Mardi 29 avril, à l’Institut français de Saint-Louis, le rideau s’est levé sur la 16e édition du festival Stlouis’docs par une soirée de projection chargée d’émotion et d’histoire. Devant un public attentif, le court-métrage « Afrique sur Seine » de Paulin Soumanou Vieyra a ouvert la séance à 20h, suivi du documentaire « Afrikki » de Gaël Le Roy. Un voyage dans les racines du cinéma africain et dans les luttes d’aujourd’hui. L’évènement se tient du 29 au 3 mai 2025.
SAINT-LOUIS- C’est à 20 heures précises, mardi 29 avril, que le rideau s’est levé sur la 16e édition de Stlouis’docs, le festival international du film documentaire de Saint-Louis. À l’Institut français, les cinéphiles ont été conviés à une immersion poignante dans deux univers d’Afrique et de mémoire : « Afrikki », un documentaire engagé signé Gaël Le Roy et « Afrique sur Seine », un hommage cinématographique à Paulin Soumanou Vieyra, pionnier du 7e art africain. Deux œuvres, deux visions, une même volonté de faire parler l’image pour dire le réel. Né dans les rues de New York à la fin des années 1970, le hip-hop a toujours été un cri du cœur, une réponse aux injustices vécues par les jeunes marginalisés. Ce mouvement culturel, d’abord musical et rapidement devenu un phénomène global, a su, au fil des décennies, transcender ses origines pour s’imposer comme une forme de contestation sociale et politique. Son essence repose sur l’idée que la musique, le graffiti, la danse et les mots peuvent servir à briser le silence, à dénoncer les inégalités et à faire entendre les voix des opprimés. De cette énergie brute née dans les ghettos, le rap, art populaire et puissant, a su conquérir le monde. C’est dans ce contexte de lutte pour la liberté d’expression et de justice sociale que « Afrikki », long métrage en compétition, plonge, en suivant le mouvement « Y’en a marre » au Sénégal qui a inspiré beaucoup de pays africains. Ce collectif d’artistes, de journalistes et de militants utilise le rap non seulement comme un moyen d’expression artistique, mais aussi comme un outil de révolte contre un système politique jugé corrompu et déconnecté des réalités sociales.
La voix d’une jeunesse en lutte
En tant qu’extension de ce phénomène global, « Y’en a marre » s’impose comme une incarnation moderne du pouvoir de la culture hip-hop pour susciter le changement et faire face aux défis d’une Afrique en pleine mutation.Depuis 2011, « Y’en a marre » est devenu un moteur de résistance, utilisant le rap comme une arme pour défier un système politique perçu comme corrompu et déconnecté des réalités sociales. Ce n’est pas un hasard si la plupart des membres du collectif sont issus de la scène hip-hop : ils comprennent que, comme le rap l’a fait ailleurs, la musique peut être un catalyseur de changement. Dans un pays où la parole politique officielle est souvent réservée aux élites, le rap et l’art de la rue deviennent des instruments privilégiés pour ceux qui n’ont pas accès aux leviers de pouvoir traditionnels.
« Afrikki » capte cette effervescence et cette énergie collective, mais aussi l’humain derrière la révolte. Plus qu’une simple chronique d’un mouvement musical, le film explore la manière dont le hip-hop devient un langage puissant de résistance. À travers des paroles sans fard et des performances vivantes, les membres de « Y’en a marre » ont usé du rap pour dénoncer la corruption, l’injustice et l’inefficacité des institutions sénégalaises. Et tout comme leurs homologues dans les ghettos de New York, ces artistes parviennent à redonner à la musique une dimension politique, en en faisant le fer de lance d’une révolte pacifique, mais implacable.
Premier court-métrage de l’histoire du cinéma africain
Réalisé en 1955, « Afrique sur Seine » est bien plus qu’un film : c’est une pierre fondatrice. « C’est le premier court-métrage de l’histoire du cinéma africain. Il a été réalisé dans un contexte où cette première génération de cinéastes qui ont fait leurs études en France n’avait la possibilité de filmer en Afrique, car c’était interdit », a rappelé Mamadou Sellou Diallo, réalisateur et producteur, également coordonnateur du Master-Cinéma à l’université Gaston Berger de Saint-Louis.
Ce court-métrage nous plonge dans le quotidien des jeunes Africains exilés à Paris dans les années 1950. Caméra à l’épaule, Paulin Soumanou Vieyra capte les errances et les espérances de cette génération entre la butte Montmartre, les quais de Seine et le Quartier latin. Loin des clichés coloniaux, il donne la parole à ceux qu’on ne voyait pas, dans un Paris sans soleil, mais plein de promesses. « Cette 16e édition du festival coïncide avec le centenaire de l’auteur. C’est donc une façon de le célébrer », a indiqué M. Diallo, en se réjouissant de la projection. Né au Dahomey en 1925, Vieyra fut le premier Africain diplômé de l’Institut des hautes études cinématographiques. Cinéaste, critique, historien, il a laissé une œuvre monumentale avant de s’éteindre en 1987. Son film culte, entre poésie urbaine et manifeste identitaire, a inspiré les géants du continent comme Ousmane Sembène ou Djibril Diop Mambéty.
De notre Envoyé spécial, Adama NDIAYE