L’absence d’unités de transformation laitière constitue un frein majeur au développement de l’élevage, particulièrement dans le département de Ranérou. En effet, elle empêche les éleveurs de valoriser leur production, limitant ainsi leurs revenus. Elle constitue un manque à gagner énorme pour l’épanouissement de la femme dans le Ferlo notamment à Ranérou.
Dans le département de Ranérou, il n’existe quasiment pas d’unité de transformation laitière. « Il n’y en a pas dans le département », tranche Bocar Diallo, président du Conseil départemental des jeunes de Ranérou, par ailleurs, premier adjoint au maire de la commune de Houdallaye. « Cela constitue un manque à gagner énorme. À cause de l’absence d’infrastructures de collecte et de stockage, nous versons le lait à même le sol », déplore Rougui Diallo, présidente du Gie « Kawral Diawbé » de Ranérou. Le président de la Maison des éleveurs de Ranérou, Pathé Demba Bâ, et Amadou Sy, secrétaire élu au Conseil départemental de Ranérou, demeurent persuadés que de grosses quantités sont perdues à cause de cette situation qui perdure dans cette partie du pays. Conséquence, pour subvenir à leurs besoins, les femmes éleveuses sont souvent obligées de vendre leurs produits laitiers à vil prix. Rougui S. Diallo, présidente d’un groupement de promotion féminine (Gpf), par ailleurs, membre du Dirfel de Ranérou, a abondé dans le même sens en faisant un constat similaire. « Notre survie dépend de l’élevage. C’est pourquoi nous vendons nos produits laitiers parfois à perte, de même que nos bétails », s’indigne-t-elle. À ses yeux, l’urgence pour le département, c’est la construction et la réalisation d’unités laitières. Faty A. Bâ de l’association « Bamtaaré » de Ranérou est du même avis. Elle et Rougui Diallo demeurent persuadées que la réduction de la facture laitière du Sénégal passe par la construction d’unités de transformation laitière dans le Ferlo, notamment dans le département de Ranérou. Pour le moment, la seule unité qui existe, est en construction dans la commune de Ranérou. Aïssatou Babou en est l’initiatrice grâce à ses partenaires. Selon Ahmadou Diallo, président de la Commission environnement du Conseil départemental de Ranérou, d’autres initiatives individuelles voient le jour à travers le département. À cause de l’absence d’unités de transformation, des femmes éleveuses versent à même le sol le surplus de lait ou le redonnent à leurs troupeaux. Aux yeux du secrétaire élu au Conseil départemental de Ranérou, cet acte est, pour le moment, la seule alternative qui s’offre aux femmes du département. « On dit que Ranérou est le bastion du pastoralisme alors que le département ne dispose même pas d’unité de transformation laitière. Il y a un paradoxe saisissant », relève M. Sy. Selon lui, Ranérou occupe actuellement la place dévolue d’antan à Dahra Djolof, car, constate-t-il, « toutes les richesses pastorales convergent vers Ranérou ». Et avec la transhumance, « le département est devenu le carrefour du pastoralisme. Nous y retrouvons presque tous les éleveurs du pays », indique le secrétaire élu. Il estime que ce dynamisme doit être accompagné avec la mise en place des infrastructures dignes de ce nom pour redonner à l’élevage sa place dans le département.
Facture laitière
La présidente du Dirfel de Louga, Awa Alassane Sow, relativise cette situation et explique cette absence d’unité de transformation par le fait que Ranérou est un nouveau département. « À sa création, il n’y avait quasiment pas de villages au bord de la route. Ce qui fait qu’il était difficile de collecter du lait dans les villages reculés du Ferlo et l’acheminer à Ranérou ou dans d’autres centres urbains », ajoute-t-elle. Pour inverser cette donne, selon elle, il faudra construire des centres de collecte de lait dans les villages de l’intérieur du Ferlo et des unités de transformation laitière. Cela exige nécessairement l’appui de l’État. À défaut, dit-elle, des initiatives privées nécessitent l’accompagnement de l’État à travers la mise en place de certaines infrastructures. Le président du Conseil départemental des jeunes de Ranérou, Bocar Diallo, appelle ainsi les pouvoirs étatiques à appuyer les femmes du département de Ranérou pour qu’elles puissent disposer d’unités modernes de transformation laitière. Toutefois, il souligne que beaucoup de promesses ont été faites aux femmes qui attendent avec impatience ces infrastructures. Pour Rougui Diallo, il y a urgence à soutenir les femmes souhaitant migrer vers l’élevage intensif à travers notamment l’embauche bovine. Car, d’après elle, les perspectives pour l’élevage extensif sont « peu reluisantes » du fait de la « pénibilité » et des « exigences ». Au Sénégal, la facture laitière, c’est-à-dire le coût des importations de produits laitiers, représente un défi majeur pour l’économie nationale. Le pays importe une grande quantité de lait en poudre, principalement de l’Union Européenne ; ce qui pèse lourd sur la balance commerciale. En 2024, la facture laitière a atteint 65,7 milliards de FCfa, soit une augmentation de 20% par rapport à l’année précédente, malgré une légère hausse de la production locale.
Par Samba Oumar FALL, Souleymane Diam SY (textes) et Mbacké BA (photo)