Terre d’hospitalité et de culture, Saint-Louis est mélomane. La musique y a toujours tenu une place prédominante. Par le passé, la diva Diabou Seck et ses compères ont fait la renommée de la cité tricentenaire, connue pour avoir été l’un des centres musicaux les plus importants du pays. Ramatoulaye Niang, connue sous son nom d’artiste Ramatulaay, fait partie des dignes héritières de cette tradition musicale. Avec une musique qui s’inscrit dans le style afro fusion ou afro rock, elle reste le symbole du talent, de la classe et de la perfection : une voix en or, qui a tout pour réussir, tout pour briller.
Ville culturelle par excellence, Saint-Louis a toujours brillé par la qualité de ses intellectuels, de ses poètes et écrivains, mais aussi de ses artistes, comédiens, politiciens et sportifs. La musique n’est pas en reste. Les décennies 1950 et 1960 ont laissé à l’univers artistique saint-louisien une musique d’une exceptionnelle qualité, avec une réputation fondée en grande partie sur les œuvres de Diabou Seck, qui a pris une part active à la vie culturelle, mais aussi celles de Fatou Thioune Diarra Mbaye, Fatou Seck, Ndoumbé Daour Seck, Ngoumba Mbaye, Maguette Mbaye, Khoudia Sarr, Coumba Fall Léony, Fatou Niang, Yacine Mar, Lala Guèye Issakha, Daba Assane Fall, Fatou Thiam, Khoudia Yade, Ndèye Fall. Ces divas, qui se sont forgé une véritable renommée dans l’univers musical local, se sont illustrées lors de grands événements culturels qui faisaient la fierté de Ndar.
La chanson, une nécessité vitale
Ramatoulaye Niang, Ramatulaay de son nom d’artiste, fait partie de leurs dignes héritières. Son premier contact avec la musique n’a pas été une décision, mais une imprégnation. Son père, vrai mélomane, avait fait de son foyer un lieu où la musique était omniprésente. « C’est grâce à lui que j’ai développé une oreille musicale et une connaissance instinctive des rythmes et harmonies. Il m’a transmis un amour profond pour la mélodie et pour les histoires racontées par les chansons, posant les bases de mon propre désir d’expression », confesse-t-elle.
Si d’aucuns ont prononcé « maman » ou « papa », les premiers mots de Ramatulaay étaient une chanson. « J’ai grandi bercée par la musique, et mon cœur s’est emballé très tôt pour le rythme. Mes premiers mots étaient une chanson de Youssou Ndour, « Thiely Thiely ». Ce souvenir fondateur témoigne de l’appel irrépressible que la musique a toujours exercé sur moi », raconte-t-elle.
Le parcours de Ramatulaay n’a pas suivi la voie scolaire classique ; il s’est construit autour de la création, de la technique et de l’expression artistique, par le biais d’une formation professionnelle dans l’artisanat, avant de se poursuivre dans une troupe de théâtre où elle passait beaucoup de temps à chanter et à danser. Ce qui, aujourd’hui, a forgé son identité de chanteuse. Grâce à son talent et à ses ambitions sans limite, elle a trouvé dans la musique la passion de sa vie, l’univers idéal où sa sensibilité artistique pouvait donner libre cours à sa créativité. Bien dotée par la nature d’une voix savoureuse, complexe et rarissime, qui s’étale sur une dizaine d’octaves, Ramatulaay est un génie qui transforme le moindre mot qu’elle plaque sur un accord en paroles d’or dansantes. Chanter sur scène n’était pas un choix pour elle, mais une nécessité vitale. Et si son père lui a donné le son, la troupe de théâtre de son quartier lui a offert la scène. « Mon implication dans le théâtre n’était pas seulement axée sur le jeu ; j’étais activement impliquée dans les segments musicaux et chorégraphiques », soutient-elle.
Son entrée dans la musique s’est faite sans filet ni moyens. « Mes débuts ont été durs, marqués par l’absence de ressources, mais surtout par une détermination sans faille », reconnaît-elle. Mais Ramatulaay, persévérance et résilience en bandoulière, a suivi un parcours du combattant pour se faire un nom. Sa voix est source de chaleur, de réconfort, de ferveur et d’émotion collective. Très convaincante dans l’art de broder une mélodie, elle séduit, à force de flirter avec le micro, le public qui voit en elle une future grande chanteuse. Ayant pour référence l’ancienne génération, notamment Souleymane Faye, Youssou Ndour, Ismaël Lô, Cheikh Lô et Viviane, Ramatulaay a été choriste de grands artistes comme Souleymane Faye, Elage Diouf, Youssou Ndour, Ismaïla Lô et Wally Seck. « J’ai fait les chœurs pour ces artistes lors de deux événements du rappeur Fata au Grand Théâtre où ils étaient invités. Cependant, en ce qui concerne Elage Diouf, j’ai enregistré ses chœurs sur l’album « Nawetaan » et sur scène à plusieurs reprises avec Souleymane Faye », explique-t-elle.
