Couronné par le Prix Or du Prix Africain de journalisme d’investigation, le 3 décembre 2024, et désigné Citoyen d’Honneur et « Homme de l’année 2024 » de la Commune de Yoff, Babacar Guèye Diop, 35 ans, incarne l’excellence discrète et l’engagement sans compromis. Portrait d’un journaliste hors pair et dont le talent illumine les pages du quotidien national Le Soleil.
L’enquête est comme un puzzle. Parfois, les pièces sont dispersées, parfois elles sont soigneusement dissimulées. Mais chez lui, il y a toujours un moyen de reconstituer l’histoire. Doté d’un esprit aiguisé et d’une plume incisive, ce jeune de 35 ans perçoit le journalisme au-delà d’une simple profession : pour lui, c’est un sacerdoce. Neuf prix, nationaux et internationaux, jalonnent sa carrière en seulement quatre années, de 2020 à 2024. Dans son bureau au quotidien national Le Soleil, il est vêtu d’un sobre costume africain et les yeux sont plongés dans l’écran de son ordinateur. Il reste là, calme. Manipule son clavier, à pas de loup… Mais derrière ce sourire discret et ce regard vif, se cachent une détermination sans faille et un flair infaillible. Quelle âme sensible voudra encore ignorer le nom de cette jeune profonde belle plume ?
Son nom ne se cache jamais dans les pages du quotidien national, car il est productif : « Quand j’ai été au service « Santé-Environnement », chaque semaine, je sortais un grand dossier et au moins trois grandes enquêtes par année. Pourtant, cela ne m’empêche guère de faire mes sujets au quotidien ». Lui, c’est Babacar Guèye Diop, sous l’acronyme B.G.D que Hamath Kane, coordonnateur de la rédaction du journal « Bésbi le Jour », traduit par « Babacar Good Job ».
Babacar, dit « Baabu », est bien plus qu’un artisan des mots : il est une vigie, un lanceur d’alerte des temps modernes.
Élevé au rang de « Citoyen d’Honneur » et « Homme de l’année 2024 » de la commune de Yoff, son travail et son engagement en faveur de la communauté léboue sont salués. Ces dernières années, Baabu a su s’imposer comme une figure incontournable du journalisme d’investigation en Afrique. Le 3 décembre 2024, en Mauritanie, il a décroché son neuvième trophée, Prix Or du Prix africain de journalisme d’investigation.
Une vocation née dans les pages d’un journal
Né dans la chaleur et l’obscurité d’un pays en mutation, Babacar Guèye Diop se distingue déjà. Le journalisme, pour lui, n’a jamais été une simple profession, mais une vocation presque sacrée, un moyen de comprendre et d’expliquer les rouages de la société. Sa plume, il lui doit à son défunt père. C’est tout jeune, à l’adolescence, que l’idée de porter la plume pour éclairer l’ombre, se dessine en lui. « J’ai appris à lire avec mon père, car il achetait beaucoup de journaux. Comme j’étais très proche de lui, je m’interrogeais sur comment un individu pouvait lire avec autant de concentration », affirme-t-il, avant de baisser la tête, tout sourire. « C’est le prototype du journaliste de terrain par excellence. En sus d’avoir une belle plume et un flair journalistique, Babacar a le sens de l’observation, de la description qui rend ses papiers succulents », témoigne Elhadji Ibrahima Thiam, rédacteur en chef du journal Le Soleil, visiblement admiratif de la constance et de la rigueur dont fait preuve ce journaliste de terrain.
« Le terrain, c’est sa marque de fabrique »
Maman toucouleur et père wolof de Saint-Louis, l’enfant de Yoff se définit pourtant comme Lébou. Babacar est né dans une fratrie d’une dizaine d’enfants. Il fait ses humanités à Yoff avant d’aller au lycée Blaise Diagne. Son baccalauréat littéraire en 2010, il intègre l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) à la Faculté de Droit où il fait deux années avant de plier bagage. Dès 2016, il affine sa plume au journal Le Quotidien, où il s’éprend des genres, dit-on, nobles : l’enquête, le reportage et le portrait, après une licence en journalisme à l’Institut of mixte management à Dakar.
