La mise en service du Brt a changé le quotidien de quelques Dakarois. Ils sont nombreux à louer ces bus électriques qui desservent certains quartiers de la capitale. En plus du confort, le gain de temps sonne comme un leitmotiv chez les usagers.
Reportage de Mame Assane KARÉ (Stagiaire)
De la station non desservie de Gueule Tapée, sise à Golf Nord, au terminus de Guédiawaye, la voie dédiée au Brt (Bus rapid transit) est parsemée d’arbustes sur ses bordures entre lesquelles des fleurs vertes, harmonieusement disposées, offrent au trajet un camaïeu de couleurs resplendissantes. Les usagers riverains de la zone sont obligés de se rendre dans l’autre station. La préfecture de Guédiawaye, c’est le nom donné à la station qui jouxte la préfecture, située à sa gauche, et la grande mosquée de Guédiawaye à droite. La station est séparée de ces deux structures par deux routes à sens unique. C’est la dernière desserte du Brt au bout duquel un tournant se dessine, permettant aux bus de reprendre le chemin vers Dakar. Ce samedi 12 octobre, les passagers affluent dans la station, ceux qui partent comme ceux qui arrivent. La voie vers le guichet légèrement en pente les conduit à l’entrée des deux constructions métalliques au design stylé, où le quai se dresse à environ un mètre au-dessus des voies du bus. Trois bus, peints aux couleurs nationales, arrivent en file indienne dans la station. Des passagers en descendent et se rendent au guichet où ils valident leur billet avant de descendre du quai. Parmi eux, Omar, un jeune d’une vingtaine d’années, visiblement chancelant, se rend à son travail dans une boulangerie de Guédiawaye. L’homme de teint clair, portant un polo blanc assorti d’un pantalon noir, vient de quitter les Parcelles assainies où il habite. Son quotidien rime désormais avec le Brt. « Depuis que le bus est opérationnel, je le prends quotidiennement pour aller au travail. Ça me permet d’être à temps sur place (boulangerie, Ndlr), et m’assure un confort que je ne pouvais pas espérer avec les autres transports en commun », explique-t-il. Cet homme au sac à dos dit n’avoir pas de souci avec le tarif du Brt, même si les prix des bus « Tata » sont sensiblement moins chers. « Avec les « Tata », je déboursais 300 FCfa à l’aller comme au retour. Mais, je trouve que le confort et la rapidité du Brt en valent le coût », fait-il savoir.
Faire des économies
Tout comme Omar, Al Hassan Barry, vigile de profession, salue la rapidité du bus. De taille moyenne, lunettes noires sur son visage, l’homme, glacial au départ, est tout souriant lorsqu’il parle du coût du bus. « Avec le Brt, mes déplacements me reviennent à 1000 FCfa. Or, avant sa mise en service, je prenais les « taxi boko » (covoiturage de taxis) qui me coûtaient 1400 FCfa ». Le trentenaire est également laveur de voitures, un métier qu’il s’apprête à exercer en cette matinée. « Les matins, je m’active dans le lavage de véhicules après mon service de gardiennage pendant la nuit. Et puisqu’avec le Brt il n’y a pas d’embouteillage, je reste jusqu’à 18 heures pour me rendre à Sacré-Cœur où je travaille en tant que gardien », renchérit-il.
Il n’a fallu qu’une poignée de minutes pour voir débarquer une autre vague de bus. Le bruissement qu’ils émettent, à peine sensible, se noie dans l’ambiance urbaine de cet endroit spacieux qui offre les allures d’une ville. Stations-service, poste de police, agence de télécommunications…s’harmonisent avec les deux dernières dessertes du Brt de Guédiawaye. Teint clair et assez élancée, Fatima vient juste de passer le guichet après sa sortie du bus. Habillée tout en rose et tenant à la main gauche un sac à papier, elle paraît avoir fini de faire ses courses. « Je ne prends pas le bus tous les jours, seulement les week-ends quand je me rends en ville », explique-t-elle. Avec le Brt, cette jeune dame dit faire des économies pour un confort acceptable. « Avant le Brt, si mon mari ne déposait pas avec sa voiture, je prenais un taxi ; ce qui me coûtait 5000 FCfa pour aller à Dakar », explique-t-elle.
