Le marché de l’art au Sénégal amorce une transition décisive, entre expression artistique et enjeu économique. Lors d’une conférence publique intitulée : « Marché de l’art au Sénégal : état des lieux et perspectives » tenue vendredi 25 juillet au Centre culturel régional Blaise Senghor, dans le cadre du 12e Salon national des arts visuels, artistes et experts ont plaidé pour une structuration durable du secteur. Objectif : faire de l’art un levier de développement et d’insertion professionnelle, au-delà de sa valeur esthétique.
Le marché de l’art au Sénégal est en pleine mutation. Longtemps perçu à travers le prisme de l’émotion et de l’expression artistique pure, il tend désormais à s’ancrer dans une logique économique plus affirmée. Lors d’une conférence publique « Marché de l’art au Sénégal : état des lieux et perspectives », organisée vendredi 25 juillet au Centre culturel régional Blaise Senghor, dans le cadre du 12e salon des arts visuels « Regards nouveaux», l’artiste plasticien Kalidou Kassé a plaidé pour une structuration durable du marché de l’art pour en faire un véritable levier économique. « Ce type de panel offre une précieuse opportunité de rappeler une vérité essentielle : l’art est aussi économie », a-t-il souligné.
Pourtant, cette dimension économique reste encore trop souvent marginalisée au Sénégal. Historiquement, notamment à l’époque de Léopold Sédar Senghor et de la création de l’École des Beaux-Arts, l’art était principalement associé à l’émotion, à la poésie et à l’esthétique. Aujourd’hui, selon M. Kassé, il est urgent de dépasser cette vision romantique pour inscrire l’art dans le cadre des industries culturelles et créatives, capables de générer de la valeur, de l’investissement et des emplois durables. Ouverture vers l’international Le marché sénégalais ne peut se développer qu’en s’ouvrant au monde. C’est le sens du processus engagé par les organisateurs et les intervenants du panel.
Des personnalités comme Sylvain Sankalé, critique d’art, ou l’artiste Mamadi Seydi ont partagé leurs expériences et souligné la nécessité d’ancrer le marché local dans un cadre global. à en croire M. Kassé, l’art contemporain ne peut plus se limiter à Dakar ou au Sénégal. Il s’inscrit dans une dynamique mondiale, dans laquelle les échanges, les expositions, les enchères et les réseaux internationaux jouent un rôle central. À ce titre, l’artiste a mentionné avec fierté une première vente aux enchères organisée par l’Office national de gestion des biens criminels à Londres, où 18 œuvres d’art sénégalaises ont été vendues rapidement, témoignant d’un réel intérêt international. Cependant, la structuration du marché passe nécessairement par la mise en place d’un écosystème complet.
Pour Kalidou Kassé, cela inclut, entre autres, des avocats spécialisés, des critiques et historiens d’art, des collectionneurs engagés et des galeries professionnelles. Les chaînons manquants « Chaque acteur joue un rôle dans la constitution d’un marché de l’art solide et pérenne, qui permettra aux jeunes artistes sénégalais de trouver des débouchés et de vivre de leur création », a-t-il affirmé. Le constat est sans appel : de nombreux chaînons sont encore manquants dans l’écosystème culturel sénégalais.
(Selon l’artiste-plasticien, cela s’explique en partie par les priorités urgentes du continent africain, à savoir énergie, santé et éducation, qui relèguent souvent la culture au second plan. Toutefois, malgré ces contraintes, des efforts importants sont en cours. « Des initiatives comme le Marché international des arts de Dakar (Miad) ou encore les marchés organisés lors des Biennales récentes montrent que les choses évoluent. Petit à petit, une base solide se met en place pour bâtir un marché durable», a-t-il estimé.
À la question « Existe-t-il un véritable marché de l’art au Sénégal?», Kalidou Kassé a répondu avec fermeté : « Le marché a toujours existé même s’il reste à consolider», rappelant l’existence des Manufactures sénégalaises des arts décoratifs, fondées dans les années 1960 sous Léopold Sédar Senghor, qui ont produit de nombreuses œuvres parties à l’étranger avec des expatriés ou acquises par des collectionneurs.
Adama NDIAYE