« Le terrain est véritablement sa marque de fabrique. Beaucoup de jeunes journalistes aujourd’hui gagneraient à s’inspirer de cet exemple, car pour faire une enquête, il faut s’armer de détermination, de courage, de résilience et d’abnégation. Une fierté ! », affirme Seydou Ka, chef du service « Économie » du journal Le Soleil. Babacar, note-t-il, sait scruter les failles de la société et les traduire en vérités à travers des articles d’une précision et d’une profondeur remarquables. « Quand Babacar prend une enquête, c’est une promesse de vérité », témoigne son confrère, ému par l’humilité de l’investigateur. Un talent inné adulé à la hauteur de son mérite.
« Ce goût professionnel, moi-même j’en étais surpris quand il me dit qu’il n’était pas sorti du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) », renseigne Hamath Kane, son ancien chef de desk politique au journal Le Quotidien.
Porte-étendard des prix de l’Éjicom
Pas encore Cestien. Mais quel journaliste ne rêve pas d’être diplômé dans cette école ? Après deux ans de pratique, le féru du journalisme réussit le concours de son rêve, le Cesti en 2018. Alors qu’il était encore étudiant en deuxième année dans ce creuset d’excellence, Babacar dépose une enquête sur le littoral de Guédiawaye qui lui a valu son premier prix dans la profession : prix Ejicom accès à l’information, en 2020. Entre la nature et le journaliste, c’est deux amours naturelles. Une évidence. Yoff rime avec environnement. « L’érosion côtière et les changements climatiques, ce sont des choses que je vis au quotidien, fait-il savoir. Babacar maîtrise bien aussi le secteur de la pêche. D’ailleurs, sa grande enquête de sortie du Cesti a porté sur la pêche artisanale. En 2021, BGD gagne trois prix, dont le grand Prix Ejicom, tous médias confondus en une soirée, une première dans les dîners de gala des Prix Ejicom jusqu’ici. Après cette prouesse, le cestien passe du journal Le Quotidien à « Besbi le Jour », comme rédacteur en chef adjoint. Mais n’y fera pas long feu. Le 1er mai 2023, il rejoint l’astre de Hann. Si Babacar Guèye Diop est cité comme référence dans le métier par le Président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, le 1er février 2022 au cours de l’émission « Invité de MNF » à la 7 Tv, c’est grâce à son enquête sur le liquide vital.
D’un ton jovial, il explique : « On s’est croisé à Ndiaganiao, son village natal, dans le cadre de mon travail et il m’a mis en rapport avec des gens. Lui, en tant qu’acteur politique, moi en tant que journaliste. On n’a jamais eu d’autres relations ». Cette enquête sur l’eau sera sanctionnée par sa première distinction internationale, le 21 octobre 2023. Babacar est lauréat du 3e Prix africain de journalisme d’investigation en Afrique Norbert Zongo.
L’homme et le journaliste
Sens de l’écoute. « Il était sous ma responsabilité en tant que stagiaire au « Quotidien ». C’est un homme réceptif aux orientations », témoigne Bocar Sakho, coordonnateur de la rédaction du journal Le Quotidien. Et d’ajouter : « Un homme bon. Complet. Très productif et d’une curiosité insatiable ». Babacar, loin d’être dans sa coquille, a aussi le cœur sur la main. « C’est aussi l’humain. Il a cette fibre sociale et familiale », note toujours l’actuel coordonnateur de la rédaction du journal « Besbi Le Jour ».
« J’apprends toujours des autres… »
Sur le plan relationnel, le constat est unanime. « C’est un jeune très respectueux. D’habitude quand il me voit, il sourit. Une marque de bienveillance et de considération », lance Seydou Ka. Pape Djibril Diop, grand frère du journaliste, corrobore avec une touche de fierté : « Baabu est un homme respectueux qui respecte aussi la prière. C’est un exemple, une référence ».
Babacar, une référence, mais dans un métier terni : « Aujourd’hui, notre métier est soumis à une forte pression et terni par des individus dépourvus de toute qualification ». La seule manière de se démarquer, conseille-t-il, c’est de privilégier les grands genres. Babacar Guèye Diop, loin des terrains de football où il évoluait autrefois comme milieu de terrain, a trouvé une nouvelle passion. Si Manchester United reste son équipe de cœur, c’est dans la quête de la vérité qu’il canalise aujourd’hui l’adrénaline qui faisait sa force sur le terrain. Et après une journée de travail, en bon « njòobeen », il n’y a rien de mieux pour lui qu’un délicieux plat de « mbaxalu saalum ».
Adama NDIAYE