Aïda Diop Ndiaye est en terrain connu lorsqu’il s’agit de parler de géologie. Elle maitrise son sujet sur le bout des doigts. Bien qu’évoluant dans un métier dit masculin, la géologue ne se laisse pas faire et milite pour déconstruire les stéréotypes dans le secteur : mine de rien !
Aïda Diop Ndiaye est la présidente du Réseau national des femmes du secteur des mines, du pétrole et du gaz (Women in mining in Sénégal). Au siège du Women in mining in Sénégal (Wim), elle est sur tous les fronts. La trentenaire suit une réunion en ligne. Quelques minutes plus tard, elle nous reçoit dans son bureau. Les tons gris de ce lieu laissent penser à une certaine froideur. Mais que nenni ! Les photos accrochées au mur témoignent de l’attachement de la présidente pour la promotion des femmes dans le secteur extractif. Cette militante est bien loin du style formel. Elle reçoit en taille basse wax, accompagné d’un foulard parfaitement noué. Cette tenue colorée contraste avec son teint d’ébène. Rien ne laisse penser que Aïda Diop Ndiaye évolue dans la géologie. Et pourtant, elle en a fait du chemin quitte à marcher sur des champs de mine rien que pour vivre sa vocation.
Des diplômes. Aïda Diop Ndiaye en a à la pelle. La trentenaire a très tôt su faire preuve de persévérance. Une qualité qu’il lui a fallu pour avancer dans son milieu. Après des études scientifiques, elle a suivi une formation en sciences naturelles et enchaîné avec un master en géologie. Sa quête du savoir se poursuit avec un master en qualité, sécurité et environnement, des formations en Afrique du Sud, en Australie sur l’économie minière et énergétique, sur le genre, le leadership, le développement du secteur extractif, sur la gouvernance des industries extractives. Des efforts qui finissent par faire sortir de terre des distinctions. « J’ai été lauréate du hackaton Min’Ovation 2018. Je fais partie du top 100 des femmes les plus influentes dans le secteur minier à travers le monde et 5e sur le classement Africain en 2020 d’après le Wim du Royaume-Uni. J’ai également fait partie des 15 femmes leaders de référence pour l’autonomisation économique des femmes en 2023 par le Ministère de la Femme », dit-elle avec fierté. En dépit de ses récompenses qui motivent la présidente du Réseau national des femmes du secteur des mines, du pétrole et du gaz, les préjugés sont sortis de terre. Comme un caillou dans la chaussure !
Secousses d’une vocation
« Le fait que cela soit des secteurs à dominance masculine nécessite du courage, de l’engagement pour montrer que la femme a sa place dans ces secteurs. Cela nécessite également d’être prête à faire face aux préjugés », révèle-t-elle sans sourciller. À ses débuts, Aïda Diop Ndiaye a dû essuyer quelques remarques. « Je me rappelle qu’il y avait des interrogations par rapport à mon choix de carrière, des inquiétudes liées à mon rapport à la féminité », se souvient-elle, la mine déconfite. Mais, la géologue a compris que cela ne doit pas être un facteur bloquant. « C’est avant tout un métier qu’on assume. Car, le travail n’a pas de sexe. C’est d’ailleurs, une des missions du Wim, à savoir amener à jeter un autre regard sur le secteur », dit-elle avec conviction.
Le potentiel de la femme n’a pas de limites. En terre, sur mer, dans les airs ou encore sous la terre, elle est toujours prête à repousser tous les obstacles pour baliser son chemin. C’est la conviction d’Aïda Diop. De technicienne géologue dans la région de Kédougou où elle faisait de la cartographie de terrain, elle est passée à cheffe de département d’une entreprise minière. Un destin tracé à coup de pioche qu’elle s’évertue de transmettre à la jeune génération à travers le Réseau national des femmes du secteur des mines, du pétrole et du gaz (Women in mining in Sénégal).
Déterrer le potentiel des femmes
Aïda Diop Ndiaye a trouvé aux mines les chemins du succès et depuis, la géologue laboure la voie pour ses sœurs. À travers le réseau créé en 2012, la présidente est à pied d’œuvre pour plus de place au soleil pour les femmes du secteur. Mais, cela n’a rien d’étonnant car, la trentenaire a très tôt hérité du militantisme. À l’âge de sept ans, elle accompagnait sa mère dans les combats pour la cause féminine. La continuité d’un destin déjà tout tracé. « J’ai participé et contribué à l’élaboration de la réforme du Code minier de 2016 ; ce qui a permis d’avoir des résultats phares dans la prise en compte de la dimension genre », explique la présidente du Wim. Le réseau a su mettre en place plus de cinq réseaux communautaires de femmes qui polarisent plus de 50.000 femmes et jeunes leaders. « L’objectif est d’encourager les femmes à aller dans la synergie pour pouvoir capter plus les opportunités de marché », estime Mme Ndiaye. Depuis 2016, le Wim a également mis en place un programme de mentorat pour initier aux filières scientifiques et sensibiliser sur les opportunités professionnelles du secteur avec plus d’une dizaine de clubs dédiés. « Le fait que nous soyons sous-représentées dans ce secteur nous a poussées à œuvrer pour préparer la relève », reconnait-elle.
L’une des particularités du Wim est la production de rapports. Avec des techniciennes qui sont au cœur de la création, la recherche constitue le point de départ de leurs interventions. « Nous arrivons à développer cet indice genre dans les industries extractives et à renforcer les données désagrégées sur le sexe et de suivre l’évolution de la situation des femmes dans le secteur à travers des dimensions en termes de gouvernance, de représentation, d’intégration dans les politiques publiques, entreprenariat, impact local, artisanat minier », informe-t-elle.
Aïda Diop Ndiaye ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et se dit plus que jamais déterminée à militer pour l’autonomisation économique des femmes, une plus grande présence des femmes dans le secteur et la déconstruction des préjugés dans le secteur : comme marcher sur un terrain miné !
Arame NDIAYE