Nango Seck, ancien député de la diaspora à la 13ᵉ législature, a été rappelé à Dieu ce samedi 26 avril en Italie.
En octobre 2017, Le Soleil avait publié un portrait qui lui était consacré. Nous le republions tel quel, en hommage à l’ancien policier au destin hors du commun. Le groupe SSPP Le Soleil présente ses plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.
Élu député de la diaspora sur la liste Europe du Sud de la Coalition Gagnante Wattu Sénégal, Nango Seck a eu une vie pleine d’aventures. Ce policier radié, né à Rufisque, qui a passé une trentaine d’années en Italie, est un homme actif et engagé dans la vie associative.
Quand Nango Seck a franchi les portes de l’Assemblée nationale pour être installé comme député, il a sans doute eu en tête le souvenir du 15 avril 1987. C’est dans ce même hémicycle qu’un jour d’avril 1987, son sort, ainsi que celui de nombreux collègues, a été scellé. Ce jour-là, la loi sur la radiation des policiers a été votée. Suite à un mouvement d’humeur, plusieurs policiers ont subi une décision dure qui mettait fin à leur mission dans les forces de sécurité. Nango Seck se rappelle cet événement douloureux avec une pointe d’amertume. À cette époque, il servait au commissariat central de Dakar.
« Cela a été un choc pour beaucoup. Certains ont vu leur vie brisée, leurs ménages éclatés, leur dignité bafouée », se ressasse-t-il, le cœur empreint d’émotion. Cet événement fut aussi le point de départ d’une autre vie pour ce Rufisquois né il y a une cinquantaine d’années : l’émigration. D’abord en Côte d’Ivoire, puis en Italie.
Avant cette vie d’émigré, Nango avait connu la vie sous les drapeaux après sa réussite au concours d’entrée dans la police. Cette carrière d’homme de loi l’a mené loin de son Rufisque natal où il avait grandi et forgé ses premières armes. Après son entrée dans la police en 1982, il a servi au Groupement Mobile d’Intervention (GMI) à Ziguinchor avant de revenir à Dakar, au commissariat central. C’est de là que viendra sa radiation. Une épreuve qui lui ouvrira paradoxalement les portes de l’aventure… politique d’abord.
« Après la radiation en 1987, il y a eu les événements postélectoraux de 1988 où Me Abdoulaye Wade a été arrêté. Nous avions déjà des affinités avec Me Wade, car il défendait les policiers radiés. C’est ainsi que nous avons commencé à tâter de la politique », raconte-t-il. Une aventure politique qui cédera bientôt la place à une autre : l’émigration, avec des séjours en Côte d’Ivoire puis en Italie.
Actif et associatif
Ayant grandi dans une ville animée, Rufisque, Nango a gardé un activisme qui l’a beaucoup aidé à s’intégrer en Italie. Très investi dans la vie associative, il milite à la fois dans les dahiras, les associations d’émigrés, et surtout dans les partis politiques. Son compagnonnage avec le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) et Me Abdoulaye Wade ne s’est pas arrêté au Sénégal. En Italie aussi, la fibre libérale de Nango Seck va s’affirmer.
Le déclic intervient quand les Sénégalais de l’extérieur obtiennent le droit de vote à partir de 1993.
« C’est à partir de là que nous avons décidé de ne plus faire du simple militantisme mais de prendre des responsabilités au sein du PDS », explique-t-il.
Ses réseaux dans la communauté sénégalaise d’Italie, via les dahiras et associations, vont l’aider à sillonner tout le pays pour implanter le parti. Un activisme politique qui lui vaudra la légitimité d’assumer des responsabilités au sein de la fédération PDS d’Italie. Il y restera une figure importante jusqu’en 2012, année de la perte du pouvoir du PDS.
Après une pause politique, Nango Seck revient sur le terrain de l’engagement, cette fois sous la bannière de la Convention Bokk Gis Gis de Pape Diop. C’est avec ce parti qu’il est coopté dans la liste de la Coalition Gagnante Wattu Sénégal pour les premières législatives où les Sénégalais de l’extérieur peuvent élire leurs propres députés.
Une première que Nango Seck accueille avec philosophie, lui qui s’est toujours battu pour les émigrés, que ce soit dans les dahiras, les associations ou les partis politiques. Aujourd’hui manager d’une société de prestations de services et d’accompagnement des émigrés à Brescia — la ville la plus sénégalaise d’Italie —, Nango Seck connaît bien la vie d’un simple émigré, ayant lui-même travaillé comme ouvrier spécialisé à son arrivée en Italie. C’est tout ce capital d’expérience, forgé au fil des années dans la diaspora, que Nango compte mettre au service de ses compatriotes émigrés à l’Assemblée nationale.
Nango n’en oublie pas pour autant son ancienne vie de policier ni, surtout, sa radiation. Alors, cette entrée à l’Assemblée nationale, là où fut votée sa radiation, est-elle une revanche de l’histoire ?
« C’est vrai qu’on peut le voir comme une revanche, rétorque-t-il. C’est surtout une satisfaction. Notre retour à l’Assemblée nationale se fait au nom de tous nos collègues qui ont subi cette injustice. C’est aussi pour donner des leçons aux députés et à la société : pour rappeler que l’injustice n’est jamais bonne. Il faut tout faire pour que, dans l’avenir, de telles lois ne soient plus votées, surtout dans nos régimes actuels où l’Exécutif a une grande influence sur le Législatif avec une majorité mécanique. » Bréviaire d’un nouveau parlementaire…
Oumar NDIAYE