Parler d’une des facettes peu relatée de la traite arabe en Afrique noire, c’est ce que fait, l’épouse du défunt président de la République du Tchad, Hissène Habré, Fatimé Raymonne Habré. Dans son roman intitulé, « Symbil et le décret royal », l’auteure lève le voile sur le harem.
A travers l’histoire d’une jeune fille qu’elle a choisie comme personnage principal, Mme Habré évoque la situation des esclaves noirs déportés vers les pays arabes. Des faits qu’elle estime que les arabes « tentent d’effacer » dans les annales de l’histoire, parce que jugées « tabou ». Ainsi, de page en page, l’auteure nous fait decouvrir des expériences féminines tirées de cette douloureuse épisode de traite arabe.
« J’ai voulu vraiment parler de ces expériences vécues, des douleurs, des peines, des joies, des rêves biaisés tirés d’une histoire », a-t-elle soutenu, le mardi 18 février dernier, pendant qu’elle présentait son ouvrage à l’Institut français de Dakar.
En fait, le livre met en exergue le récit de Symbil, une jeune fille de 15 ans enlevée par des caravaniers, près de la palmeraie, en plein désert du Sahara. La romancière revient alors, sur le parcours de la jeune fille dans tout son péril jusqu’à ce qu’elle soit vendue par un harem d’un sultan arabe.
« Cela me permet, de décrier complètement c’est quoi un harem et comment on y vit; quelle est son évolution et tous les problèmes qui se trouvent au niveau de ce livre: la question de l’esclavage, toute la douleur qu’on peut en ressentir », a rapporté Fatimé Rayonne Habré.
En réalité, souligne l’épouse de l’ancien président tchadien, que le harem, ce n’est pas ce qu’on pense. «Parfois, les peintres orientalistes ont vraiment beaucoup fantasmé au niveau du harem où on voit que des belles femmes et tout; c’est loin d’être la réalité. Le harem, c’est la matrice de la monarchie. C’est là que vont naître les princes. Ce n’est pas du tout simplement une question de dire, c’est pour le roi et c’est la satisfaction de sa libido. Non, pas du tout », a dénoncé la juriste de formation.
Mme Habré explique également que le harem permet, dans le temps, aux clans d’organiser et de garder le pouvoir. « À partir de ce moment-là, vous avez le harem, le devoir dynastique qui est attribué aux femmes pour pouvoir donc procréer, assurer une descendance et garder le pouvoir », fait-elle savoir.
Le lecteur suit cette histoire jusqu’à ce que Symbil retourne chez elle, en Afrique, à plus de dix mille kilomètres, soixante-cinq ans après. Elle avait 80 ans. « Elle aura passé 65 ans et ses parents n’ont aucune nouvelle. Qu’est-ce qu’elle est devenue sur le plan de son identité aussi? On va voir que son identité a été écrasée complètement alors qu’elle revient chez elle et essaie de s’insérer dans sa société », détaille Fatimé Raymonne Habré.
Il convient de noter que ce roman a remporté le Grand prix du livre Féminin Ken Bugul, édition 2024.
Mariama DIEME