Dans un recueil de poèmes qui vient de paraître chez Hello Éditions, le poète sénégalais résidant à Paris Khadim Bamba Syll se sert de la magie des mots pour entretenir une méditation philosophique sur l’amour. Cette œuvre est aussi une escapade pour s’exiler du monde vers de vastes voluptés où « l’imagination dresse son orgie ».
Amour, deuil, foi, exil, quête spirituelle… « Par-delà l’ombre » est l’œuvre d’une vie. Une quête permanente d’un bonheur utopique, gravée sur le chemin de l’existence. À travers cet essaim de poèmes, Khadim Bamba Syll nous plonge dans un univers exotique où chaque mot cherche à apaiser les maux, où chaque vers ouvre un sentier de volupté. Mais les mots de l’auteur transportent une émotion si intense qu’on se perd dans les labyrinthes de ses pages. C
e recueil est un voyage au bout de la nuit. Une petite escapade, « pour s’exiler du monde, partir vers des contrées lointaines, vers des rêveries de jeunes filles… où existerait le prince charmant». Khadim Bamba est un poète de l’amour, célébrant la femme dans sa forme la plus pure et la plus sublime. Et pour ce faire, il ne ménage pas ses mots. Comme en témoigne son poème « Deux poires blettes », où il déclame : « Les plus beaux seins qu’il m’ait été donné de voir ; on dirait deux rochers magnétiques ; deux grandes gueules de canons de guerre qui ne loupent jamais leur cible… »
Audace en bandoulière, il ne s’arrête pas là, car le poète fait danser et chanter les mots pour composer un hymne à la beauté de sa muse. « J’ai vu dans tes yeux la beauté du monde ; sur tes lèvres, l’humanité se faufiler. Sur tes joues-rivières, des fleuves de bonté ; j’ai vu sur ton visage-soleil, aigre-doux. Ô muse au cœur de poète, l’espoir de la survie de l’Humanité », écrit-il dans « Muse ». Cette œuvre aborde plusieurs thématiques, dont la poésie en tant qu’art sacré, le deuil, le mal du pays, mais aussi une méditation philosophique sur l’amour. Ce faisant, souligne l’auteur, « on y chante la femme, y dénonce les violences qu’elle subit, non sans un élan poétique. »
Avec « Par-delà l’ombre », le titre, au-delà de sa dimension poétique et évocatrice, fait référence à la mission de l’artiste, du poète : « Celui qui a pour vocation de dévoiler la lumière dissimulée au-delà de l’ombre la plus dense, derrière la nuit la plus noire. » Khadim Bamba Syll précise également que le titre fait référence au premier recueil auquel il succède, intitulé « À l’orée d’une aube naissante ». Son et rythme « On peut voir ce texte comme une continuité du premier, une suite logique. Avec la silhouette, à peine perceptible, marchant vers l’horizon et les montagnes, représentant un peu l’espoir dans ce monde en proie aux guerres », soutient-il.
Sous la plume de Khadim, le son et l’harmonie occupent une place vitale. « Cela en est la quintessence. Ma poésie, comme disait Verlaine, se veut tout d’abord chant et musique : son et rythme y occupent une place primordiale. Je ne vois pas la poésie autrement que comme le disait Senghor, s’inspirant des Peuls : une parole plaisant au cœur et aux oreilles. De ce fait, l’allitération et l’assonance rythment le texte », souligne-t-il. L’écrivain admet toutefois que cela ne signifie pas qu’elle reste une poésie « désintéressée, oisive ou gratuite». L’étudiant à Sorbonne Université dit refuser tout de même le statut de poète engagé : « Mon engagement est vis-à-vis de la langue.»
Dans son recueil, le poète s’adresse à son lecteur avec l’espoir qu’il recevra, après avoir tourné la dernière page, « une claque – non pas brutale, mais lumineuse, et une sorte de secousse intérieure, un émoi profond ». Il souhaite que le lecteur comprenne, comme l’écrivait Paul Éluard, « qu’il faut avoir la beauté facile — non parce qu’elle abonde, mais parce qu’elle doit se chercher, se façonner, et parfois s’inventer là où elle ne semble pas être ». Et d’ailleurs, pense-t-il, « si le monde ne lui offre pas cette beauté, alors qu’il apprenne à la projeter par son regard, par l’attention qu’il porte aux choses, aux êtres, au silence même. »
L’œuvre de Khadim Bamba Syll est une invitation à la paix, à l’harmonie sociale dans un monde en proie à la guerre et à l’extrémisme violent. « Je voudrais qu’en refermant ce livre, que le lecteur fasse le vœu de ne plus nuire, ni par ses gestes ni par ses mots. Qu’il reconnaisse en l’autre un autre lui-même, et que de cette reconnaissance naisse un désir irrésistible de création », dit-il.
L’auteur Khadim Bamba Syll est un autodidacte au parcours singulier. Après une formation en sciences religieuses islamiques et en langue arabe, ce poète sénégalais résidant à Paris rejoint le système éducatif public français à l’âge de 18 ans. Aujourd’hui étudiant en philosophie à Sorbonne Université et passionné de littérature ainsi que de poésie, il revient à l’écriture poétique après trois ans de silence créatif. Il est aussi l’auteur du recueil de poèmes « À l’orée d’une aube naissante ».
Ibrahima BA