Le retour de la Culture comme département ministériel clairement identifié fait partie des mesures phares du gouvernement Sonko II. Il constitue une preuve concrète de l’intérêt accordé à ce secteur stratégique, à fort potentiel économique et social.
La fusion de la Culture avec les Sports et la Jeunesse n’aura duré que dix-sept mois. Le président de la République et le Premier ministre ont décidé d’en faire à nouveau un département ministériel distinct. Cette réorganisation institutionnelle revêt une dimension symbolique : la Culture n’est plus reléguée au second plan. Un choix jugé pertinent au regard du poids de ce secteur dans la transformation économique et sociale. En présentant, samedi soir, le nouveau gouvernement, le Premier ministre Ousmane Sonko a d’ailleurs rappelé les mots du président Léopold Sédar Senghor, pour qui « la culture est au début et à la fin du développement ».
Lors de la formation du premier gouvernement du nouveau régime, certains acteurs culturels avaient regretté la fusion de la Culture avec la Jeunesse et les Sports. Ce réajustement politique répond donc en partie à leurs attentes, même si beaucoup espéraient un ministère entièrement autonome.
Depuis 2000, le ministère de la Culture a connu une grande instabilité dans son intitulé, souvent fusionné avec d’autres secteurs tels que la Communication, le Tourisme, le Patrimoine, la Francophonie ou encore les Loisirs.
Aujourd’hui, en décidant de rattacher la Culture à l’Artisanat et au Tourisme, les autorités ont sans doute voulu établir un lien entre tradition et création contemporaine. Elles s’inscrivent ainsi dans une perspective de promotion des diversités culturelles et d’affirmation de la Culture comme véritable moteur de croissance économique.
La Culture au cœur de la Vision Sénégal 2050
Ces trois secteurs – Culture, Tourisme et Artisanat – possèdent en effet une dimension transversale : ils interagissent et se complètent. Ce choix traduit également une volonté de tirer pleinement profit du potentiel économique de ces domaines, pourvoyeurs d’emplois et de revenus. À titre d’exemple, les industries culturelles et créatives contribuent à hauteur de 3 à 4 % du Pib mondial.
Dans la réalisation de la Vision Sénégal 2050, qui vise une transformation durable du pays, la Culture apparaît comme l’un des leviers majeurs. Elle est appelée à façonner une conscience citoyenne capable d’accompagner les grands défis liés à la souveraineté et au développement. Le nouveau ministre, Amadou Ba, hérite ainsi d’un département dynamique mais exigeant, qui nécessite une structuration en profondeur.
Pour donner davantage de lisibilité à ce secteur, les nouvelles autorités devront aussi s’appuyer sur des données statistiques fiables, afin d’évaluer son poids réel et mesurer l’impact des politiques culturelles sur le développement durable.
Comme le soulignait Abdou Karim Lô, ancien délégué à la Réforme de l’État, « l’institutionnalisation de l’évaluation des politiques culturelles reste encore timide, en raison notamment des difficultés liées à la définition d’objectifs observables et mesurables, avec des indicateurs permettant d’apprécier le sens et la valeur de l’action culturelle ». Enfin, malgré l’adoption de la loi sur le statut de l’artiste et des professionnels de la Culture, un important travail reste à mener pour assurer sa vulgarisation et son appropriation par les acteurs sur l’ensemble du territoire. Il s’agit d’un pas décisif vers une professionnalisation accrue des créateurs, qui évoluent encore majoritairement dans l’informel, mais aussi vers une meilleure maîtrise des données liées à ce secteur en pleine expansion.
Par Ibrahima BA