Une carrière solo pour plus de liberté
Ces différentes collaborations l’ont obligée à monter en compétence sur tous les plans : gestion du stress, coordination avec les musiciens, négociation et adaptation aux imprévus du direct. « La scène est l’école la plus exigeante, et elle a fait de moi une artiste professionnelle, capable de gérer la performance de A à Z », reconnaît-elle. Sa musique s’inscrit dans le style afro fusion ou afro rock, mélangeant des sonorités africaines traditionnelles (percussions et kora) avec des éléments plus modernes. En 2014, elle forme avec son amie Ndèye Fatou Mbaye, dite « Defa », le groupe Rafa (Rama et Fatou), auparavant appelé Arc-en-ciel. Une belle expérience, selon Ramatulaay. Ensemble, le duo a joué un peu partout, accroissant son audience grâce à des productions de qualité, jusqu’à la sortie de leur album « Guent-na » (J’ai rêvé). « Nous avons fait plus de 300 concerts en très peu de temps et avons représenté le Sénégal au Canada. J’ai partagé de très bons moments avec toute l’équipe ! Ce fut magnifique », assure-t-elle, nostalgique. Puis, Ramatulaay entame une carrière solo. Une option qu’elle ne regrette pas aujourd’hui. « Je me suis lancée dans une carrière solo parce que je voulais être seule dans mon choix artistique et ne pas faire de compromis sur ce que j’avais envie de créer. Et je ne le regrette pas. Au contraire, cela ne m’empêche pas de faire d’autres projets ; je suis totalement libre », indique-t-elle.En mars 2021, elle sort l’album « Jamm », un Ep d’Afro Fusion de six titres (« Jamm », « Pimoh », « Na niu ko wanné », « Namm naala », « Why », « Déprimée ») qui s’articule, selon elle, autour d’un message de paix et d’espoir, explorant la complexité des émotions humaines. « Sa particularité est que nous l’avons enregistré en conditions live, avec très peu de programmation uniquement une batterie sur un morceau , le reste ayant été enregistré par des musiciens, contrairement à ce qui se fait beaucoup actuellement», fait-elle savoir.
Ce qui frappe le plus chez Ramatulaay, c’est sa remarquable capacité à reprendre, avec une facilité déconcertante, les tubes de grands noms de la musique sénégalaise : Souleymane Faye, Kiné Lam, Baaba Maal, Youssou Ndour, Viviane Ndour, Cheikh Lô, Pape et Cheikh, Fallou Dieng, Thione Seck…
Un groove qui apaise
« Je les écoute depuis que je suis toute petite. J’aime vraiment leur époque, cette musique. J’aurais dû naître dans les années 1960-1970 ; il y avait un vrai message et surtout un vrai travail artistique et de création. On ne faisait pas une musique en deux minutes comme on peut le faire aujourd’hui », soutient Ramatulaay. Elle évolue avec deux formules : une acoustique, avec son compère le guitariste Yann Moni, et une autre avec son groupe « Xorom Pollé Band » (Clou de girofle), un nom loin d’être fortuit au vu des vertus et des propriétés médicinales notamment anesthésiantes, antibactériennes et anti-inflammatoires — de cette épice. Ramatulaay estime soigner et apaiser les cœurs par sa musique.
Ses titres « Wakh koko », « Family », « Mamadou Ndiaye », « Seeto seet », « Guidelam », « Sama ndokh », « Wañil », « Rethiou » sont de purs délices.
Malgré une présence remarquée sur la scène musicale ces dernières années, Ramatulaay estime que sa carrière ne prend pas encore la tournure souhaitée. « Je débute doucement et je suis ma propre productrice. Mais je continue de travailler et d’avancer à mon rythme. Je ne suis pas pressée ; je crois en moi et je sais qu’un jour, j’aurai ce que je souhaite dans la musique », confie la chanteuse qui serait restée dans le milieu artistique si elle n’avait pas fait de la musique. Pour Ramatulaay, la musique représente « tout ». Et la plus grande satisfaction de sa carrière, affirme-t-elle, c’est son album « Jamm », qu’elle invite tout le monde à s’approprier. Aujourd’hui, ses prestations entre Saly et Dakar lui permettent d’assurer une bonne promotion de ses œuvres. « Cela me permet de rester visible, en plus des réseaux sociaux ! » Ses projets : plein de concerts, de nouveaux enregistrements et beaucoup de travail.
La pureté et la beauté de ses mélodies, la profondeur de ses messages ainsi que le talent et le professionnalisme déployés sur scène, malgré son jeune âge, font d’elle aujourd’hui l’une des plus belles voix du Sénégal. Même si elle n’a pas encore atteint son paroxysme, Ramatulaay, qui continue de tracer son chemin vers la gloire, croit à sa bonne étoile. Et elle demeure convaincue qu’avec persévérance et sérénité, elle ira encore très loin.
Par Samba Oumar FALL