La tenue a fait le tour des réseaux sociaux. Pour la première soirée de sa tournée Cowboy Carter à Houston, Beyoncé a illuminé la scène dans une création de la marque Tongoro (un nom qui signifie « étoile » en sango, langue de la République centrafricaine), ornée de 444 cauris dorés et de 44 cristaux, faits main à Dakar. Et derrière cette pièce unique, un nom résonne comme un éloge au made in Sénégal : Sara Diouf.
La styliste n’en est pas à sa première collaboration avec Queen B. Si beaucoup de Sénégalais l’ont découverte à travers les photos de la chanteuse américaine en Tongoro, Sara Diouf, elle, a su, au fil du temps, tisser un lien solide avec la reine de la pop. Cette dernière s’est affichée pour la première fois en Tongoro en 2018, lors de vacances en Italie. Rebelote fin juillet 2020 ! Lors de son long-métrage musical Black Is King, Beyoncé y apparaît vêtue d’un ensemble pantalon noir et blanc, signé Tongoro, au milieu de flamants roses. Vu plus de 11 millions de fois en deux jours, le film, diffusé sur Disney+, booste davantage la notoriété de la marque, entraînant une envolée des commandes et du chiffre d’affaires. Depuis lors, la star planétaire est devenue une cliente régulière de Sara Diouf.
Tongoro a aussi acquis une renommée internationale en habillant d’autres célébrités telles que Naomi Campbell, Alicia Keys, Iman ou encore Burna Boy. Lancée en 2016, la marque 100 % made in Africa est conçue et produite à Dakar, au Sénégal. « Notre marque s’attache à comprendre les attentes de nos clients en matière de mode et propose des vêtements originaux et uniques », lit-on sur son site. Tongoro s’approvisionne en matières premières sur le continent et collabore avec des tailleurs locaux. « Elle promeut la production artisanale locale et le made in Africa », a souligné Sara Diouf. Sa marque fonctionne selon un modèle direct-to-consumer, entièrement numérique : les clients commandent en ligne, et la marque est expédiée dans le monde entier en cinq jours ouvrables. Soixante-dix pour cent des ventes proviennent des États-Unis. La marque gère tout en local, de l’approvisionnement en tissus jusqu’à la finition. Une fierté pour Sara Diouf, qui veut montrer à travers ses créations « une Afrique en marche ».
Une passion au bout du fil
Née à Paris d’une mère sénégalo-centrafricaine et d’un père sénégalo-congolais, puis élevée en Côte d’Ivoire, celle qui se définit comme « enfant de l’Afrique » tisse son premier lien avec cet univers en 2009. Elle lance Ghubar, un magazine numérique qui met en lumière la créativité africaine et arabe. Elle fonde ensuite Noir, une plateforme de style de vie pour les femmes de couleur, en 2015. Le magazine célèbre la beauté et le stylisme africains. Cela suffit à propulser la spécialiste en communication dans le monde de la mode. Ces entreprises ont approfondi sa compréhension de la narration numérique et de la construction communautaire — des éléments qui façonneront plus tard la stratégie mondiale de Tongoro.
De fil en aiguille, la titulaire d’un master en gestion du marketing et de la communication obtenu à Paris songe à créer une marque made in Africa, qu’elle imagine comme un vecteur du savoir-faire du continent. C’est en 2016 que le projet se concrétise, lors d’un séjour au pays de la Teranga. Sara Diouf s’inspire du talent brut des tailleurs de rue qu’elle mobilise au service de sa griffe. Très vite, elle s’entoure de quatre tailleurs au sein de son atelier, soutenus par huit autres à l’extérieur, qui produisent entre cent et deux cents pièces par mois. En sortent des robes aux manches amples et aux épaules démesurées, des combinaisons aux jambes larges — modèles phares de son vestiaire. Des pièces nobles, travaillées pour valoriser le mouvement et respecter la liberté de bouger. Tongoro, un nom qui signifie « étoile » en sango, voit ainsi le jour avec pour ambition de sublimer le savoir-faire africain de bout en bout.
Arame NDIAYE