui garantissent une liberté d’expression absolue dans le respect des normes et lois de la république.
En langage plus simple, cela veut dire que le régime ne fera rien pour entraver ou limiter l’exercice du journalisme enseigné dans les écoles et qui fait le bonheur des démocraties et des démocrates.
Seulement, voilà : les schémas et la configuration actuelle de nos médias ne permettent pas de réaliser cette noble volonté étatique. Voilà justifiée la démarche du ministre de la Communication, des Télécommunications et de l’Économie numérique qui vient d’ordonner la suspension des médias non conformes aux lois en vigueur.
L’arrêté, daté du 22 avril et pris conformément à l’article 178 du Code de la presse, concernerait 381 organes de presse. Cette décision, sans surprise, qui a suscité de vives réactions. Dans la foulée, le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps) dénonce « une série d’attaques systématiques orchestrées » par le nouveau pouvoir. Soit. Cependant, face à un secteur désorganisé, où entre et sort qui veut, la nécessité d’une restructuration s’impose, aujourd’hui plus qu’hier, avec acuité. Il y va même de l’avenir de la presse. La création tous azimuts de médias, facilitée par les nouvelles technologies, a enfanté un véritable désordre médiatique, rendant l’assainissement du secteur impératif.
C’est le seul remède pour enrayer la précarité qui s’est installée dans le milieu médiatique et qui fait qu’on peine toujours à avoir de viables entreprises de presse. Et si les médias veulent véritablement continuer à jouer leur rôle dans la construction de ce Sénégal de nos rêves, démocratique, riche de sa diversité et centré sur ses valeurs, une seule option à faire : accepter cette cure de jouvence qui redonnera indiscutablement un nouveau visage à notre architecture médiatique.
Parce qu’on le dise ou pas, la presse sénégalaise semble bien se tremper dans une impasse. Les nouvelles autorités ont le devoir d’organiser le secteur et de soutenir l’émergence d’une presse libre et indépendante, apte à accompagner la transformation économique et sociale du pays. abdoulaye.diallo@lesoleil.sn