L’univers des jeux vidéo est réputé être un milieu masculin. Mais, Marie Pierre Thiam, gameuse et conceptrice de jeux vidéo, déjoue tous les préjugés et s’est imposée comme une pionnière grâce à son association « Linguère gaming ».
La décoration d’une maison en dit long sur la personnalité de la propriétaire. Assurément ! Chez Marie Pierre Thiam, l’univers du jeu vidéo susurre sa présence dans chaque coin et recoin. D’entrée de jeu. La jeune fille a aménagé une salle de jeu (gaming room) dans son salon. L’espace comprend une chaise gamer, un PC gamer avec lumières RGB, deux écrans (l’un en format paysage et l’autre en format portrait), une PlayStation 5 et une Nintendo Switch au design personnalisé. Des gadgets high-tech et des livres geeks décorent les étagères murales, ajoutant une touche personnelle. Une caméra sur trépied est installée, prête pour le streaming ou la création de contenu. Un volant de simulation complète l’installation, reflétant une passion pour les jeux de course.
Déjouer les préjugés
Le métier de game designer n’est pas sans défis. Tel Mario dans le célèbre jeu vidéo Super Mario, Marie Pierre Thiam a dû faire face à des obstacles au cours de son aventure. « Je me demandais comment je vais m’intégrer dans cet univers », se rappelle-t-elle. Une intégration pas du tout évidente. La gameuse avoue avoir essuyé des préjugés sur sa capacité à réussir dans ce domaine dit masculin. « Le game design, les métiers reliés aux jeux vidéo, n’ont aucun rapport avec le sexe. C’est avant tout une question de compétence et de passion », précise-t-elle. Malgré ses preuves sur le terrain, une mésaventure avec un coordonnateur d’un webinaire sur les jeux vidéo lui reste encore au travers de la gorge.
Contactée par ce dernier pour être une des invités, Marie Pierre Thiam se rend compte que le webinaire a été organisé sans elle le jour-j. « Mes compétences ont été sous-estimées au profit d’autres », regrette-telle. Mais de forte tête, la jeune femme n’hésite pas à appeler l’organisateur pour des éléments de réponses. « Il m’a dit qu’il cherchait des profils techniques avec des données en appui », dit-elle dépitée. Une réponse pas au goût de la conceptrice de jeux qui garde un souvenir amer de cette histoire.
La représentation des femmes dans cet univers fait partie des écueils à en croire Marie Pierre Thiam. La gameuse affirme que celles qui sont dans le secteur se comptent sur le bout des doigts. « Les hommes considèrent tout ce qui est jeux vidéo comme leur sanctuaire et les femmes ont peur d’être victimes de stéréotypes, de misogynie. Cela explique leur faible présence dans cet univers », se désole-t-elle.
Pour y remédier, Marie Pierre fait de la sensibilisation sur ses plateformes digitales et a créé l’association « Linguère Gaming ». La jeune femme essaie de montrer qu’il est bien possible d’être passionnée par les jeux vidéo et faire carrière dans ce milieu. « Elle regroupe les passionnées de création de contenus de jeux vidéo, d’e-sports, de développement de jeux vidéo. Bref toutes les férues de cet univers », explique fièrement la coordonnatrice de cette association qui compte plus de quatre-vingt membres. La conceptrice de jeux de vidéo ne s’arrête pas là et continue de relever les défis dans ces univers.
Ashita, le défi d’une vie
L’avenir se construit à travers les enfants. Consciente de l’importance de l’accès à la technologie, Marie Pierre a créé son entreprise Ashita (quelque chose qui n’est pas encore arrivé, mais qui vient en japonais) en 2018, avec le but de rendre plus accessible la technologie aux plus jeunes. « Nous organisons des ateliers de robotique, d’art digital, de programmation, de développement de jeux vidéo aux enfants de 6 à 19 ans », a-t-elle fait savoir. Ashita organise également, des ateliers dans les écoles, dans les instituts et s’aventure même dans les régions avec le but de toucher les couches les plus vulnérables.
« Nous avons aussi créé une plateforme éducative dénommée Ashita ICC. Elle permet aux passionnés de pouvoir apprendre des métiers liés aux industries culturelles et créatives, de la modélisation 3D, dessin sur tablette, dessin digital, motion design, etc. », renseigne la fondatrice de Ashita. Les cours varient entre 2000FCfa, 2500Fcfa jusqu’à 10.000FCfa et la plateforme compte plus de 800 inscrits.
« La passion permet de déplacer des montagnes », a-t-on coutume de dire. L’amour de Marie Pierre Thiam pour les jeux vidéo l’a conduit jusqu’aux Etats-Unis. La game designer a été sélectionnée l’année dernière pour participer au Mandela Washington Fellowship, un programme d’échange du gouvernement américain qui permet à de jeunes Sénégalais de faire une formation au pays de l’Oncle Sam, pour les aider à atteindre leurs objectifs professionnels. « J’ai fait un mois et demi à New Jersey, à Rutgers University. J’ai pu découvrir beaucoup de choses et cela a été une source d’inspiration et de motivation », a-t-elle avoué visiblement émue.
Riche de son expérience cumulée aux Etats-Unis, la jeune fille revient au pays avec l’ambition de créer ses propres jeux. « J’ai toujours travaillé sur divers projets en tant que consultante. Je me suis dit qu’il est temps d’en créer un à mon image », a-t-elle confié. Marie Pierre Thiam ambitionne également la création d’une émission qui porte sur tout ce qui est jeux vidéo, création de contenus, afin de briser les stéréotypes. Plus qu’un jeu, le défi d’une vie !
Arame NDIAYE