Demba Gatta Thioub, ingénieur de travaux agricoles à la retraite, nous plonge dans les origines de Matam, une région riche en histoire et en traditions. Selon lui, la ville de Matam a été fondée en 1512 par Farba Boubou Samba Gaye, un pêcheur, habitant de Koukani, un village situé à six kilomètres de Bakel.
À son arrivée, la région de Matam n’était qu’une forêt dense. Farba Boubou Samba Gaye y établit une première implantation qu’il nomma Sinthiou Jamm Hara, signifiant « Village de paix et abondance ». Deux ans plus tard, il retourna à Koukani pour s’installer définitivement avec ses épouses et ses enfants. Il est à l’origine de nombreuses familles de Matam, notamment celles du quartier de Soubalo, où presque chaque maison entretient un lien direct ou indirect avec lui.
Avec ses huit enfants dont 6 filles et ses nombreux descendants, Farba Boubou Samba Gaye a laissé une empreinte durable sur la région. Ce lien entre les familles et l’histoire locale a été documenté par des historiens tels qu’Oumar Ba, Oumar Kane et David Robinson. Ces récits confirment également que, contrairement à d’autres villes comme Podor, Dagana ou Bakel, il n’y a jamais eu de fort militaire à Matam.
Sous le gouverneur Louis Faidherbe, une escale stratégique fut établie à Matam pour contrer les forces d’El Hadj Omar Tall, qui s’opposait farouchement à la navigation française sur le fleuve Sénégal. Six canons furent installés pour protéger ce point névralgique. Ces armes, transportées par un bateau nommé La Cigale, furent réparties tout au long de la vallée pour défendre les positions françaises face aux attaques répétées des guerriers omariens.
El Hadj Omar Tall et ses troupes utilisaient la saison sèche, où les bateaux français ne pouvaient naviguer, pour attaquer les forts et comptoirs français. À Garli, un barrage de pierres fut érigé par Thierno Brahim et ses hommes entre Tiempíng et Garli, afin de bloquer les bateaux français. Cette tentative, bien que ambitieuse, échoua, entraînant de violents affrontements.
La bataille de Médina Khaso, un tournant majeur
Ces tensions culminèrent avec la bataille de Médina Khaso, au Mali, entre mai et juillet. Pendant trois mois, les troupes d’El Hadj Omar, fortes de plus de 1 000 soldats, assiégèrent les 500 soldats français retranchés, lourdement armés et appuyés par La Cigale. Le fleuve Sénégal devint le théâtre d’une tragédie où des corps flottaient sur ses eaux, et de nombreux morts furent enterrés à Bakel.
L’histoire de Matam est également marquée par des figures emblématiques comme Ibrahima Sériba Thioub, le père de Demba Gatta Thioub. En 1970, il devint maire de Matam, un poste qu’il occupa après avoir été nommé par le Président Senghor, par décret. Son rôle a été crucial dans le développement de la ville, posant les bases administratives et organisationnelles de la commune, il fut l’instituteur et Djibo Leyti Ka à l’école 1 de Matam.
Un récit à suivre
Cette première partie du témoignage de Demba Gatta Thioub nous éclaire sur les origines de Matam et les enjeux stratégiques qui ont marqué son histoire. Dans la prochaine partie, nous explorerons plus en détail les répercussions de ces événements sur la région, les figures historiques et les héritages qu’ils ont laissés.
Papa Abdoulaye SY, envoyé spécial