Né dans le créalab de Ngor, ce manga revisite les contes africains à travers l’histoire de trois princesses que tout oppose, mais que le destin réunit pour sauver leur royaume. Une œuvre collective qui mêle action, héritage culturel et amitié.
« Xaanjar ci rafett », ou « la bravoure en beauté », est le manga créé par une équipe de dessinateurs et de scénaristes basée à Ngor. C’est dans leur QG, le Créalab, que l’histoire de deux royaumes, Jolf et Yorka, et de trois princesses a vu le jour. Mais attention, ce n’est pas un simple conte de fées avec des princesses attendant le prince charmant.
Non, ici il s’agit de sœurs que tout oppose et qui, malgré tout, se dressent contre le Jolf pour sauver leur royaume Yorka. D’un côté, Ndatté la stratège, de l’autre Selbé la guerrière et enfin Ndoye la mystique. « L’esprit, le corps et l’âme sont représentés par ces trois femmes », explique Mariama Bobo Diallo, la scénariste de « Xaanjar ci rafett ».
Vêtue d’une robe à carreaux sans manches, Bobo semble parfaitement dans son élément dans le créalab. C’est dans ce grand studio fréquenté par d’autres artistes que l’équipe d’une vingtaine d’années de « Xaanjar ci rafett » a su se créer un petit espace rien que pour elle. Sur une table recouverte d’une nappe aux motifs africains sont exposées les maquettes du manga.
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Les héroïnes de l’histoire y sont représentées ainsi que des lieux symboliques. Tout est en noir et blanc mais, malgré tout, le sens du détail mis dans chaque dessin attire le regard. Sur une planche, Selbé apparaît en pleine scène de combat. L’image est figée, mais transpire de réalisme, au point qu’elle semble en mouvement.
Des boîtes de crayons, des aquarelles, des petites étagères remplies de mangas comme One Piece, de BD comme Tintin et de grands classiques de la littérature sont exposés dans la pièce. L’endroit est à la fois calme et propice à la réflexion et à la créativité.
De la créativité, il en a fallu pour créer tout un univers. Et pas n’importe lequel, comme le rappelle Jta, le dessinateur des scènes d’action et de combat : « Bien que l’histoire soit fictive, elle s’inspire des contes et légendes de deux grands royaumes d’Afrique : le Djolof et le Cayor. Comme vous l’avez deviné, le Jolf représente le Djolof et Yorka, le Cayor. »
Le surnom de Jta vient d’un besoin pratique, comme aime le rappeler Bobo en riant : « Il a au moins six noms, donc forcément, il fallait trouver un surnom, sinon ça allait prendre trop de place. » Chaque membre de l’équipe a d’ailleurs son propre surnom : Shadow, chargé du stylisme de la morphologie, Alune Lunalion, dessinateur des décors, Abricotblossom, dessinatrice en chef et Bathie Lah, dessinateur des meubles du décor.
Ces autres membres de l’équipe n’étant pas présents aujourd’hui, ce sont Jta et Bobo qui expliquent l’idée qui a donné vie au manga. Le collier de Naruto autour du cou et des croquis dans les mains, Jta explique ce qui fait l’originalité de ce manga.
« D’habitude, les mangas sénégalais s’inspirent beaucoup des mangas japonais. ‘’ Xaanjar ci rafett’’ revisite quant à lui des thématiques africaines avec des personnages africains. Cela se fait dans la sous-région, mais au Sénégal je pense pouvoir dire que c’est encore nouveau », explique-t-il.
Une expo lors de la Biennale de Dakar
Pour Bobo, « l’idée était de transmettre certaines valeurs ancestrales et de mettre en valeur la culture africaine ». Cela se reflète dans les moindres détails : motifs des boubous traditionnels, bijoux, coiffures, traits des personnages… Tout respire l’Afrique.
Pour l’instant, le one-shot du manga est disponible et a même été exposé lors de la Biennale de Dakar. Bobo a tout de même révélé quelques éléments du tome 1. « L’histoire n’est pas si simple. Les trois héroïnes seront confrontées à des obstacles. Par exemple, Selbé, qui a l’habitude de régler tous ses problèmes par la force, devra un jour trouver d’autres ressources car les trois sœurs seront séparées. Les deux autres devront également sortir de leur zone de confort. »
En s’associant pour écrire « Xaanjar ci rafett », c’est une amitié qui a vu le jour entre les membres de l’équipe. « On ne se connaissait pas avant. C’est lors d’un festival que j’ai rencontré Bobo. Elle m’a proposé de faire partie du projet, mais j’hésitais car j’ai l’habitude de travailler en solo. Finalement, j’ai accepté et je ne l’ai pas regretté car j’ai gagné une famille », raconte Jta.
Bobo partage le même sentiment : « Oui, ‘’Xaanjar ci rafett’’ m’a permis de faire de belles rencontres et de connaître des personnes incroyables »Debout devant les planches exposées, Jta confie avoir pris beaucoup de plaisir à dessiner les scènes de combat. Son inspiration, il la puise chez Yusuke Murata, créateur de One Punch Man.
« Tout ce que fait ce type est incroyable. En regardant ses dessins, j’ai l’impression que les personnages bougent. Murata a un talent fou » explique le dessinateur avec passion. Quand on dessine des scènes de combat, il faut leur donner de la vie et du mouvement », précise-t-il.
Avec « Xaanjar ci rafett », cette jeune équipe a réussi à créer bien plus qu’un manga : un univers enraciné dans l’héritage africain, qui prouve que la créativité sénégalaise peut se réinventer en s’appuyant sur ses propres traditions.
Par Yaye Bilo NDIAYE (Stagiaire)