Malgré une constellation de productions audiovisuelles locales et un intérêt particulier pour le public, les séries sénégalaises font face, aujourd’hui, à un problème de structuration. Tout comme de modèle économique par rapport au financement.
Des maisons de production qui pullulent. Des séries télévisées en vogue. L’audiovisuel sénégalais a connu une révolution ces dernières années. Les soap-operas (séries télévisées) sont consommées comme des petits pains dans la chaleur des chaumières, mais aussi sur les réseaux sociaux où elles enregistrent des dizaines de millions de vues. Leur dynamisme est tel qu’aujourd’hui, une petite industrie locale s’est formée. Celle-ci fait courir annonceurs et comédiens ainsi que tous les acteurs de cette chaîne.
Mais derrière cette petite révolution audiovisuelle, se cache l’équation du financement, du coût de la production des séries. Un sujet que certains producteurs hésitent souvent à aborder, mais qui rappelle aussi la nécessité de la structuration d’un sous-secteur au succès fulgurant.
Face à l’intérêt croissant que les Sénégalais accordent à ces fictions, la publicité est devenue le premier mécanisme de financement. Les annonceurs se bousculent pour présenter leurs produits lors de la diffusion de ces séries en prime time. « La plupart du temps, les maisons de production collaborent avec des télévisions grâce à des contrats de pré-achat des œuvres. Ceci leur permet de commencer le projet. Il arrive également que ces maisons signent des contrats de coproduction avec d’autres pays ou avec de grands groupes de média pour avoir le financement requis », explique Khadey Zidna Mahfou Aïdara de la maison de production « Lydel Com ».
En quête de moyens, les producteurs font aussi appel aux guichets de financement comme le Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Fopica), l’Organisation internationale de la francophonie (Oif), le Centre national du cinéma et de l’image animée (Cnc) de France… En plus de cela, ajoute Mme Aïdara, « des appels de financement sont lancés périodiquement pour permettre aux projets d’obtenir des subventions. Mais cela requiert beaucoup de temps ». Aujourd’hui, il faut noter que « les investisseurs privés, les grands groupes de médias comme Canal + (coproduction), les télévisions comme Tv5 (pré-achat), les chaînes nationales… font partie des plus grands bailleurs des séries télévisées », avance-t-elle. Au Sénégal, révèle sous le sceau de l’anonymat une responsable d’une grande maison de production, « les télévisions restent souvent un sérieux problème » du fait des montants proposés par rapport au partage des recettes publicitaires.
En fonction du contrat, la chaîne de télévision peut souvent exiger jusqu’à 30 ou 40% des recettes publicitaires.
Une rentabilisation difficile
Selon toujours notre source, ces télés ne participent pas pourtant à la production et n’achètent pas non plus les films. « En France, les télévisions achètent les séries pour les diffuser. La production, c’est l’avenir, mais les télévisions n’ont pas les moyens pour produire des films. La production coûte excessivement cher », poursuit-elle. S’il est difficile d’établir le coût moyen d’une série, celle-ci peut aller jusqu’à plusieurs dizaines de millions de FCfa. « Le coût moyen d’une série télévisée dépend généralement du format, c’est-à-dire s’il s’agit d’un court ou d’un long métrage, mais aussi du nombre d’épisodes. Pour une série de 20 à 30 minutes, cela peut aller jusqu’à 30 ou 40 millions de FCfa voire plus. S’agissant des séries longues de 40 minutes, le budget peut-être plus conséquent (50 millions de FCfa et plus) selon le nombre d’épisodes. Tout de même, il faut préciser que c’est relatif ; cela dépend aussi de ce qu’on a comme contenu (scénario) », explique la productrice Khadey Zidna Mahfou Aïdara.
Par ailleurs, il reste difficile de rentabiliser une série télévisée au regard du coût de la production qui peut varier « entre deux millions et cent millions de FCfa ». Le retour sur investissement reste parfois la grande incertitude. Pour les producteurs, c’est ce qui explique le fait qu’il n’y ait pas une suite de saison pour certaines séries. « C’est difficile d’avoir un retour sur investissement. On en sort même endetté, c’est ce qui fait qu’il y n’aura pas de suite ou de nouvelle saison. Ceci implique également le changement de certains acteurs d’une saison à une autre, parce que mal payés », souligne Khadey Zidna. Pour élargir leur palette de financements et rentabiliser leurs productions, certains producteurs, au-delà de mettre en place des chaînes de diffusion via internet, ont aussi noué des partenariats avec des plateformes comme Wido de l’opérateur de téléphonie Sonatel.
Par Ibrahima BA