Plus de vingt ans après le début des opérations de déminage, la Casamance n’est toujours pas totalement débarrassée des mines antipersonnel qui continuent de freiner sa reconstruction. À ce jour, 75 zones impliquant 36 localités sont jugées dangereuses. Alors que plus d’un million de mètres carrés de terres sont encore infestés, l’acquisition de nouveaux équipements, hier, à Dakar, et le lancement, au mois de mai dernier, à Ziguinchor, d’un ambitieux projet international donnent un nouveau souffle à la lutte pour la dépollution.
La Casamance est encore loin d’en avoir fini avec les séquelles du conflit armé qui l’a marquée au fer rouge. Sur ces terres du sud du Sénégal, les mines antipersonnel, invisibles mais mortelles, continuent de hanter le quotidien des populations rurales. Dans ce contexte alarmant, l’ancien parlementaire Demba Keïta, figure engagée du plaidoyer pour la dépollution, a salué avec espoir l’arrivée d’un matériel de dernière génération destiné à intensifier les opérations de déminage humanitaire. « C’est un grand ouf de soulagement pour la Casamance », s’est-il réjoui, ce mercredi, lors d’un entretien avec des journalistes.
Pour lui, cette avancée doit être l’occasion d’en finir une bonne fois pour toutes avec ce fléau silencieux. « Le déminage a démarré dans le sud du pays il y a plus de vingt ans. Il faut qu’on arrive à dépolluer toute la Casamance. Il est temps de clore ce chapitre tragique pour garantir la sécurité des populations », a dit M. Keïta, résident du village de Mahamouda, dans la commune de Nyassia. Selon ses chiffres, plus de 860 victimes ont déjà été recensées à cause des mines. « Il ne faut pas accepter que cette liste s’allonge. Nous devons dépolluer toute la Casamance. D’après nos statistiques, il reste encore environ un million cinq cent mille mètres carrés à sécuriser, notamment à Bignona, à Oussouye et dans la zone de Goudomp », a-t-il signalé, saluant à nouveau l’engagement de l’État du Sénégal à en finir avec ces mines en Casamance.
L’alerte est également lancée par Lamine Coly, chef du village de Couram (Bignona), qui plaide pour un déminage intégral des villages situés le long de la bande frontalière. « Toutes ces zones doivent être nettoyées pour permettre aux familles déplacées de revenir vivre en paix », a déclaré ce militant actif et membre de la Coordination des organisations de la société civile pour la paix en Casamance (Cospac). L’espoir de retrouver des terres sans mines Le 20 mai dernier, un nouveau tournant a été amorcé avec le lancement officiel du projet « Déminage pour le développement en Casamance », dans la commune de Ziguinchor.
Un projet porté par le gouvernement du Sénégal et mis en œuvre par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), entièrement financé par l’Inde à travers le Fonds Inde–Nations Unies pour le partenariat et le développement. Doté d’un budget d’un million de dollars US sur une période de 18 mois, ce programme vise à dépolluer près de 70.000 m² de terres contaminées, notamment dans les départements de Ziguinchor.
À Nyassia, au cours d’une cérémonie parallèle organisée le même jour, la ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, Yassine Fall, a dressé un état des lieux sans détour. « Il subsiste encore 75 zones dangereuses dans 36 localités. Mais des progrès notables sont enregistrés : à ce jour, le Sénégal a pu sécuriser 54 localités réparties dans 11 communes, soit plus de 2,2 millions de mètres carrés de terres déminées et 504 engins explosifs détruits », a-t-elle souligné, tout en remettant des certificats de restitution de terres aux chefs de village de Baséré, Darsalam, Kadiéne, Kourong et Essouma.
Présent à la cérémonie, l’ambassadeur de l’Inde au Sénégal, Dinkar Asthana, a rappelé l’ampleur des souffrances causées par les mines. « Ces engins de mort ont contraint des milliers de familles à fuir leurs terres, provoquant insécurité alimentaire, isolement, pauvreté et désintégration sociale. Ce projet est un acte concret en faveur de la paix, de la dignité et du développement », a-t-il indiqué.
Cependant, les défis restent considérables dans certains villages de la commune d’Oulampane (Bignona) ou encore à Santhiaba Manjack, dans le département d’Oussouye, où les habitants attendent toujours la dépollution de leurs terres. Les opérations, coordonnées par le Centre national d’action anti-mines du Sénégal (Cnams), se poursuivent sur le terrain avec l’espoir de tourner définitivement cette page douloureuse.
En Casamance, la paix ne peut se construire sur des sols piégés. Elle passe nécessairement par la restauration de la sécurité et la restitution des terres à leurs légitimes propriétaires. Pour Demba Keïta et tant d’autres, la dépollution n’est pas une option, mais une urgence vitale. Une étape indispensable pour faire refleurir la vie sur des terres que la guerre a trop longtemps stérilisées.
Gaustin DIATTA (Correspondant)