C’est un bel hommage musical que le Super Étoile de Dakar vient de rendre à son défunt guitariste, Jimmy Mbaye, à travers un medley de quelques-uns de ses solos marquants. Un témoignage d’amour et de fidélité d’une grande facture.
À l’occasion de la Fête de la musique, le samedi 21 juin, Youssou Ndour et le Super Étoile de Dakar ont publié un single dédié à feu Mamadou Jimmy Mbaye. Un hommage à « leur » soliste d’exception, décédé le 12 février dernier à l’âge de 68 ans. « Jimmy Mbaye Dogo : Hommage du Super Étoile de Dakar » est un prodigieux pot-pourri de sept tubes du groupe cinquantenaire : Sama Gént Gi, Papa Ndiaye, Gandiol, Walo, Djino, Thiély et Yolele. C’est un titre que compose en quelque sorte Jimmy Mbaye lui-même, puisque la natte repose sur ses solos légendaires, qui marquent les morceaux sélectionnés.
« Quand l’idée de l’hommage s’est posée, nous avons réfléchi et nous nous sommes finalement dit que c’était mieux de chanter sur ses solos, qui étaient en eux-mêmes des chansons. Ses harmonies faisaient déjà tout le travail. J’ai utilisé les mêmes airs pour chanter des paroles », explique Youssou Ndour, dont la peine – et celle de tout l’orchestre – est très visible dans le clip vidéo publié sur YouTube le même jour.
Le film s’ouvre sur des propos de Jimmy Mbaye, dans des images remontant à plus de vingt ans, où le guitariste parle de son rapport avec le Super Étoile, « une famille extraordinaire » avec laquelle il passait « le plus clair de (son) temps ». Le défunt donne ainsi le ton avec une forte émotion, pour démarrer avec son solo dans Sama Gént Gi. Le symbole est fort. C’est un morceau puissant, chargé de sens, saisissant et agréable à l’écoute, interprété uniquement avec la guitare sèche de Jimmy Mbaye et la voix de Youssou Ndour.
La version en question était parue en 1995 dans l’album Gaïndé : Voices From The Heart of Africa, de Youssou Ndour et Yandé Codou Sène, après une première version dans Xaley Étoile, volume 4 du Super Étoile de Dakar (1981), chantée également par Youssou Ndour. Avec l’air de Sama Gént Gi, c’est une introduction tout en douceur, dans un registre funèbre, que Youssou Ndour tranche avec une voix qui sonne peinée et stoïque. Il célèbre Jimmy par son identité, ses origines et son œuvre majuscule, qui immortalise son nom. « Les morts ne sont pas morts… » Jimmy, c’est en effet une œuvre et un jeu reconnus bien au-delà du Sénégal et de l’Afrique, évoqués ici avec un air plus joyeux et exaltant (Gandiol).
Grande nostalgie
Une mémoire que Youssou Ndour évoque avec une grande nostalgie : la sienne, celle du groupe et de tous les fans (Papa Ndiaye). Dans l’extrait Walo, Youssou Ndour pleure Jimmy le virtuose, Jimmy l’homme aux grandes vertus humaines : Jimmy le poli, Jimmy le souriant, Jimmy le sérieux et excellent dans son travail, Jimmy le « ndaanaan » qui a défriché un champ prodigieux dans la musique grâce à son jeu révolutionnaire, ingénieusement adapté à la tradition. Youssou Ndour dit surtout merci à Jimmy Mbaye, « parti trop tôt », pour son œuvre et sa contribution féconde.
Dans le dernier morceau, Yolele, Youssou Ndour est tout en spiritualité. Il prie. Cette dernière partie est particulièrement émouvante. La profondeur du message et l’émotion dans la voix du chanteur peuvent faire pleurer. Youssou invite à s’en remettre au décret divin, à considérer la vie avec foi et amour, et à se retenir d’être malveillant ou calomniateur face aux épreuves. Le leader du Super Étoile de Dakar recommande d’agir avec vérité et mesure, pour ne pas regretter l’héritage qu’on laisse. Jimmy Mbaye, comme Habib Faye avant lui, semble être revenu au bercail à temps, avant de repartir à jamais…
On voit également dans le clip vidéo des images de Gaston Madeira, band-manager du Super Étoile de Dakar, décédé en septembre 2024. Outre les séances d’enregistrement du pot-pourri – où l’affliction se lit sur les visages des musiciens compagnons de Jimmy durant des décennies – le film est un montage d’archives précieuses. On y voit Jimmy Mbaye dans toutes ses dimensions : pieux, taquin, généreux dans la transmission, concentré et méticuleux dans son art, sportif, rassembleur.
L’hommage est pleinement mérité pour cet artiste au noble sens du terme.
Mamadou Oumar KAMARA