Gain de temps
Jérôme, enseignant à Sacré-Cœur 3, est bien dans sa chemise aux manches courtes étoffées de couleurs bariolées. L’habit épouse les contours de son torse. Ce trentenaire au teint noir, lunettes de soleil et sac au dos, affirme prendre le Brt quotidiennement pour se rendre à son établissement. « Avant, je prenais la ligne 31. Je passais beaucoup de temps en route. C’est vrai qu’avec le Brt, il y a une légère différence de prix. Cependant, compte tenu de mon métier, le plus précieux des biens, c’est le temps. Et j’arrive de bonne heure », soutient-il.
Dans la matinée du lundi 14 octobre, le temps, clément à la pointe du jour, cède la place au rayonnement dru du soleil. À côté de la place de la Nation, où se dresse l’imposant obélisque, la station du Brt qui porte le même nom voit déjà du monde. Les bus qui débarquent sont pleins à craquer. À travers leurs vitres, on peut apercevoir les passagers, debout, s’accrochant aux poignées suspendues aux barres. Cette zone, marquée par la densité du trafic, notamment au carrefour que traverse le Brt et près duquel débute le canal qui aboutit au corniche, est la plus proche de Colobane et des écoles et universités environnantes. Ivan, étudiant gabonais au teint clair, habillé d’un polo blanc marié à un pantalon noir et coiffé d’un foulard de même couleur, est désormais un habitué du Brt. Lui qui s’en va à Colobane, reconnaît que le gain de temps est plus important que la différence de prix entre le Brt et les taxis « clando » qu’il avait l’habitude de prendre pour se rendre à son école. À une centaine de mètres plus loin, à la station Dial Diop de Grand Dakar, une élève d’un institut privé, parée de son uniforme bleu sombre mariée au polo blanc de l’intérieur que couvre sa veste, attend l’arrivée du bus. Sous le couvert de l’anonymat, elle ne le cache pas, le Brt lui profite à merveille. « Au début, c’est mon père qui me conduisait à l’école. Je me débrouillais après pour rentrer chez moi à Golf Sud. Souvent, je prenais la ligne 29. Et franchement, c’était difficile avec de longs trajets et des embouteillages à n’en plus finir ». En deuxième année de droit, cette étudiante au teint noir, un voile blanc couvrant sa tête, montre fièrement sa carte d’abonnement au Brt dont elle loue les mérites. « J’ai un abonnement mensuel de 22 000 FCfa. Je prévois prochainement de disposer de l’offre élève/étudiant dont je n’étais pas au courant », renseigne-t-elle. Elle explique que son statut d’étudiant lui permet de disposer d’une réduction de 8000 FCfa si elle opte pour l’abonnement « Unique », et de 4000 FCfa si c’est un abonnement « Toutes zones ».
Retour à la place de la Nation. Il est 12 heures passées. Une chaleur torride emplit l’atmosphère que contribuent à rendre suffocante les véhicules passants. Du quai, une femme de teint noir descend l’allée en pente. Vêtue d’un débardeur blanc et d’un bas noir, Bousso, commerçante, se déplace à Dakar pour acheter des articles qu’elle revend à Guédiawaye. Sa démarche témoigne de son handicap qui ne l’empêche pas de marcher à une bonne allure. « J’ai quitté Guédiawaye il y a à peine une heure. Le confort qu’il y a à l’intérieur, la fluidité… Le bus a tout ce qu’il faut pour un bon voyage. En plus, ça me permet de gagner du temps », admet-elle toute souriante. Sous un arbre, pour échapper à la chaleur infernale, Pierre Lopy, un jeune homme de taille moyenne, arbore un tee-shirt bleu clair et un pantalon jean de même couleur. Cinéaste, il dit arriver récemment au pays. Il était en Russie à l’occasion d’un festival cinématographique. Pierre voit dans le Brt une occasion en or pour ses déplacements. Lui qui prenait les taxis « bokko » et déboursais jusqu’à 2000 FCfa, reconnaît faire des économies. « En effet, c’est trop cool ! Vu je mène une activité professionnelle libre, je me déplace beaucoup. Le bus m’aide vraiment », renchérit-il. L’artiste dit ne pas comprendre ceux qui trouvent à redire sur le prix du Brt. Il dit avoir rencontré, un jour, un gars qui s’était emporté à cause du prix. « Il devait se rendre à une distance non loin de là où il se trouvait. Je lui ai proposé de prendre un car rapide et de payer 100 FCfa. Ce qu’il refusa », raconte Pierre.